oisif

Oisif demeuré tout le week-end — conçu de cela aucun remords.

François Rosset, Froideur, Michalon, p. 145.

David Farreny, 15 nov. 2002
modestie

À quoi bon ajouter son grain de sel à cet océan de mots ? Et pourquoi pas ? Et si la littérature était devenue affaire de modestie. On ne sait jamais. L’orgueil a de ces tours.

Georges Perros, Papiers collés (2), Gallimard, p. 437.

David Farreny, 11 mars 2008
signifiaient

Et même cette expérience prenait corps ; un jour de rien (où ne jouaient pas même les lumières changeantes, pas même le vent, ni le temps) c’était lui qui promettait la plénitude la plus grande. Il n’y avait rien et rien encore et toujours rien. Et ce rien et ce rien que faisaient-ils ? Ils signifiaient. Il y avait plus de choses possibles avec rien d’autre que la journée, bien, bien plus pour moi, comme pour toi.

Peter Handke, « Essai sur la journée réussie », Essai sur la fatigue. Essai sur le juke-box. Essai sur la journée réussie, Gallimard, pp. 175-176.

David Farreny, 31 oct. 2009
acolytes

Le double et triple hiver limougeaud — celui du dehors, celui de l’étude et des longs corridors, celui de l’espérance — m’a livré un enseignement majeur. Le présent avait un nom et les cinq continents et les îles. Le premier mot me manquait pour qualifier la seule réalité que j’aie, sinon à proprement parler connue, du moins endurée en personne. Mais il se tenait sans doute quelque part, avec ses maigres, ses noirs acolytes, et il valait la peine, si donc il se pouvait, de mettre la main dessus.

Pierre Bergounioux, Le premier mot, Gallimard, p. 45.

Élisabeth Mazeron, 10 mai 2010
pur

À qui Duch ne voudrait-il plaire ? Qui ne veut-il emporter dans son enfer intime et sophistiqué ? Un après-midi que son attitude m’excède, je lui demande : « Comment un intellectuel comme vous a-t-il pu agir de la sorte ? » Il me lance : « C’est ainsi. Qu’est-ce que vous voulez que je fasse maintenant ? » Moi : « Vous pourriez vous tuer, par exemple. Vous n’y avez jamais pensé ? » Il a un instant d’hésitation : « Si. Mais ça n’est pas si facile. » Moi : « Mon père l’a fait, vous savez. » Alors Duch se met en colère, sa voix devient aigüe et menaçante : « Oui, c’est ça ! Votre père, c’est un héros ! » Je réponds doucement : « Je ne crois pas. Il a mis ses actes en accord avec ses idées. Il se respectait. Vous avez fait la révolution pour la justice, non ? Être un héros me semble facile : sauter sur une mine ; mourir pour sa cause ; c’est un état de guerre. Mais être un homme ; chercher la liberté et la justice ; ne jamais abdiquer sa conscience : c’est un combat. » Duch ne répond pas. Ses grands yeux regardent derrière moi, est-ce le garde, un mur, la caméra, le passé ?

Sur la table de travail de Pol Pot, dans la jungle, il y a des livres de Marx, Lénine et Mao. Un cahier. Des crayons. À côté, un lit de camp, et un krama parfaitement plié. Simplicité et vérité de la révolution. Je me suis souvent arrêté sur cette image de propagande. Qu’ont-ils fait de leurs idées pures ? Un pur crime.

Rithy Panh, L’élimination, Grasset, p. 94.

Cécile Carret, 7 fév. 2012
cinochard

Une petite troupe de strip-tease de La Potinière de Paris, conduite par un vieux cabotin aux cheveux gris nicotinés, à l’œil cinochard, le verbe haut, appelle « mon petit » l’employée d’Air France qui lui jette un regard méprisant, se fait appeler « papa » par les trois jeunettes de la troupe qu’il convoite cependant qu’il feint de les protéger. Il a l’air d’avoir récemment conquis une grande poule aux chevilles épaisses, perchée sur d’immenses talons, les pores du visage agrandis par les démaquillants, le cheveu décoloré, qui se drape dans un manteau de pluie du genre faux léopard. Elle vient se suspendre à son bras timidement dans un grand concours de bracelets entrechoqués. Et lui la rudoie un peu pendant qu’il demande les billets, prétextant avec pompe et d’une voix caverneuse qu’il est très, très occupé. Si le ridicule tuait, il ne serait pas parvenu au bout de sa phrase.

Nicolas Bouvier, Il faudra repartir. Voyages inédits, Payot & Rivages, p. 93.

Cécile Carret, 28 juin 2012
lune

Tout près du clocher de l’église Saint-Étienne et d’un seul coup, comme si on avait appuyé quelque part sur un bouton secret, la lune a surgi entre les nuages, et le choc de sa puissante et lugubre clarté a comme fait vibrer toute la ville endormie.

Dezsö Kosztolányi, Alouette, Viviane Hamy, p. 169.

Cécile Carret, 4 août 2012
autrement

À propos de rien, une fois, elle avait déclaré à Julie qu’elle ne se lavait jamais les pieds pour la simple raison que, en prenant sa douche, ils étaient autrement nettoyés par toute l’eau savonneuse qui coulait sur eux.

Alain Sevestre, Poupée, Gallimard, p. 286.

Cécile Carret, 19 mars 2014

mot(s) :

auteur :

rechercher 🔍fermer