mais

Vitry-le-François, détail image un, bandeau de bois en avancée sur poteaux, portail en arrière pour charge camions et deux portes à voûte brique arrondie, l’inscription mi-effacée le mot parqueterie, au fond autres toits en triangle symétriques et la masse blanche d’un double silo en avant d’une fumée en panache.

Vitry-le-François, détail image deux, cheminée brique très fine très haute et en avant sur la droite une construction de brique sous double avancée, de part et d’autre du bâtiment étroit, pour mettre à l’abri camions d’un côté wagons de l’autre, et trace symétrique de deux gouttières pour évacuation d’eau de pluie se rejoignant dans un angle inverse à celui des deux avancées mais disparues.

François Bon, Paysage fer, Verdier, p. 57.

David Farreny, 24 janv. 2003
absence

Castres a de longue date joui pour moi d’un très grand prestige romanesque, dû pour partie à son nom effrayant, mais surtout à l’absence de toute image précise à elle associée.

Renaud Camus, « jeudi 5 juin 1980 », Journal d’un voyage en France, Hachette/P.O.L., p. 415.

David Farreny, 9 août 2005
connu

Rien n’est jamais aimé, rien n’est jamais connu.

Renaud Camus, L’épuisant désir de ces choses, P.O.L., p. 115.

David Farreny, 11 fév. 2006
rêve

On a, sous les yeux, tracée de sa main, la carte en relief du lit de l’Atlantique, avec ses fosses descendant à plus de 6000 mètres, ses rampes vertigineuses, ses coteaux arides comme l’enfer qui eussent épouvanté le Dante, ses cirques d’effroi, ses Alpes inconnues, ses chaînes inimaginées et leurs contreforts, leurs crêtes, leurs pics, leurs croupes indomptées, leurs éperons, leurs falaises, leurs gorges terrifiques hantées par des monstres ignorés dont la seule vue ferait mourir ; enfin, çà et là, des pyramides ou de fabuleux piliers soutenant des îles enchantées pleines de lumière et de verdure, où des hommes joyeux ou privés de joie subsistent, sans se douter qu’ils sont, en réalité, sur l’extrême pointe d’une aiguille que la plus légère secousse plutonienne peut casser demain ; car les volcans se promènent en bas, dans les vallées immenses qui vont probablement d’un pôle à l’autre, sans parler des énormes dépressions transversales, méditerranéennes ou autres, mal connues encore.

Tout cela est, pour l’âme, l’occasion d’un trouble étrange. On se sent précaire et misérable infiniment. On voit que cette terre est un rêve, le rêve d’un rêve, et qu’il est absurde d’y compter.

Léon Bloy, Exégèse des lieux communs, Payot, pp. 394-395.

David Farreny, 29 oct. 2007
fonction

Terminé le papier sur le Lot, dont l’hypothèse est que le sentiment initial de la vie est euphorique. Ce qui a pour fonction de nous y attacher — une prime d’installation. Puis l’expérience, l’exercice de la réflexion provoquent un désenchantement graduel. Lorsqu’il s’achève, on peut s’en aller.

Pierre Bergounioux, « samedi 23 novembre 1991 », Carnet de notes (1991-2000), Verdier, p. 112.

David Farreny, 20 nov. 2007
donnez

Il en est qui trouvent ça beau ; moi, la seule réaction que m’inspirait la majesté répugnante de la ligne des Alpes était un haussement d’épaules : trop de Stifter ! Même les fines étincelles jetées de loin en loin par les parois bleu vert n’arrivaient pas à me convaincre : donnez-moi un paysage plat, avec de vastes horizons (ici on est coincé comme dans un sac en papier !).

Arno Schmidt, « Continents déplacés », Histoires, Tristram, p. 65.

Cécile Carret, 22 nov. 2009
performatif

Je-t-aime est sans nuances. Il supprime les explications, les aménagements, les degrés, les scrupules. D’une certaine manière — paradoxe exorbitant du langage —, dire je-t-aime, c’est faire comme s’il n’y avait aucun théâtre de la parole, et ce mot est toujours vrai (il n’a d’autre référent qua sa profération : c’est un performatif).

