veut

La reconnaissance c’est une belle chose, mais l’appétit est autre chose. Le rêve est une belle chose, mais les cuisses disent autre chose. Le respect est une belle chose mais il faut savoir ce qu’on veut.

Henri Michaux, « Braakadbar », Œuvres complètes (1), Gallimard, p. 260.

David Farreny, 24 mars 2002
langes

Ne plus chier dans les langes n’implique pas du tout Shakespeare, Molière et Paul Claudel.

Jean Dubuffet, Asphyxiante culture, Minuit, p. 26.

David Farreny, 14 avr. 2002
amicale

La mer était jaunâtre, surtout près de la côte ; à l’horizon, un rai de lumière, et au-dessus, d’énormes nuages gris dont on pouvait voir la pluie s’abattre en lignes obliques. Le vent chassait la poussière du chemin sur les roches au bord de la mer, et il agitait les aubépiniers en fleurs et les giroflées qui poussent sur les rochers.

À droite, des champs de jeune blé ; dans le lointain, la ville avec ses clochers, ses moulins, ses toits d’ardoises, ses maisons en style gothique, puis plus bas, son port emprisonné entre deux digues qui avancent dans la mer. Elle ressemblait aux villes qu’Albert Dürer a gravées à l’eau-forte. J’ai vu la mer dans la nuit du dimanche ; tout était sombre et gris, mais le jour commençait à poindre à l’horizon.

Il était très tôt mais les alouettes chantaient déjà, ainsi que les rossignols dans les jardins en bordure de la côte. Dans le lointain, les feux d’un phare, le garde-côte, etc.

La même nuit, j’ai contemplé par la fenêtre de ma chambre les toits des maisons et les cimes des ormes qui se détachaient, taches sombres, sur le ciel nocturne, où vibrait une seule étoile, qui m’a paru grande, belle et amicale.

Vincent van Gogh, « Ramsgate, 31 mai 1876 », Lettres à son frère Théo, Gallimard, pp. 45-46.

David Farreny, 15 juin 2009
tendance

Entre la mémoire aux aguets et le culte des exceptions, allez vous y retrouver pour être, à tout coup, tendance ! Un jour vigilant, le lendemain politiquement incorrect, passant sans crier gare de l’antifascisme ombrageux au dandysme dédaigneux, le pouvoir spirituel de notre temps semble décidément bien frivole et versatile. il y a pourtant une continuité dans cette inconséquence : celle du Tribunal qu’il incarne et des procès qu’il ne cesse d’intenter en s’abreuvant à ces deux sources intarissables de la persécution : l’amour de l’humanité et le mépris des gens.

Alain Finkielkraut, « Tendance », L’imparfait du présent, Gallimard, pp. 262-263.

Élisabeth Mazeron, 9 janv. 2010
dehors

C’est cette nuit-là que je me suis dit que si je m’éloignais encore plus, alors je nous verrais du dehors, où résidait notre meilleure part, et même si ce que je découvrais de ce point de vue, se ramenait à rien, du moins posséderais-je une certitude.

Le moment était venu où je pouvais me tenir quitte des réclamations du passé lorsqu’il est resté en suspens, des vœux inconsidérés qu’ont faits les disparus. J’avais un an de plus, ou de moins, s’agissant de la vie mienne qui attendait plus bas que je la rejoigne.

Pierre Bergounioux, Le premier mot, Gallimard, p. 50.

Élisabeth Mazeron, 11 mai 2010
obstacle

Le plus grand obstacle à ma sexualité : la sexualité des autres.

Jean-Pierre Georges, L’éphémère dure toujours, Tarabuste, p. 37.

