insistance

Je me répète, mais ce qui revient ne revient pas exactement au même niveau. C’est peut-être cela « une œuvre » (ce fantasme) : une insistance déplacée.

Renaud Camus, Du sens, P.O.L., p. 181.

David Farreny, 4 mai 2002
rompre

À un certain degré de détachement ou de clairvoyance, l’histoire n’a plus cours, l’homme même cesse de compter : rompre avec les apparences, c’est vaincre l’action et les illusions qui en découlent. Quand on s’appesantit sur la misère essentielle des êtres, on ne s’arrête pas à celle qui résulte des inégalités sociales, ni on ne s’efforce d’y remédier.

Emil Cioran, Essai sur la pensée réactionnaire, Fata Morgana, p. 34.

Guillaume Colnot, 11 juin 2004
suspects

Je commence à trouver suspects bon nombre de nos jeunes.

Emil Cioran, « Les limites de la mobilité intérieure », Solitude et destin, Gallimard, p. 241.

David Farreny, 24 juin 2005
attendre

Que faire ? Rien. Attendre. Ne pas mentir. Ne pas trop parler non plus, quand on ne nous demande rien. Pas de cachotteries, pas d’exhibitionnisme.

Renaud Camus, Aguets. Journal 1988, P.O.L., p. 253.

Élisabeth Mazeron, 19 août 2005
lares

Le monde du quelconque n’a pas cessé, n’a pu être dépassé.

Objets d’usage, dont on va changer l’usage, objets qui n’en restent pas moins objets…

Ils ont ici quitté leurs habitudes mais c’est pour entrer autrement dans l’habitude, la perpétuité du quotidien à jamais.

Inéloignables compagnons que partout on retrouve. Dieux lares devenus infirmes.

Henri Michaux, « En rêvant à partir de peintures énigmatiques », Œuvres complètes (3), Gallimard, p. 708.

David Farreny, 15 juin 2006
gauche

Celui qui est le gauche de moi, qui jamais en ma vie n’a été le premier, qui toujours vécut en repli, et à présent seul me reste, ce placide, je ne cessais de tourner autour, ne finissant pas de l’observer avec surprise, moi, frère de Moi. Et toujours alentour, le paysage gelé, qui ne pouvait se ranimer, endormi dont je ne me serais jamais douté que c’était moi qui l’animais tellement, même lorsque j’étais, ainsi qu’il m’arrive, las et défait.

Comme on se trompe ! On se trompe toujours !

Henri Michaux, « Face à ce qui se dérobe », Œuvres complètes (3), Gallimard, pp. 858-859.

David Farreny, 5 juil. 2006
solution

Solution provisoire : se coucher.

Jean-Pierre Georges, Le moi chronique, Les Carnets du Dessert de Lune, p. 33.

David Farreny, 19 nov. 2006
enfoncé

J’ai préféré la solitude aux entraînements de la bavarderie, de la chasse, de la pavane, de tous les bruits à deux ou en bande. Au fond de mes maisons, au soir de journées devenues denses et lentes, je me suis enfoncé au plus profond et au plus sourd de moi, dans une sorte d’alerte ou de pétrification dont je ne supporte plus qu’on me tire à l’improviste.

Il existe dans ces tuyauteries auxquelles mes araignées normandes me font songer des détours, des dérivations que l’on dirait inutiles, bras morts des rivières obscures, parenthèses dans le discours muet. Il suffit de se pencher derrière un lavabo ou d’ouvrir la «  plaque de visite  » des baignoires pour découvrir ces cols de cygne en plomb, ces S majuscules où j’imagine que mes noiraudes espèrent trouver, à l’écart du grand collecteur, un refuge sûr. L’image me poursuit parce qu’elle contient tout ce qu’il faut pour exprimer ma sensation, qui est de m’enfoncer dans du noir, de l’humide, et de chercher ce coude étréci de mon souterrain où personne, jamais, n’aura l’idée de venir me traquer.

François Nourissier, Le musée de l’homme, Grasset, p. 214.

David Farreny, 26 avr. 2009
tirer

J’ai un tas d’idées pour mon travail et en continuant la figure très assidûment, je trouverai possiblement du neuf.

Mais que veux-tu, parfois, je me sens trop faible contre les circonstances données, et il faudrait être et plus sage et plus riche et plus jeune pour vaincre.

Heureusement pour moi, je ne tiens plus aucunement à une victoire, et dans la peinture, je ne cherche que le moyen de me tirer de la vie.

Vincent van Gogh, « Arles, août 1888 », Lettres à son frère Théo, Gallimard, p. 400.

David Farreny, 2 juil. 2009
aboutissement

L’histoire est un long chemin broussailleux qui mène jusqu’à nous. L’homme des droits de l’homme se regarde, émerveillé, comme l’aboutissement de l’homme. Et il le fait savoir. Fier, à s’en tambouriner la poitrine, d’avoir vaincu le principe hiérarchique, imbu de sa ferveur antidiscriminatoire, ivre de sa tolérance aux différences, il instruit le procès pour intolérance de toutes les formes de vie et de pensée qui diffèrent des siennes. Sûr que rien d’humain ne lui est étranger, et qu’il est seul dans ce cas, il devient étranger à tout ce qui est humain.

Alain Finkielkraut, « Un présent qui se préfère », L’imparfait du présent, Gallimard, pp. 121-122.

David Farreny, 25 janv. 2010
attente

Seul le chien porte l’attente au niveau de la mystique.

Jean-Pierre Georges, L’éphémère dure toujours, Tarabuste, p. 63.

David Farreny, 27 juin 2010
rêve

Je comptais bien découvrir les lignes principales du relief, des variations plus discrètes que j’avais relevées sans comprendre, sans savoir à quels événements lointains, quels épisodes transgressifs ou diluviens, vieux de deux cent cinquante millions d’années, elles tenaient. Mais je n’espérais pas trouver, sur le papier, certains détails étroitement circonscrits, très incertains, rêvés, peut-être. Un exemple. Entre une étroite passerelle en béton qui surplombait la digue et le pont Cardinal (une allusion oblique à Dubois), trois cents mètres en aval, j’avais observé, sous l’eau, une passée claire qui jurait avec le sombre des galets arrachés au cours supérieur, l’ocre des façades des maisons échelonnées le long du quai. L’impression datait de l’enfance. Je n’avais pas vérifié depuis longtemps. Ç’aurait pu être une lubie du jeune âge, un rêve qui a migré, insensiblement, dans la réalité et s’y est encastré. Et puis je suis parvenu à la page, assez loin, où l’auteur mentionne des lentilles calcaires, d’origine lagunaire, dont on peut observer un affleurement dans le lit de la rivière. Je me suis levé. J’aurais aimé parler à quelqu’un, lui confier une partie, au moins, de l’émoi que c’était de trouver pareille confirmation. Non, on ne rêve pas inévitablement ni toujours. Oui, ce qu’on sent, pense, fait, se rapporte à ce qui se passe, si incongru qu’il paraisse, malgré tous les démentis.

Pierre Bergounioux, Géologies, Galilée, pp. 46-47.

David Farreny, 8 juin 2013

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