expérience

L’expérience, c’est se rendre compte que rien n’a changé.

Georges Perros, Papiers collés (2), Gallimard, p. 71.

David Farreny, 21 mars 2002
Straszewicz

L’humour bouleverse et renverse tout sens dessus dessous, à tel point qu’un humoriste-né ne se borne jamais à être ce qu’il est et ce qu’il n’est pas. La plume brillante de Straszewicz, c’est la plume réfractaire de Gogol — par elle Straszewicz devient un anti-Straszewicz, thèse et antithèse dont la synthèse nous fournit un super-Straszewicz : un Straszewicz qui tout en demeurant encore Straszewicz devance le Straszewicz d’un pas allègre.

Witold Gombrowicz, Journal (1), Gallimard, p. 224.

David Farreny, 24 mars 2002
joyeux

Soyons joyeux, il y a une loi morale.

Cesare Pavese, Le métier de vivre, Gallimard, p. 76.

David Farreny, 24 mai 2003
digestions

Éprouvé un malaise à la pensée que mes tableaux favoris allaient être reflétés par tous ces yeux niais et durs, où l’idée ne lutte même pas pour traverser la matière, mais demeure ensevelie — dans quelles digestions ?

Valery Larbaud, « Journal intime de A.O. Barnabooth », Œuvres, Gallimard, p. 91.

Élisabeth Mazeron, 14 juin 2006
délicat

Les femmes de Namur m’aidèrent à monter dans le fourgon, me recommandèrent au conducteur et me forcèrent d’accepter une couverture de laine. Je m’aperçus qu’elles me traitaient avec une sorte de respect et de déférence : il y a dans la nature du Français quelque chose de supérieur et de délicat que les autres peuples reconnaissent. Les gens du prince de Ligne me déposèrent encore sur le chemin à l’entrée de Bruxelles et refusèrent mon dernier écu.

François-René, vicomte de Chateaubriand, Mémoires d’outre-tombe (1), Le livre de poche, p. 358.

Guillaume Colnot, 17 mai 2007
folâtre

Au nombre des animaux qui assistèrent à l’exécution de Will Scheidmann, on compte les ruminants qui paissent autour des yourtes et qui, non sans indifférence, parfois dirigeaient leurs regards vers le poteau contre quoi Will Scheidmann vomissait leur lait, mais, surtout, il y eut un oiseau qui était originaire du lac Hövsgöl, un échassier d’humeur folâtre, critiqué parmi les siens pour ses comportements individualistes, et qui ce matin-là s’amusait à tracer de courtes boucles au-dessus du terrain des opérations et à faire du sur-place tantôt à la verticale des chamelles, tantôt à la verticale des sœurs Olmès. Ses plumes caudales un peu rabougries desservaient l’élégance de sa silhouette, mais peu importe. […]

Dans le monde des chevaliers à pattes vertes et des chevaliers aboyeurs, cet échassier était connu sous le sobriquet de Ioulghaï Thotaï. […]

Ioulghaï Thotaï se déplaça vers l’ouest puis il agita les ailes avec une lenteur tournante, glissant et planant selon un dessin d’entonnoir et freinant sa trajectoire au point de paraître immobile en plein ciel. Il avait appris à voler de cette manière, profondément étrangère à ceux de son espèce, en observant les mouvements d’une buse et en les adaptant à sa corpulence et à sa charpente.

Antoine Volodine, Des anges mineurs, Seuil, p. 74.

Cécile Carret, 4 sept. 2010
articulations

Nos articulations sont autant de mauvais plis pris par le corps qui lui interdisent mille postures avantageuses, mille gestes décisifs. Je prétendais y remédier.

Éric Chevillard, Le vaillant petit tailleur, Minuit, p. 28.

Cécile Carret, 25 avr. 2011
foyer

Non loin, la mer. Elle est horripilante, obstinée à choquer les falaises, à jeter contre elles des galets, comme le feraient les voyous. Les lames s’engouffrent dans les fissures, les crevasses, les grottes, transforment les rochers en sable. La masse aqueuse semble s’apaiser, comme ralentie par un geste invisible. Mais le mouvement reprend, s’enfle, montant du ventre de la mer, tremblant en vue d’une naissance ajournée.

Le tapage met l’enfer dans le monde. Le bruit nous éparpille hors de notre lieu : on cesse d’être l’habitant de sa maison. Plus de foyer.

La nuit devrait ne laisser entendre que le hululement des chouettes, le glapissement des renards. Ce serait compter sans les invitations entre les villas, les éclats de rire, les adieux des grands invitants aux petits invités. Les portières claquent. Les glaces s’abaissent pour les derniers mots futiles, et beuglés. La nuit, avancée comme un fruit mûr, s’emplit alors des chants de joyeux avinés. Hymnes à la nuit, cassés.

Jean Roudaut, « Jour de souffrance », «  Théodore Balmoral  » n° 74, printemps-été 2014, pp. 30-31.

David Farreny, 7 juil. 2014
parfois

La noblesse humaine est l’œuvre que le temps cisèle parfois dans notre ignominie quotidienne.

Nicolás Gómez Dávila, Scolies à un texte implicite, p. 65.

David Farreny, 20 mai 2015

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