Armande avait beaucoup de traits de caractères fâcheux, pas si rares à vrai dire, qu’il acceptait en bloc comme les clés absurdes d’une ingénieuse devinette.
Vladimir Nabokov, La transparence des choses, Fayard, pp. 98-99.
Le foie gras. On l’étale
sur des toasts. Délicat, onctueux
Le clavecin de toutes les cirrhoses
La sainte vierge en culotte de velours
Alain Malherbe, Diwan du piéton, Le Dé bleu.
profond comme le fer de bêche et large comme un vicomté de matou
sans limite par le haut seulement où la lune roule et parfois fend
lieu connu inconnu où courir où se lover un continent un trou
Michel Besnier, tiré à part, Folle Avoine, p. 1.
La philosophie est indispensable à l’homme. Un adulte sans philosophie est grotesque. Il faut savoir trouver son chemin vers elle. Courage et perspicacité.
Henri Michaux, « La vie dans les plis », Œuvres complètes (2), Gallimard, p. 165.
Ce serait une raison — il en est d’autres — à l’envie subreptice de crever en qui j’ai trouvé, de bonne heure, une très attentionnée, douce et persuasive compagne.
Pierre Bergounioux, L’héritage. Pierre et Gabriel Bergounioux, rencontres, les Flohic, p. 72.
Mes sentiments dépendent du langage que je choisis.
Renaud Camus, « vendredi 16 avril 1976 », Journal de « Travers » (1), Fayard, p. 115.
Moralité : ce n’est plus le sentiment de supériorité religieuse, raciale ou nationale qui, sous nos latitudes, fait les antisémites, c’est la honte, la contrition, une mémoire en forme de casier judiciaire et le remords d’appartenir au camp des oppresseurs. Ainsi s’égare la mauvaise conscience ; ainsi bascule dans la monstruosité cette aptitude à se mettre soi-même en question qui a longtemps constitué le meilleur de l’Occident, son trait distinctif et sa principale force spirituelle.
Alain Finkielkraut, « Au pays du progressisme déconcertant », L’imparfait du présent, Gallimard, p. 235.
Après tout j’ai passé ma vie à éviter les miroirs ; pourquoi rechercher ceux que tend la critique, qu’elle soit professionnelle ou blogueuse ? D’un autre côté j’essaie de me convaincre, ces temps-ci, que je ferais bien de me forcer à les regarder, les miroirs, justement, si désagréable que cela soit. Ce l’est la plupart du temps, en effet, mais inégalement selon les miroirs — inégalement selon les heures, inégalement selon le degré de fatigue, inégalement selon la qualité du sommeil la nuit précédente, mais surtout selon les miroirs.
Renaud Camus, « jeudi 19 février 2009 », Kråkmo. Journal 2009, Fayard, p. 100.
En face, dans ce qui semble être une île inhabitée, une végétation rêche et hirsute, une broussaille courtaude de plantes rudérales vient battre la base remblayée des talus de ciment. Plutôt que de regarder ce fleuve — non, ce plan d’eau — mort et souillé, cette végétation de rebut qui sert de fourrure miteuse au béton (la société des plantes, grâce à l’homme, est maintenant dotée aussi de ses bidonvilles) rentrons à l’hôtel et couchons-nous. Et même pas de sommeil bien ivre sur la grève : le Rhône n’en a plus, tout comme il n’a plus d’autre mugissement que la double chaîne sans fin de véhicules de ses deux rives.
Julien Gracq, Lettrines (II), José Corti, pp. 16-17.
Le manche de la cognée, c’est typique, fut lui-même un enfant abattu.
Éric Chevillard, « samedi 11 mars 2017 », L’autofictif. 🔗
Les grands moments d’une vie, les beaux, les forts, tiendraient sur une alléchante bande-annonce. Mais il faut se taper tout le film.
Éric Chevillard, « jeudi 19 juillet 2018 », L’autofictif. 🔗