Roland Barthes, Fragments d’un discours amoureux, Seuil, p. 176.

Élisabeth Mazeron, 19 déc. 2009
afflux

Car il y avait un si long temps que j’avais goût de ce poème, et ce fut tel sourire en moi de lui garder ma prévenance : tout envahi, tout investi, tout menacé du grand poème, comme d’un lait de madrépore ; à son afflux, docile, comme à la quête de minuit, dans un soulèvement très lent des grandes eaux du songe, quand les pulsations du large tirent avec douceur sur les aussières et sur les câbles.

Saint-John Perse, « Amers », Œuvres complètes, Gallimard, p. 263.

Guillaume Colnot, 3 avr. 2013
s’amarrer

Ce peut être souvent une source de grand plaisir que de penser à soi, dans la solitude, et de se créer un monde de son propre cœur ; toutefois, ainsi, l’on travaille sans s’en aviser à une philosophie pour laquelle le suicide a peu de prix et est autorisé. C’est pourquoi il est bon de s’amarrer au monde par le moyen d’une jeune fille ou bien d’un ami, afin de ne pas sombrer complètement.

Georg Christoph Lichtenberg, Le miroir de l’âme, Corti, p. 155.

David Farreny, 23 oct. 2014
croire

Il y a une grande différence entre croire encore à quelque chose et y croire de nouveau. Croire encore que la lune influence les plantes appartient à la sottise et à la superstition, mais le croire de nouveau démontre de la philosophie et de la réflexion.

Georg Christoph Lichtenberg, Le miroir de l’âme, Corti, p. 251.

David Farreny, 17 déc. 2014
derechef

Que les âges traversent des périodes d’agitation ou de calme, ils suivent implacablement un temps linéaire. L’Histoire, ce prétendu règne du nouveau, progressant plus par à-coups que par douceur, l’Ecclésiaste ne la perçoit ni ne l’éprouve. Chez lui, aucune sensibilité héraclitéenne. Les eaux du fleuve dans lequel les humains pataugent et se noient circulent en circuit fermé. Une génération s’en va, une génération s’en vient, mais l’humanité ne change pas. « Ce qui se fait se fera derechef. » Ce qui adviendra est déjà advenu. Les hommes n’ont aucun avenir. Ils rejouent leur passé. Rien ne leur sert d’attendre le meilleur ou de craindre le pire. Tels qu’en eux-mêmes le Temps les fige et ce qu’ils appellent la vie n’est que l’image mobile de la mort […].

Pour l’Ecclésiaste, il en va ainsi des phénomènes naturels qui servent de décor à cette interminable et monotone tragicomédie. Que fait d’autre le soleil sinon toujours se lever puis se coucher, puis se lever encore ? Les vents qui tant de fois changent de direction, n’est-ce pas leur invariable activité ? Et les rivières qui depuis toujours se jettent dans la mer, l’ont-elles jamais remplie ? Il faut bien s’y résoudre : qu’il soit celui des éléments de la nature ou celui des événements historiques, le temps n’a rien d’un devenir mais d’un redevenir : « Rien de neuf sous le soleil. » Eadem sunt omnia semper, répétera quant à lui le poète Lucrèce, un autre membre du club des penseurs mélancoliques. Si les humains ne voient pas que « ce qui est arrivé arrivera encore », c’est parce que ce qui vient juste d’apparaître sous leurs yeux n’est pas assez vieux pour se révéler n’être qu’une redite et, aussi, parce qu’ils répugnent à renoncer à l’espoir, source des illusions du progrès et de la salvation. L’homme de foi crédite Dieu d’un talent d’improvisateur et de novateur et de la bonté d’un rédempteur. En proie à l’ennui, l’Ecclésiaste ne Lui reconnaît que le génie de la rengaine et du radotage et un don évident pour l’indifférence.

Frédéric Schiffter, « Le prophète de l'à-quoi-bon (Sur l'Ecclésiaste) », Le charme des penseurs tristes, Flammarion.

David Farreny, 4 mai 2024

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