sincérité

Ce que j’ai fait de bien pire encore, dans ces années-là, c’est d’appeler fils de pute un camarade de classe dont la mère était notoirement entretenue. Par la suite, et chaque fois qu’il était à proximité, je traitais quiconque se trouvait là de fils de pute, pour le convaincre que ces mots n’avaient dans ma bouche aucune signification. On voit par ce récit ce qu’a de vain toute sincérité.

Renaud Camus, « lundi 28 avril 1980 », Journal d’un voyage en France, Hachette/P.O.L., p. 96.

David Farreny, 30 juil. 2005
éboulis

Septembre en fait des tonnes. C’est une éruption de bleu pur sur un canal, une apothéose de lumière que criblent les grands platanes penchés sur l’eau. C’est de tout côté éboulis de douceur, débauche d’harmonie.

Jean-Pierre Georges, Aucun rôle dans l’espèce, Tarabuste, p. 92.

Élisabeth Mazeron, 28 juin 2006
discord

Comme une cloche sonnant un malheur, une note, une note n’écoutant qu’elle-même, une note à travers tout, une note basse comme un coup de pied dans le ventre, une note âgée, une note comme une minute qui aurait à percer un siècle, une note tenue à travers le discord des voix, une note comme un avertissement de mort, une note, cette heure durant

m’avertit.

Henri Michaux, « Passages », Œuvres complètes (2), Gallimard, p. 334.

David Farreny, 3 mars 2008
malentendus

Plus je vais, plus le monde entre dans ma vie jusqu’à la faire éclater. Pour la raconter, il me faudrait douze portées ; et une pédale pour tenir les sentiments — mélancolie, joie, dégoût — qui en ont coloré des périodes entières, à travers les intermittences du cœur. Dans chaque moment se reflètent mon passé, mon corps, mes relations à autrui, mes entreprises, la société, toute la terre ; liées entre elles, et indépendantes, ces réalités parfois se renforcent et s’harmonisent, parfois interfèrent, se contrarient ou se neutralisent. Si la totalité ne demeure pas toujours présente, je ne dis rien d’exact. Même si je surmonte cette difficulté, j’achoppe à d’autres : une vie, c’est un drôle d’objet, d’instant en instant translucide et tout entier opaque, que je fabrique moi-même et qui m’est imposé, dont le monde me fournit la substance et qu’il me vole, pulvérisé par les événements, dispersé, brisé, hachuré et qui pourtant garde son unité ; ça pèse lourd et c’est inconsistant ; cette contradiction favorise les malentendus.

Simone de Beauvoir, La force des choses (I), Gallimard, pp. 374-375.

Élisabeth Mazeron, 27 déc. 2009
résultats

Une chauve-souris dort, suspendue à son aisselle. Elle le gêne un peu pour préparer ses potions et ses fientes acides les font tourner : le philtre qui devait lui procurer une jeunesse éternelle le frappe de sénescence. Souvent, les tâtonnements de la science produisent des résultats inattendus, le sirop antitussif fait grandir les nains, telle pommade contre l’acné polymorphe juvénile rend bossus ses utilisateurs – et si bien, plaident les laboratoires, que l’on ne voit effectivement plus leur vilaine figure boutonneuse – […]

Éric Chevillard, Dino Egger, Minuit, p. 106.

Cécile Carret, 18 fév. 2011
divin

Le divin, son importance dans ma vie. Pourtant quelque chose constate ironiquement en moi, pendant que je fais le récit d’un rêve, que le divin est bien plus présent dans ma pensée, en été, à la campagne et par beau temps.

Henry Bauchau, Jour après jour. Journal d’« Œdipe sur la route » (1983-1989), Actes Sud, p. 218.

Bilitis Farreny, 26 août 2011
fond

Voilà. Des années ont passé. Nous vivons ensemble dans une maison en dur, j’ai réussi, j’ai une vraie maison toute dure. Francis est parti, et nous sommes tous les deux. Et alors, quoi ? Je m’ennuie. Le mot est faible. C’est évident que je m’ennuie. L’amour pour moi s’est toujours déroulé en trois phases fatales : découverte, habitude, lassitude. Et c’est fini. Chaque fois que je me suis mis à vivre avec une femme, je me suis retrouvé un jour à me dire sur ma natte : « Pop, ce que tu t’emmerdes, au fond. Demain tu la quittes. »

Julien Péluchon, Pop et Kok, Seuil, p. 81.

Cécile Carret, 9 mars 2012
répandent

Pour pouvoir parler aux jeunes filles, j’ai besoin d’avoir des personnes plus âgées autour de moi. Le léger trouble qu’elles répandent donne de la vie à ma conversation, il me semble aussitôt que les exigences qu’on me pose sont diminuées ; si les paroles que je laisse échapper sans examen ne conviennent pas à la jeune fille, elles peuvent toujours être placées à l’intention de la personne plus âgée, auprès de laquelle je puis encore, quand cela devient nécessaire, aller chercher de l’aide en grande quantité.

Franz Kafka, « Journaux », Œuvres complètes (3), Gallimard, p. 175.

David Farreny, 13 oct. 2012
éternelle

La jeunesse éternelle est impossible, même s’il n’y avait pas d’autre obstacle, l’introspection s’y opposerait.

Franz Kafka, « Journaux », Œuvres complètes (3), Gallimard, p. 543.

David Farreny, 9 nov. 2012
cela

Tout ce qui a la nature de l’apparition, cela a la nature de la cessation.

Michel Houellebecq, « Loin du bonheur », Configuration du dernier rivage, Flammarion, p. 21.

David Farreny, 17 avr. 2013
plein

AGATHE – Mais y en a plein qui sont jamais nés !

MOI – Qui ? Quoi… ?

AGATHE – Des gens.

Éric Chevillard, « mercredi 19 mars », L’autofictif. 🔗

Cécile Carret, 19 mars 2014

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