plein

Les Cétonidés aiment le plein midi.

Pierre Bergounioux, Le Grand Sylvain, Verdier, p. 26.

David Farreny, 22 mars 2002
pays

Ah fromage voilà la bonne madame

Voilà la bonne madame au lait

Elle est du bon lait du pays qui l’a fait

Le pays qui l’a fait était de son village

Ah village voilà la bonne madame

Voilà la bonne madame fromage

Elle est du pays du bon lait qui l’a fait

Celui qui l’a fait était de sa madame

Ah fromage voilà du bon pays

Voilà du bon pays au lait

Il est du bon lait qui l’a fait du fromage

Le lait qui l’a fait était de sa madame

Benjamin Péret, « Le grand jeu », Œuvres complètes (1), Éric Losfeld, p. 71.

Guillaume Colnot, 27 mars 2003
fragment

Dans le Grand Nord, l’espace absorbe le temps et la matérialise en étendues sublimes. La vastitude transfigure l’être humain en fragment, en tout petit morceau installé dans un temps limité, mais évoluant dans l’éternité d’une perspective à perte de vue. Le romantisme menace dès l’installation solitaire face à l’immensité démesurée des montagnes, des falaises, des torrents, des cours d’eau, des icebergs, des fjords, des glaciers, des neiges éternelles. La matière étirée, compactée, contrainte puis lissée et développée d’une manière musicale, à la façon des variations sur un même thème — toujours celui de la rareté —, voilà le mode d’apparition immédiatement visible du temps polaire.

Michel Onfray, Esthétique du pôle Nord, Grasset, p. 44.

Élisabeth Mazeron, 1er mai 2007
drogué

La drogue est bonne. Drogué sait le lien. Drogué sait la bonne est drogue. Il l’aime. La drogue est bonne. La drogue donne. Drogué sait, va vers la bonne drogue. La drogue bonne donne du bonheur. Drogué a vu le lien. La drogue est bonne à Drogué. Drogué sait aller au bon. La vie va vers le bon. L’aime. Connaît le lien entre Drogué et le bon de la bonne drogue. Drogué donne de la bonne drogue. Drogué va vers la bonne drogue. La drogue sait donner. Drogué a un lien avec la drogue. La drogue donne. Drogué connaît. La drogue est bonne à donner à Drogué. La drogue est bonne, la drogue est vraiment bonne, est un bonheur.

Christophe Tarkos, « Oui », Écrits poétiques, P.O.L., p. 220.

David Farreny, 21 mai 2009
glissé

Et, Pierre ne voulant ni prendre l’autoroute ni traverser Agen, nous sommes rentrés par des voies intéressantes et bizarres, dont n’apparaissaient clairement dans la nuit que les noms, de sorte qu’il faudra, pour en savoir plus, retourner à Bruch, au château de Saint-Loup, à Montagnac-sur-Auvignon ou à Moncaut, comme bien sûr à tout.

Ma mère a raison : même à cent ans nous ne faisons partout que des premières visites. Vivre, c’est reconnaître le terrain dans la nuit. Et le jour où nous pourrions enfin l’éprouver à loisir et dans la lumière, il a glissé, ou bien c’est nous.

Renaud Camus, « lundi 31 décembre 2007 », Une chance pour le temps. Journal 2007, Fayard, p. 495.

David Farreny, 15 janv. 2010
choses

16. Choses que l’on méprise

Une maison dont la façade est au nord.

Une personne dont les gens connaissent la trop grande bonté.

Un vieillard trop âgé.

Une femme frivole.

Un mur de terre écroulé.

Sei Shônagon, Notes de chevet, Gallimard, p. 52.

David Farreny, 11 mai 2010
tourner

Musique qui en tout cas n’a rien d’humain. C’est le chant de l’absolu. Au xylophone les temps forts et différenciés, d’autres instruments viennent couper en syncope là-dedans. Le gong suspend tout.

[…]

Vers la fin de certains morceaux ils freinent et c’est exactement comme une carriole qu’on arrête. Les pas des chevaux et le rythme des sonnailles ralentit et la roue, car cette musique est plus qu’une autre une roue, s’arrête de tourner.

Nicolas Bouvier, Il faudra repartir. Voyages inédits, Payot & Rivages, p. 132.

Cécile Carret, 28 juin 2012
sens

Sous chaque mot chacun de nous met son sens ou du moins son image qui est souvent un contresens. Mais, dans les beaux livres, tous les contresens qu’on fait sont beaux.

Marcel Proust, « Conclusions », Contre Sainte-Beuve, Gallimard.

David Farreny, 12 sept. 2012
voyez

Mais que révèle la photographie d’un visage ? Nous y voyons une certaine organisation des traits, partant d’un patron commun, des variations personnelles – audacieuses parfois – autour d’un principe élémentaire duquel il s’agit cependant de ne point trop dévier ou bien le cliché figurera dans un de ces recueils pour amateurs que l’on consulte dans les bibliothèques des cabinets de curiosités. Mais notre secret reste bien gardé.

Que fait cet homme ainsi absorbé, retiré dans les profondeurs de sa conscience ? Vous le voyez bien : il s’expose. Mais que fait-il alors, ainsi exposé ? Vous le voyez bien : il se cache.

Éric Chevillard, Le désordre azerty, Minuit, p. 72.

Cécile Carret, 11 fév. 2014
stopper

L’objectif est toujours le même : stopper l’hémorragie.

Jean-Pierre Georges, « Jamais mieux (3) », «  Théodore Balmoral  » n° 71, printemps-été 2013, p. 112.

David Farreny, 12 juin 2014
repas

– Je vais te nourrir au sein, mon enfant, dit l’ogresse à son nouveau-né. Une inquiétude passa sur le visage du bébé : ça ne ferait jamais que deux repas.

Éric Chevillard, « lundi 1er septembre », L’autofictif. 🔗

Cécile Carret, 12 sept. 2014
épilogues

À vrai dire, ma vie était criblée d’amis et de femmes perdus de vue. Certains avaient, sans doute, des choses réelles à me reprocher. D’autres s’étaient éloignés, tout simplement, sans même y penser, comme une planète s’éloigne d’une autre, emportée par d’imperceptibles gravitations. Dans la plupart des cas, ce n’est pas tant le manque de tel ou telle qui me troublait que tous ces vécus dévalués par leurs épilogues. J’aurais souhaité, dans mes relations, plus d’invariants. Certes, l’amitié et l’amour impliquent, je le sais, un échange entre deux êtres. Mais l’idée d’échanger a quelque chose de décevant. C’est une idée qui s’apparente trop à l’économie, pas assez à la foi. J’aurais sincèrement aimé connaître des liens sous un mode désintéressé et unilatéral. Mais la vie en société m’apparaissait rétrospectivement sous un jour atrocement contractuel.

Pierre Lamalattie, 121 curriculum vitæ pour un tombeau, L’Éditeur, pp. 65-66.

David Farreny, 20 fév. 2015

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