domestique

Les domestiques m’ont toujours été terriblement pénibles. Quand j’en vois un le désespoir m’envahit. Il me semble que c’est moi le domestique. Plus il est plat, plus il m’aplatit.

Henri Michaux, « Un barbare en Asie », Œuvres complètes (1), Gallimard, p. 319.

David Farreny, 20 mars 2002
empire

Entre-temps, le squat de la rue Denis-Papin a périclité, comme un empire, à la suite d’un grand incendie et d’un afflux soudain de barbares.

Jean Rolin, La clôture, P.O.L., p. 208.

Guillaume Colnot, 14 avr. 2002
déconner

Il dévorait des yeux la belle fouteuse, et il tira ainsi trois coups sans déconner.

Anonyme du XVIIIe siècle, Le Tartuffe libertin ou le triomphe du vice, Séguier, p. 33.

Hubert Troupel, 27 août 2002
nostalgie

Nostalgie de la femme : une nouvelle crise.

Valery Larbaud, « Journal intime de A.O. Barnabooth », Œuvres, Gallimard, p. 109.

David Farreny, 24 avr. 2007
trame

L’après-midi de neige est d’une grande étrangeté. Le ciel est bistre. La brume masque à demi le versant opposé de la vallée. De brusques coups de vent agitent les arbres noirs que je devine, à travers le rideau de la fenêtre du salon. Il présente un carroyage parsemé de motifs imitant, un peu, des flocons de neige. Avec le contre-jour, cette trame se surimpose au réseau de branches remuées par le vent et j’ai, à plusieurs reprises, l’impression bizarre, inquiétante, de voir des quadrupèdes élancés, au long et fin museau — des espèces de renards arboricoles, mâtinés d’animaux des rêves — perchés dans les arbres, bondissant de l’un à l’autre pour s’immobiliser brusquement lorsque cesse le souffle du vent. Même hallucination avec les feuilles brunes et sèches des cannas, devant la terrasse. L’une d’elles mime à la perfection quelque oiseau brun, de la taille d’un pigeon, et blessé. La rafale la soulève comme une aile, comme si elle allait prendre son envol, puis elle retombe.

Pierre Bergounioux, « lundi 14 février 1994 », Carnet de notes (1991-2000), Verdier, p. 391.

David Farreny, 12 déc. 2007
protestantisme

L’origine de la révolte généralisée dans laquelle nous vivons, c’est la Résistance ; les résistants ont ennobli, glorifié, mis au goût du jour ce nouveau protestantisme ; il n’y aura bientôt plus que des révoltés, d’abord côte à côte, puis, lorsque l’objet de la révolte aura disparu, face à face.

Paul Morand, « 5 août 1974 », Journal inutile (2), Gallimard, pp. 302-303.

David Farreny, 26 août 2010
scissiparité

Quand je repense à cette dizaine de mois pendant lesquels j’ai correspondu avec vous, moi qui ne vivais plus depuis près de dix ans, cette expression s’est imposée grâce à vous, j’ai eu accès à une forme de vie.

Ces mots évoquent en principe l’existence élémentaire des amibes et des protozoaires. Pour la plupart des gens, il n’y a là qu’un grouillement un peu dégoûtant. Pour moi qui ai connu le néant, c’est déjà de la vie et cela m’impose le respect. J’ai aimé cette forme de vie et j’en ai la nostalgie. L’échange des lettres fonctionnait comme une scissiparité : je vous envoyais une infime particule d’existence, votre lecture la doublait, votre réponse la multipliait, et ainsi de suite. Grâce à vous, mon néant se peuplait d’un petit bouillon de culture. Je marinais dans un jus de mots partagés. Il y a une jouissance que rien n’égale : l’illusion d’avoir du sens. Que cette signification naisse du mensonge n’enlève rien à cette volupté.

Amélie Nothomb, Une forme de vie, Albin Michel, pp. 156-157.

Élisabeth Mazeron, 27 sept. 2010

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