coussin

Un chat sait être le coussin de soi-même.

Guillaume Colnot.

David Farreny, 20 mars 2002
endroit

Parler est un endroit étrange.

Renaud Camus, « mardi 10 juin 1980 », Journal d’un voyage en France, Hachette/P.O.L., p. 465.

Élisabeth Mazeron, 17 déc. 2005
gélif

Autre chose. Le « brasier », dont Brive est bâtie, n’est pas, comme je croyais, d’origine permo-carbonifère mais triasique. Mouret insiste sur la médiocrité de ce matériau, gélif, pulvérulent, impropre à livrer des arêtes vives. C’est pourquoi les joints de mortier débordent sur les moellons.

Pierre Bergounioux, « mardi 3 août 1999 », Carnet de notes (1991-2000), Verdier, p. 1095.

David Farreny, 27 déc. 2007
illusions

Au cours de la route mon compagnon B. me prône une décevante philosophie de l’immobilité, de l’indifférence et de l’échec ; il est intéressant et je le crois absolument sincère. Il prétend que j’ai des illusions, c’est bien le cas. J’en ai beaucoup qui n’attendent que moi pour les rendre réelles ; je crains pour lui qu’il n’ait renoncé aux siennes un peu trop tôt. Il prétend que la joie n’existe pas. Je lui accorde qu’elle est disparue quand on croit la tenir, mais comme la contrebasse d’un orchestre on la devine quand elle nous manque.

Nicolas Bouvier, Il faudra repartir. Voyages inédits, Payot & Rivages, p. 35.

Cécile Carret, 17 juin 2012
drame

Et c’est la Mer qui vint à nous sur les degrés de pierre du drame :

Avec ses Princes, ses Régents, ses Messagers vêtus d’emphase et de métal, ses grands Acteurs aux yeux crevés et ses Prophètes à la chaîne, ses Magiciennes trépignant sur leurs socques de bois, la bouche pleine de caillots noirs, et ses tributs de Vierges cheminant dans les labours de l’hymne,

Avec ses Pâtres, ses Pirates et ses Nourrices d’enfants-rois, ses vieux Nomades en exil et ses Princesses d’élégie, ses grandes Veuves silencieuses sous des cendres illustres, ses grands Usurpateurs de trônes et Fondateurs de colonies lointaines, ses Prébendiers et ses Marchands, ses grands Concessionnaires des provinces d’étain, et ses grands Sages voyageurs à dos de buffles de rizières,

Avec tout son cheptel de monstres et d’humains, ah ! tout son croît de fables immortelles, nouant à ses ruées d’esclaves et d’ilotes ses grands Bâtards divins et ses grandes filles d’Étalons — une foule en hâte se levant aux travées de l’Histoire et se portant en masse vers l’arène, dans le premier frisson du soir au parfum de fucus,

Récitation en marche vers l’Auteur et vers la bouche peinte de son masque.

Saint-John Perse, « Amers », Œuvres complètes, Gallimard, p. 265.

Guillaume Colnot, 3 avr. 2013
ramonées

Treizième arrondissement, derrière le boulevard de la Gare. Tours neuves des « résidences », enfoncées une à une dans la glaise comme les pieux d’un barrage, grues, fouilles, terrassements qui tranchent par un côté comme un massicot une colline d’une quinzaine de mètres. Tout ce dévalement morne et disgracié de la Butte-aux-Cailles vers la Seine, au-delà du vaste enclos bâti de la Salpêtrière — bizarre fief onomastique de Jeanne d’Arc : rue Lahire, rue Dunois, rue Xaintrailles, rue Richemont, rues de Reims, de Domrémy, de Patay (Gilles de Rais n’a pas la sienne) coupé en son milieu par l’énigmatique rue du Château-des-Rentiers — tout ce quartier bouleversé, éventré, rasé, hérissé de donjons de béton, évoque aujourd’hui São Paulo plus que Lutèce ; quelques fragments de sordides petites rues jamais ramonées débouchent, tranchées net comme les tronçons d’une tuyauterie oxydée, sur les terre-pleins boueux où champignonnent les casques jaunes. Aucun quartier de Paris ne connaît une mutation aussi brutale, aussi massive : c’est ici de la chirurgie lourde de greffe d’organes à côté des implants et des inlets d’une délicate prothèse dentaire.

Julien Gracq, Lettrines (II), José Corti, pp. 2-3.

David Farreny, 18 oct. 2014
bleu

L’âme souffrante se marque d’un bleu ; toutes ensemble cousues font le mystique azur.

Éric Chevillard, « lundi 26 janvier 2015 », L’autofictif. 🔗

David Farreny, 26 janv. 2015
saisons

Le tribunal militaire devant lequel il comparut eut tôt fait de prononcer sa sentence et il fut exilé à Vologda, une localité oubliée de Dieu, située quelque part dans la contrée désolée qui s’étend au-delà de Nijni-Novgorod. Vologda, comme l’écrit Apollo Korzeniowski à son cousin au cours de l’été 1863, n’est qu’un trou marécageux où rues et chemins sont faits de troncs d’arbres abattus. Les maisons, mais aussi les palais de planches de la noblesse provinciale, peints de couleurs vives, se dressent sur des pilotis au beau milieu du marais. Aux alentours, tout se noie, pourrit et se dégrade. Il n’y a que deux saisons, un hiver blanc et un vert. Neuf mois durant, l’air glacial descend de la mer du Nord. Le thermomètre tombe jusqu’à des températures inimaginablement basses. On est entouré de ténèbres impénétrables. Durant l’hiver vert, il pleut sans interruption. La boue s’infiltre par les portes. La rigidité cadavérique se mue en un affreux marasme. Durant l’hiver blanc, tout est mort, durant l’hiver vert, tout agonise.

Winfried Georg Sebald, Les anneaux de Saturne, Actes Sud, pp. 127-128.

David Farreny, 29 janv. 2015

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