Straszewicz

L’humour bouleverse et renverse tout sens dessus dessous, à tel point qu’un humoriste-né ne se borne jamais à être ce qu’il est et ce qu’il n’est pas. La plume brillante de Straszewicz, c’est la plume réfractaire de Gogol — par elle Straszewicz devient un anti-Straszewicz, thèse et antithèse dont la synthèse nous fournit un super-Straszewicz : un Straszewicz qui tout en demeurant encore Straszewicz devance le Straszewicz d’un pas allègre.

Witold Gombrowicz, Journal (1), Gallimard, p. 224.

David Farreny, 24 mars 2002
étiologie

L’impossibilité d’agir a toujours été chez moi une maladie à l’étiologie métaphysique.

Fernando Pessoa, Le livre de l’intranquillité (1), Christian Bourgois, p. 182.

David Farreny, 9 fév. 2003
justifié

Debout à six heures. À peine dépasserai-je une page, et avec quelle peine ! Surpris, encore, toujours, du coût de l’opération, toute simple, en apparence, au prix de quoi on comprend ce qui nous a rendu heureux ou mélancolique, quels composants, quelle configuration, dans la nature des choses, éveillèrent notre sympathie ou nous rendirent défiant, dépité. Ce qu’on a éprouvé était justifié. Nous entendons le langage du monde comme celui de nos semblables.

Pierre Bergounioux, « samedi 28 mars 1992 », Carnet de notes (1991-2000), Verdier, p. 156.

David Farreny, 20 nov. 2007
congé

J’étais devenu mon propre fantôme. À la façon des fakirs, capables de traverser une foule sans qu’on les remarque, ou du héros d’un conte de Chamisso, je ne projetais plus sur le sol aucune ombre, même aux lumières rasantes du lever et du couchant. Le monde était devenu irréel. Mes orbites étaient-elles vides ou le paysage, sous mes yeux, s’était-il évanoui ? Dieu et les maîtresses de maison me pardonnent : j’étais en train de prendre congé.

François Nourissier, Le musée de l’homme, Grasset, p. 15.

David Farreny, 21 avr. 2009
si

Vrai j’en suis si content de ce que si ici parfois il y a des cafards dans le manger, chez toi il y a femme et enfant.

Vincent van Gogh, « Saint-Rémy-de-Provence, août-septembre 1889 », Lettres à son frère Théo, Gallimard, p. 517.

David Farreny, 2 juil. 2009
jour

La rue est indiscutablement belle. La rue est millionnaire. Attirante. Captivante. Ensorcelante. Envoûtante. Louise tire son mari vers les images, les vitrines, les bazars, les arcades, les boulevards, les trottoirs, les éclairages, les conversations au néon, les signaux alarmants, excitants, les sémaphores insolites, les panneaux publicitaires et sensationnels. L’extravagante nuit. Comme-en-plein-jour.

Dans la rue, on croise les autres. Pressés. Inquiets. Avides. Quêtant du regard les cascades de lumière. Les yeux éblouis. Papillotants. Fascinés. Les autres. Des Fernande. Des Louise. Des Marcel. Des André.

La rue tentatrice ouverte à tous gratuitement. La rue spectacle permanent. Sans entrée. Sans sortie. Sans porte. Sans guichet. Châteaux illuminés éclatants. Châteaux du vingtième siècle. Pour les yeux éperdus d’étonnement. Ciel neuf et bariolé. À grands traits dessinés. Vite lu. Vite exploré. Ciel facile. Dans la cire molle de l’esprit paresseux, ciel facilement imprimé.

Comme de vastes écrins béants s’étalent des boulevards brillants.

Hélène Bessette, La tour, Léo Scheer, p. 37.

Cécile Carret, 18 mars 2010
lové

Enfin je suis chez moi, dans la pénombre, assis sur une chaise, la tête pendante, je sens mes lèvres humides effleurer mes genoux, ce n’est qu’ainsi que je peux faire la sieste. Quelquefois je reste là, enroulé sur moi-même jusqu’à minuit, je me réveille, je lève la tête, à l’endroit des genoux mon pantalon est trempé de salive tant j’étais replié, lové sur moi-même, comme un petit chat l’hiver, comme le bois d’un rocking-chair ; je peux m’offrir le luxe de m’abandonner car je ne suis jamais vraiment abandonné, je suis simplement seul pour pouvoir vivre dans une solitude peuplée de pensées, je suis un peu le Don Quichotte de l’infini et de l’éternité, et l’infini et l’éternité ont sans doute un faible pour les gens comme moi.

Bohumil Hrabal, Une trop bruyante solitude, Robert Laffont, p. 18.

Cécile Carret, 25 avr. 2011
quand

On n’a qu’une vie, j’ai bien compris, mais elle commence quand ?

Éric Chevillard, « samedi 13 septembre 2014 », L’autofictif. 🔗

Cécile Carret, 13 sept. 2014
évites

Les religions instituées, visibles, ne sont plus là que pour te faire croire que le tout de la religion se résume en elles, et que tu n’as donc rien à redouter si tu les évites.

Plus la société sera dévote, plus elle aura besoin de ces vieux panneaux « obscurantistes » si commodes pour cacher les nouveaux autels.

Il y a tant et tant d’illusions qui n’ont pas encore été défrisées !

Tant et tant de croyances qui n’ont pas été réfutées !

Tant et tant d’espoirs qui n’ont pas été déçus !

Philippe Muray, « 11 novembre 1989 », Ultima necat (III), Les Belles Lettres, p. 233.

David Farreny, 29 fév. 2024
rang

Le monde se remplit de contradictions lorsque nous oublions que les choses ont un rang.

Nicolás Gómez Dávila, Carnets d'un vaincu. Scolies pour un texte implicite, L'Arche, p. 30.

David Farreny, 3 mars 2024

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