mais

Vitry-le-François, détail image un, bandeau de bois en avancée sur poteaux, portail en arrière pour charge camions et deux portes à voûte brique arrondie, l’inscription mi-effacée le mot parqueterie, au fond autres toits en triangle symétriques et la masse blanche d’un double silo en avant d’une fumée en panache.

Vitry-le-François, détail image deux, cheminée brique très fine très haute et en avant sur la droite une construction de brique sous double avancée, de part et d’autre du bâtiment étroit, pour mettre à l’abri camions d’un côté wagons de l’autre, et trace symétrique de deux gouttières pour évacuation d’eau de pluie se rejoignant dans un angle inverse à celui des deux avancées mais disparues.

François Bon, Paysage fer, Verdier, p. 57.

David Farreny, 24 janv. 2003
dictionnaire

Le Mot est ici encyclopédique, il contient simultanément toutes les acceptions parmi lesquelles un discours relationnel lui aurait imposé de choisir. Il accomplit donc un état qui n’est possible que dans le dictionnaire ou dans la poésie, là où le nom peut vivre privé de son article, amené à une sorte d’état zéro, gros à la fois de toutes les spécifications passées et futures.

Roland Barthes, « Le degré zéro de l’écriture », Œuvres complètes (1), Seuil, p. 200.

David Farreny, 31 oct. 2004
paturons

Mais j’ai vu – mes yeux s’étaient faits à la nuit – une forme pâle, rencognée dans l’angle formé par deux murets. C’était un percheron blanc si énorme et immobile que j’ai d’abord pensé à une gigantesque effigie abandonnée là par quelque Atlantide, ignorée des archéologues, et que les vents d’hiver auraient débarrassée de ses lichens et bernacles pour lui donner ce poli et cette perfection d’opaline. Il s’était trouvé le coin le mieux abrité et, le museau collé au poitrail, il n’en bougeait pas pour avoir moins froid. Sans le frisson qui le parcourait de la queue aux naseaux, j’aurais juré qu’il était en plâtre. Quelle idée de laisser un cheval seul dans ce vent cinglant sans même une jument pour le réchauffer ! Quelle idée aussi d’aller chercher à tâtons l’ermitage d’un saint mort depuis quatorze siècles, en enjambant des murets de pierres sèches qui dégringolent et qu’il me faut remettre en place. J’étais en train de traverser en catimini son parchet quand j’ai entendu un trot lourd et qu’il m’a presque soulevé de terre en me fourrant ses naseaux sous le bras : des paturons de la taille d’une ruche, et cette présence énorme, insistante, ce museau fouillant dans le chaud comme un boutoir, me promenant comme fétu jusqu’à la route, laissant sur mon paletot de brillantes traces de morve que j’achève à l’instant de nettoyer. Aucun moyen de m’en débarrasser par un signe de croix ou un goupillon druidique. Il m’a reconduit ainsi jusqu’au mur qui borde le chemin, m’y a tassé comme un torchon à coups de tête, puis il est retourné à ses affaires. Et moi aux miennes dont la première était de retrouver mon logis ; en passant d’un lopin à l’autre, je m’étais égaré.

Nicolas Bouvier, Journal d’Aran et d’autres lieux, Payot & Rivages, p. 32.

Cécile Carret, 4 fév. 2008
faintly

My Hand delights to trace unusual Things,

And deviates from the known, and common way ;

Nor will in fading Silks compose

Faintly th’ inimitable Rose.

[Ma main s’enchante à suivre des choses singulières,

À s’écarter des voies connues et coutumières,

Et ne veut, en des soieries fanées, former,

Imprécise, l’inimitable rose.]

Anne Finch, comtesse de Winchilsea, « The spleen », Miscellany poems, on several occasions, John Barber, p. 92.

David Farreny, 27 sept. 2008
traverses

Des bonnes heures, des joies, nulle trace, en revanche. Elles se sont évanouies avec l’instant qu’elles ont duré. La mémoire est celle des revers et des traverses, des plaies, des larmes, des épreuves où l’on a failli être détruit, se perdre sans retour. Si je dure encore, quel chaudron de sorcière finira par devenir ma cervelle, quelle peine j’aurai à subir le sabbat des démons qui m’escortent et auxquels vont se joindre ceux de demain !

