aveu

Priape. Son pantalon dépenaillé masque mal — l’usure valant pour un aveu — l’obstination rigoureuse de son membre. Faut-il songer à l’épouvantable sujétion qui régente la vie de cet homme, causée par l’impuissance de ces bures, robes, justaucorps, pantalons, portés au fil des siècles, à dissimuler la turgescence qui l’accable ? Dans les époques anciennes, ce signe distinctif était perçu avec davantage de tolérance. On désignait Priape au moyen de ce sobriquet : « Dru-dans-le-pantu », qui lui rendait sa condition supportable.

François Rosset, Froideur, Michalon, p. 178.

David Farreny, 15 nov. 2002
autorité

Toute autorité suppose l’assentiment de ceux qui la subissent, même si elle ne repose pas sur la démocratie. « Je suis leur chef, il faut bien que je les suive », disait un officier français, se faisant inconsciemment l’écho de Burke : « Ceux qui prétendent mener doivent, dans une large mesure, suivre. Ils doivent conformer leurs propositions au goût, au talent et au caractère de ceux qu’ils veulent commander. » Un ambassadeur français s’extasiait devant l’aisance avec laquelle Catherine la Grande se faisait obéir. Elle rit : « Je me renseigne pour savoir ce qu’ils ont envie de faire, et ensuite je le leur ordonne. »

Vladimir Volkoff, Pourquoi je suis moyennement démocrate, Le Rocher, p. 86.

David Farreny, 5 mars 2007
courage

Pour exprimer la vie, il ne faut pas seulement renoncer à beaucoup de choses, mais avoir le courage de taire ce renoncement.

Cesare Pavese, Le métier de vivre, Gallimard, p. 228.

David Farreny, 3 mars 2008
sort

La forme, c’est toujours une insoumission au sort (qui n’est même pas de mourir, mais de crever). Les plus grands souverains s’y sont pliés comme les plus petits, et peut-être ferions-nous bien, rois de nous-mêmes, de les imiter dans notre administration de notre propre existence. En ce qui me concerne, je m’y emploie assez activement, et ne m’approche qu’au prix d’un méticuleux décorum (d’autant que je me sais pas commode). Éternellement : « Credo che bisogna essere molto formali nel mangiare da soli. »

Renaud Camus, « mardi 29 août 2006 », L’isolation. Journal 2006, Fayard, p. 349.

David Farreny, 4 août 2009
atours

Et puis, il faudrait surtout que la colère islamiste soit dirigée contre ce que l’Occident a de pire : la rapacité financière, la consommation effrénée, l’égoïsme du bien-être. Or, les commanditaires des pieux carnages du 11 septembre et leurs admirateurs n’ont aucunement le souci de remédier à la misère du monde ou de sauvegarder la planète : le réchauffement climatique est le cadet de leur souci. Ils haïssent l’Occident non pour ce qu’il a de haïssable ou de navrant, mais pour ce qu’il a d’aimable et même pour ce qu’il a de meilleur : la civilisation des hommes par les femmes et le lien avec Israël.

C’est le destin claquemuré qu’ils font subir aux femmes, le mépris où ils les tiennent et le désert masculin de leur vie qui rend fous les fous de Dieu : fous de violence, fous de hargne et de ressentiment contre le commerce européen entre les sexes, contre l’égalité, contre la séduction, contre la conversation galante ; fous, enfin, du désir frénétique de quitter la terre pour jouir de l’éternité dans les jardins du paradis où les attendent et les appellent des jeunes filles « parées de leurs plus beaux atours ».

Alain Finkielkraut, « Au pays du progressisme déconcertant », L’imparfait du présent, Gallimard, p. 233.

Élisabeth Mazeron, 9 janv. 2010
pesanteur

Excluant, autant que possible, les relations avec les autres, limitant strictement les échanges, me retranchant de la parole, du mouvement et du geste, j’ignorais la précipitation, l’accélération et même simplement l’intensité. Les conflits d’ambitions, le goût de s’affirmer, de dominer et de posséder, toute cette cristallisation de l’énergie autour du pouvoir personnel — c’était là un champ d’expérience qui m’était parfaitement étranger. Je n’entrais pas dans la compétition ni dans les rapports de forces qu’elle met en jeu… Mais encore une fois, à la différence de tant de saints ermites dont les biographies m’enchantaient, je n’avais aucun mérite à vivre cette vie. Elle n’était pas le fruit d’une conquête — mais plutôt l’expression d’un mûrissement — une simple pesanteur d’être, une habitude plutôt qu’une vertu.

Claude Louis-Combet, Blanc, Fata Morgana, p. 17.

Élisabeth Mazeron, 6 mars 2010
Elseneur

Ainsi, c’était en vain que les châteaux fameux s’échelonnaient sur la route, que l’histoire et la poésie s’associaient pour me retenir ; je suis partie ! J’ai opposé à toutes ces séductions la brutale vigueur de mes chevaux ; j’ai couru avec la rapidité barbare d’un commis voyageur en retard, d’un banqueroutier poursuivi ou d’un farfadet en mission ; enfin, j’ai touché la frontière : j’étais à Elseneur !

Léonie d'Aunet, « Lettre II. Christiania », Voyage d’une femme au Spitzberg, Hachette, p. 57.

David Farreny, 8 sept. 2011
illusions

Au cours de la route mon compagnon B. me prône une décevante philosophie de l’immobilité, de l’indifférence et de l’échec ; il est intéressant et je le crois absolument sincère. Il prétend que j’ai des illusions, c’est bien le cas. J’en ai beaucoup qui n’attendent que moi pour les rendre réelles ; je crains pour lui qu’il n’ait renoncé aux siennes un peu trop tôt. Il prétend que la joie n’existe pas. Je lui accorde qu’elle est disparue quand on croit la tenir, mais comme la contrebasse d’un orchestre on la devine quand elle nous manque.

Nicolas Bouvier, Il faudra repartir. Voyages inédits, Payot & Rivages, p. 35.

Cécile Carret, 17 juin 2012
voile

Il est clair que les écrits les plus libres, les confessions, les déballages, sont encore un voile pudique jeté sur la réalité.

Jean-Pierre Georges, Car né, La Bartavelle, p. 4.

David Farreny, 1er août 2016

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