métier

Levé avec la farouche résolution de rattraper le temps que j’ai perdu, cette semaine, pour cause de métier.

Pierre Bergounioux, « dimanche 11 novembre 1984 », Carnet de notes (1980-1990), Verdier, p. 354.

David Farreny, 25 mars 2006
microscopiques

Je dis que je ne veux rien faire

je m’en vante

que je ne veux pas aimer

travailler décider agir

qu’une vie de lierre de mousse

ou de lichen est mon idéal

quelle prétention que de pauvres

sottises qui contiennent sûrement

à des fins de plausibilité

les traces de microscopiques

parcelles de vérité

Jean-Pierre Georges, Je m’ennuie sur terre, Le Dé bleu, p. 57.

Élisabeth Mazeron, 23 juin 2006
sottise

Même si tu as eu la sottise de te montrer, sois tranquille, ils ne te voient pas.

Henri Michaux, « Poteaux d’angle », Œuvres complètes (3), Gallimard, p. 1056.

David Farreny, 7 août 2006
assistait

Le despote tomba sous le poignard, avec un hurlement de sa bouche ouverte que l’on n’entendit pas. On vit ensuite des images du monde entier : le président de la République française en haut de forme et en grand cordon, répondant du haut d’une voiture découverte à une allocution ; on vit le vice-roi des Indes au mariage d’un radjah ; le Kronprinz allemand dans une cour de caserne de Potsdam. On assista aux allées et venues des habitants d’un village du Nouveau-Mecklembourg, à un combat de coqs à Bornéo, on vit des sauvages nus qui jouaient de la flûte en soufflant du nez, on vit une chasse aux éléphants sauvages, une cérémonie à la cour du roi de Siam, une rue de bordels au Japon, où des geishas étaient assises derrière le treillis de cages de bois. On vit des Samoyèdes emmitouflées parcourir dans leurs traîneaux tirés par des rennes un désert de neige au nord de l’Asie, des pèlerins russes prier à Hébron, un délinquant persan recevoir la bastonnade. On assistait à tout cela. L’espace était anéanti, le temps avait rétrogradé, le « là-bas » et le « jadis » étaient transformés et enveloppés de musique. Une jeune femme marocaine, vêtue de soie rayée, caparaçonnée de chaînes, d’anneaux et de paillettes, sa poitrine pleine à moitié dénudée, s’approchait soudain de vous, en grandeur naturelle ; ses narines étaient larges, ses yeux pleins d’une vie bestiale, ses traits sans mouvement. Elle riait de ses dents blanches, abritait ses yeux d’une de ses mains dont les ongles semblaient plus clairs que la chair, et, de l’autre, faisait signe au public.

Thomas Mann, La montagne magique, Fayard, p. 364.

David Farreny, 3 juin 2007
patient

Silence. Au loin, dans les communaux, le bruit d’un tracteur malingre. On avait le nez d’un ornithorynque. Et le mur était patient comme seule peut l’être une pierre ; de et vers la pierre.

Arno Schmidt, « Échange de clés », Histoires, Tristram, p. 70.

Cécile Carret, 22 nov. 2009
moi

Je m’efforçais donc, ramassant en moi toute la tension de ma volonté et toute la puissance de mes muscles, de me porter en avant vers quelque chose. Mais cette direction du désir, créatrice de l’avant et de l’arrière, de l’avenir et du passé, échouait ici avant même d’être entrée dans la voie de son expression. En avant ne signifiait proprement rien. Vers quelque chose était, en soi-même, inconcevable. Ce qu’il y avait, c’était moi, tout seul et sans raison — une pure capacité de crier et de tomber, de crier en tombant. Mais j’étais, en vérité, muet et immobile.

Claude Louis-Combet, Blanc, Fata Morgana, p. 31.

Élisabeth Mazeron, 6 mars 2010
mais

De l’utilisation du mais. Ennio Flaiano rencontre dans la rue, un jour de 1946, le peintre Mino Maccari, sombre et attristé, qui lui confie : Ho pocho idee, ma confuse — “j’ai peu d’idées, mais confuses”.

Gérard Pesson, « mardi 4 octobre 1994 », Cran d’arrêt du beau temps. Journal 1991-1998, Van Dieren, p. 158.

David Farreny, 27 mars 2010
égouttage

Les passoires à lait étaient restées là aussi, la vieille gaze pendant en bouquets sales sur un fil usé. Et la confiture de groseilles à maquereaux qui sentait le xérès, ratatinée dans le verre avec la moustache de moisi. Ma mère faisait toujours plus de confiture que nous ne pouvions en manger. Nous préparions de la gelée de pommes sauvages, coupions ces fruits aigres en quartiers et les réduisions en bouillie, cœurs et pépins compris. Versions le liquide grumeleux dans une vieille taie d’oreiller, un coin noué à chaque pied d’un tabouret retourné. Ploc, ploc, ploc, égouttage toute la nuit dans la bassine à confiture.

Claire Keegan, L’Antarctique, Sabine Wespieser, p. 87.

Cécile Carret, 23 déc. 2010
contradiction

La matière est, par suite, en premier lieu, de façon essentielle, elle-même pesante ; ce n’est pas là une propriété extérieure, aussi séparable d’elle. La pesanteur constitue la substantialité de la matière, celle-ci elle-même est le fait de tendre vers le centre, qui, toutefois — et c’est là l’autre détermination essentielle — tombe en dehors d’elle. […] Mais le centre n’est pas à prendre comme matériel ; car l’être matériel consiste précisément dans le fait de poser son centre hors de soi. Ce n’est pas ce centre, mais ce fait de tendre vers lui qui est immanent à la matière. La pesanteur est, pour ainsi dire, la confession de la nullité de l’être-hors-de-soi de la matière dans son être-pour-soi, de sa non-subsistance-par-soi, de sa contradiction.

Georg Wilhelm Friedrich Hegel, « La mécanique finie », Encyclopédie des sciences philosophiques, II. Philosophie de la nature, Vrin, p. 205.

David Farreny, 7 fév. 2011
manœuvre

Avouer certaines choses, cacher certaines choses, tout dire, tout taire… — te fatigue pas — même manœuvre.

Jean-Pierre Georges, L’éphémère dure toujours, Tarabuste, p. 114.

David Farreny, 13 sept. 2014
débarrasser

Le fou secouait la cloche pour la débarrasser de tout ce bruit.

Éric Chevillard, « mardi 14 juin 2016 », L’autofictif. 🔗

David Farreny, 14 juin 2016

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