Pierre Bergounioux, « mercredi 10 février 1988 », Carnet de notes (1980-1990), Verdier, p. 669.

Élisabeth Mazeron, 1er janv. 2009
joli

Le nouveau tableau n’est pas mal — la nouvelle version du même tableau, veux-je dire : il s’agit bien sûr de la même toile. Malheureusement il est trop joli. On dirait une œuvre pour les galeries de l’avenue Montaigne, ou Matignon, je ne sais jamais, ou des environs de l’Élysée et de la place Beauvau : celles qui ont en vitrine des toiles de tous les styles, mais plus jolies, plus décoratives, plus sucrées, plus immédiatement plaisantes à l’œil (sauf s’il n’aime pas le sucre…) que celles du style originel. Même de Soulages ou de Ryman, et bien sûr de Degas et de Gauguin, ces galeries arrivent à offrir des versions de salon. Elles me font penser à cette Anglaise des environs, ici, qui, ayant vu son exposition dans la maison, voulait un Kounellis elle aussi, mais un Kounellis arte rico. Mon Une voix vient de l’autre rive a tourné arte rico. Mais je peux encore l’appauvrir, j’espère : le toughiser, le viriliser, le rendre plus couillard, plus solide, plus laid.

Renaud Camus, « dimanche 23 mai 2010 », Parti pris. Journal 2010, Fayard, p. 194.

David Farreny, 18 juin 2011
contrée

Ah ! voilà les chevaux qui se mettent à hennir ; ce bruit doit être prescrit par un ordre supérieur pour faciliter l’auscultation, et maintenant, je le vois bien : oui, le jeune homme est malade. Dans le flanc droit, à hauteur de la hanche, une plaie grande comme une soucoupe s’est ouverte. Rose, nuancée de mille tons, sombre au fond, puis de plus en plus claire à mesure qu’on se rapproche des bords, fine de grain, avec du sang qui s’accumule irrégulièrement, ouverte comme un puits de mine à ciel ouvert. C’est ainsi qu’elle se présente à distance. De près, elle paraît encore pire. Qui peut regarder cela sans un léger sifflement ? Des vers, de la grosseur et de la longueur de mon petit doigt, roses et barbouillés de sang, se tordent au fond de la plaie qui les retient, pointent de petites têtes blanches et agitent à la lumière une foule de pattes minuscules. Pauvre garçon, on ne peut plus rien pour toi. J’ai découvert ta grande plaie ; tu péris de cette fleur dans ton flanc. La famille est contente, elle me voit à l’œuvre ; la sœur le dit à la mère, la mère au père, le père à quelques visiteurs qui entrent sur la pointe des pieds par le clair de lune de la porte ouverte, en étendant leurs bras pour faire balancier. « Me sauveras-tu ? » souffle entre deux sanglots le garçon complètement hypnotisé par la vie qui grouille dans sa blessure. Tels sont les gens de ma contrée. Ils exigent toujours l’impossible du médecin. Ils ont perdu l’ancienne foi ; le prêtre reste chez lui et transforme en charpie les ornements sacerdotaux l’un après l’autre ; mais le médecin doit tout faire de sa main légère de chirurgien.

Franz Kafka, « Un médecin de campagne », Œuvres complètes (2), Gallimard, pp. 443-444.

David Farreny, 3 déc. 2011
stylisation

Banque, puis cherché le magasin des poupées de wayang. Travail magnifique que la peinture vulgaire abîme ensuite. Dans la stylisation des formes il y a quelque chose qui vient de la plume, du monde des oiseaux, qui rappelle le côté échassier qu’ont si souvent les Javanais. Côté perché, distrait, ailleurs, prêt à s’envoler dans un déploiement de surfaces insoupçonnées.

Nicolas Bouvier, Il faudra repartir. Voyages inédits, Payot & Rivages, p. 124.

Cécile Carret, 28 juin 2012

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