reposer

Il faut choisir : se reposer ou être libre.

Thucydide.

David Farreny, 23 mars 2002
pieux

Mémorial, un beau mot, pour une héraldique des souvenirs pieux : mais tous les souvenirs sont pieux, même les moins volontaires, et même les plus impies.

Renaud Camus, Le département de la Lozère, P.O.L., p. 18.

David Farreny, 14 avr. 2002
mort-nés

Or, c’était, ce quart de seconde, un de ces quarts de seconde qui comptent dans une vie, qui se comptent, ou se décomptent, tant il est vrai que les autres passent, mort-nés, pas même distincts de leurs confrères, à peine successifs, dans cette sensation de globalité qui emporte les jours ordinaires — presque tous, en fait.

Christian Oster, Mon grand appartement, Minuit, p. 70.

Élisabeth Mazeron, 23 avr. 2002
aliénés

Être de rien qui, face au rien de ce monde, demeure sensible. Timidement. C’est que, même aliénés, contraints, nos sens et émotions veulent vivre ; quitte à se nourrir de ce qui les appauvrit.

Jean-Philippe Domecq, Artistes sans art ?, 10/18, p. 262.

David Farreny, 26 déc. 2006
naturel

Après tout ce dont nous avons parlé, que nous avons senti ensemble pendant ces jours, il est bien naturel que je vous aime. Il faut restituer ce mot dans son ancienne grandeur : c’est pour cela que je le prononce ; de loin : parce que j’ai pris sur moi toute ma solitude ; de près : parce que ceux que j’aime m’aident infiniment à la supporter.

Rainer Maria Rilke, « 26 novembre 1907 », Lettres à une amie vénitienne, Gallimard, p. 10.

David Farreny, 10 fév. 2007
figures

M’installe au bureau, dans la nuit profonde, et peine à repartir, après la triste interruption de vendredi. J’essaie de décrire l’espèce d’idole peinte qui tenait la Parfumerie Bleue puis passe aux hommes, à ces commerçants qu’on voyait plantés sur leur pas de porte, comme des figures barométriques, et sous le regard desquels il fallait passer. Ça m’agaçait. Je sentais confusément les atteintes d’un pour-autrui que les étroites, les mesquines cervelles où il se formait rendaient amer, mal assimilable. On devenait, à son corps défendant, un personnage du texte médiocre, tout intérieur, que ces contemplatifs rogues brochaient, du matin au soir, à partir des péripéties, non moins médiocres, répétitives, du spectacle de la rue. Le bonheur, la liberté que j’éprouvais, deux ou trois jours durant, entre la fin juillet et le début août, tenaient à ce qu’ils étaient momentanément absentés, partis en vacances. Le monde était purgé des interprétations dénigrantes ou malignes, des regards urticants qui lui conféraient une partie de sa réalité.

Pierre Bergounioux, « samedi 21 septembre 2002 », Carnet de notes (2001-2010), Verdier, p. 285.

David Farreny, 26 janv. 2012
aimer

Mais ça n’a rien à voir avec sa jupe. Si, quand même. Pour moi, si. Peu importe, je sais ce que j’aime, sa jupe. Elle aussi, sinon elle l’aurait pas achetée. Donc nous aimons la même jupe. Donc à travers la même jupe nous nous aimons. Donc je l’aime. Tu charries. Non. Une femme comme elle qui aime comme moi une jupe imprimée de fleurs aussi belles est forcément digne, je veux dire destinée à être aimée par un type comme moi. Autrement dit, si j’aime ce qu’elle aime, elle devrait normalement m’aimer.

Christian Gailly, Les fleurs, Minuit, p. 67.

Cécile Carret, 4 mars 2012
peut

L’éducation est une chose admirable, mais il convient de se rappeler de temps à autre que rien de ce qui vaut d’être connu ne peut s’enseigner.

Oscar Wilde, « Quelques maximes pour l’instruction des personnes trop instruites », La vérité des masques, Rivages.

David Farreny, 4 déc. 2012
amont

À ce goût immodéré des spéculations sur l’origine, je reconnais d’ailleurs que je ne suis pas un vrai romancier, plus intéressé celui-ci par la fiction de l’avenir, par l’imbroglio des péripéties conçues pour être dénouées ; le roman, tendu vers la fin, obéissant au principe de réalité funeste qui ordonne déjà nos existences.

Je préfère creuser en amont, remonter vers la source, le risque est moindre d’y rencontrer la mort. Des éclosions, au contraire, des épiphanies, des naissances. L’espoir même ne serait-il pas plutôt de côté-là du temps ? Tous ces petits œufs qui se fendillent !

Éric Chevillard, Le désordre azerty, Minuit, p. 64.

Cécile Carret, 10 fév. 2014
double

Röskilde. La cathédrale de briques sans grâce est le Saint-Denis du Danemark, avec ses gisants de pierre attroupés, dont le nom même est depuis longtemps silence (le Danemark, par une singulière fortune, n’a eu qu’un roi et qui n’a pas régné : Hamlet). Tout autour, le silence nordique des rues et des ruelles, fané et sédatif — plus engourdissant que celui de la Hollande — qui est celui des franges du monde habité : malgré la nécropole royale toute proche, on sent que le charroi brutal de l’Histoire n’a jamais éveillé cette calme et végétale bourgade : elle n’écoute que le vent bruissant qui remonte le fjord plat et passe sur les prés d’un vert cru, les cris des oiseaux de mer au-dessus de l’herbe, le carillon austère et luthérien qui tombe d’heure en heure des clochers. Il n’y a rien à chercher, rien à prendre à Röskilde : respirons une seconde le vent acide, hivernal encore en avril, qui souffle du Belt, arrêtons-nous quelques minutes à la pâtisserie, confortable et somnolente, pour manger un gâteau danois à la crème danoise, qui est une crème double, et partons — puisque nous n’avons pas assez de temps pour le seul, simple et profond plaisir que promet la ville et qui aurait été non pas d’y vivre, mais d’y dormir ; d’y dormir une vraie nuit danoise : une nuit double.

Julien Gracq, Lettrines (II), José Corti, pp. 241-242.

David Farreny, 20 oct. 2014
cherche

Le châtiment de celui qui se cherche est qu’il se trouve.

Nicolás Gómez Dávila, Scolies à un texte implicite (2), p. 68.

David Farreny, 26 mai 2015
connivences

Le scepticisme et la foi présentent certaines connivences : tous deux minent la présomption humaine.

Nicolás Gómez Dávila, Carnets d'un vaincu. Scolies pour un texte implicite, L'Arche, p. 32.

David Farreny, 3 mars 2024

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