David Farreny, 27 juin 2010
continuum

Cette situation inédite, il faudra se résoudre un jour à l’affronter, au lieu d’en refouler les signes criants sous une boulimie culturolâtre qu’attise la croissance sans limites de sa pâture : davantage de romans à chaque rentrée littéraire, davantage de films d’une saison à l’autre sur les écrans, davantage de créations plastiques disséminées dans les espaces les plus improbables – la perpétuelle surenchère de l’actualité tenant lieu, à elle seule, de bilan de santé euphorique. Inféodée à cette actualité autodévoratrice, la critique ne peut plus ou ne veut pas voir que le sol manque sous nos pieds depuis plusieurs décennies, et que la reconstitution d’une terre ferme n’est manifestement pas à l’ordre du jour. Cet aveuglement est la clé de son pouvoir, la condition du maintien de son existence. S’il y a bien un postulat vital de la critique actuelle, c’est que nous baignons dans un merveilleux continuum créateur, jamais distendu, jamais affaibli, dont la richesse multiforme, omniprésente, nous met en demeure d’être toujours plus vigilants, plus attentifs et plus curieux. L’immense majorité des comptes rendus de livres, de films, de spectacles ou d’expositions peut ainsi être lue, par delà l’affirmation de goûts et de dégoûts où seuls les nigauds voient encore des lignes de force et d’opposition, comme une bénédiction accordée à ce flux culturel délirant qui défie toute capacité d’absorption humaine. Et, plus grave, comme une occultation des seules questions qui vaillent vraiment : celles qui touchent à la tenue et à la consistance de notre présent, à l’apport réel de ces « œuvres » oubliées aussitôt qu’encensées, à la possibilité que garde ou non le travail créateur de s’inscrire dans le devenir collectif. Il ne reste quasiment plus d’espace ni de temps pour ces questions aujourd’hui. Et il y a quelque chose de pathétiquement cocasse à voir défendre les droits imprescriptibles de l’Art, de la Littérature et de la Culture contre les forces diaboliques du néo-libéralisme, là même où le jeu complice des créateurs et de leurs commentateurs béats s’inscrit dans une logique indiscutée de croissance folle, d’accélération vertigineuse de l’offre et de pullulement des bulles spéculatives à force de valorisations extravagantes. Le jour où la critique sera capable de casser ce jeu infernal par un acte public de sabordage, on pourra commencer à lui accorder un peu de crédit.

Pierre Mari, Orgueil critique.

David Farreny, 14 déc. 2012
muet

Au fait, est-ce que tu as vu hier à la télévision le reportage sur les personnes seules ?

La femme : « Je ne me souviens que du moment où l’interviewer a dit à quelqu’un : “Racontez donc une histoire de solitude !” et l’autre est resté muet. »

Peter Handke, La femme gauchère, Gallimard, p. 40.

Cécile Carret, 26 juin 2013
impasse

Quart de tour à droite vers les fraises.

Quart de tour à gauche vers les tomates.

Et quand l’automne sera revenu pense monsieur Songe qu’est-ce que je vais devenir ? Rabâcher quart de tour à droite et à gauche sans plus arroser ? Me reposer l’affreuse question de l’opportunité de mes exercices et du bien-fondé de mon existence ? Si la chaleur s’en va mon angoisse de l’après-midi en sera moindre mais alors qu’en espérer puisqu’elle n’atteindra plus son paroxysme ? Elle demeurera moyenne et je serai condamné à ne plus noter que du médiocre ?

Et il ajoute pour sortir d’une impasse il faut en prendre une autre.

Robert Pinget, Monsieur Songe, Minuit, p. 58.

Cécile Carret, 7 déc. 2013
peu

On est dégoûté du monde par la partie haute de son intelligence, on le supporte par les parties moyennes de son esprit et on ne le goûte que par les fondements un peu bas de son âme.

Henri de Régnier, « Le bonheur des autres ne suffit pas », L’égoïste est celui qui ne pense pas à moi, Flammarion, p. 49.

David Farreny, 3 mars 2016
débarrasser

Le fou secouait la cloche pour la débarrasser de tout ce bruit.

Éric Chevillard, « mardi 14 juin 2016 », L’autofictif. 🔗

David Farreny, 14 juin 2016
somme

J’ai vu deux unijambistes aujourd’hui, coïncidence qui n’a pourtant rien de remarquable puisque c’est en somme comme si je n’en avais vu aucun.

Éric Chevillard, « samedi 6 janvier 2018 », L’autofictif. 🔗

David Farreny, 26 fév. 2024

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