plongeuse

Des cuisses, des cheveux, cette femme est plongeuse

Pierre Jean Jouve, Les noces, Gallimard, p. 66.

David Farreny, 22 mars 2002
fermer

Il faut obliger les mots à fermer.

Henri Michaux, « En marge de Face aux verrous », Œuvres complètes (2), Gallimard, p. 603.

David Farreny, 7 juil. 2002
ombre

Les absentes sont toujours là. Les grandes absentes sont de jour en jour plus hautes et l’ombre qu’elles portent plus opaque. Ce qui a été perdu a toujours raison.

Pascal Quignard, Terrasse à Rome, Gallimard, p. 150.

David Farreny, 19 déc. 2003
assis

Nous gagnâmes tous deux un escalier dont nous dûmes tenir ferme la rampe, retrouvâmes le restaurant où des assis d’un nouveau genre, qui s’étaient attablés afin de dîner bien qu’il ne fût que dix huit-heures, n’avaient pas assez de mains pour tenir leurs couverts et retenir leurs verres, qui valsaient, cependant que les serveurs déplaçaient leurs plateaux par étapes, prenant appui sur les tables libres où les plats, heureusement conçus sans sauce, froidissaient.

Christian Oster, Trois hommes seuls, Minuit, p. 92.

Cécile Carret, 21 sept. 2008
œil

Le jardin s’agite, mais pas l’œil.

Antoine Émaz, Lichen, encore, Rehauts, p. 50.

Cécile Carret, 4 mars 2010
du

Windisch presse son visage contre la vitre. Au mur du compartiment une photo de la mer Noire. L’eau est calme. La photo se balance. Elle est du voyage.

Herta Müller, L’homme est un grand faisan sur terre, Maren Sell, p. 118.

Cécile Carret, 4 sept. 2010
perpétrer

Et ces deux qui glissent comme des voleurs ? Qui gagnent sur la pointe des pieds la pénombre de leur chambre à coucher ? Pourquoi des gestes si furtifs ? Pourquoi cette honte ? Ces secrets ? Pourquoi, en résumé, a-t-on pris l’habitude d’aller se cacher pour baiser ? Quand on a la conscience tranquille, on ne cherche pas à se dissimuler… Il doit y avoir autre chose. D’autres causes, une autre raison… Reprenons Schopenhauer : si les amants, nous dit-il, semblent gênés de ce qu’ils vont faire, s’ils sont en effet honteux, ce n’est pas tant, comme on le croit, à cause des pauvres cochonneries auxquelles ils vont se livrer dans le noir, que parce qu’ils s’apprêtent malgré eux à perpétrer un mauvais coup, voilà pourquoi ils n’ont pas la conscience tranquille…

Etc., etc. Le péché ne serait donc pas dans l’acte lui-même mais dans sa conséquence reproductrice ? Et tout le monde le saurait sans vouloir le reconnaître ? La culpabilité, les sentiments d’angoisse, proviendraient de la transgression d’une injonction morale, certes, mais pas du tout celle qu’on croit ? Et par conséquent il n’y aurait pas d’acte plus élevé, plus moral, que celui consistant à s’abstenir de se prolonger ? D’où s’expliqueraient aussi les tentatives acharnées à travers les siècles pour essayer de prouver le contraire en pénalisant l’acte lui-même afin de resanctifier ses effets ?

Etc., etc.

Philippe Muray, Postérité, Grasset, pp. 407-408.

David Farreny, 6 déc. 2012
détours

Puis la femme cria à l’adresse des enfants qui se tenaient détournés l’un de l’autre comme devenus ennemis – le gros garçon plutôt triste : « Hé, les enfants, faites la paix ! »

Le gros garçon sourit, délivré, et tous deux, tête baissée, il est vrai, se dirigèrent par des détours, l’un vers l’autre.

Peter Handke, La femme gauchère, Gallimard, p. 75.

Cécile Carret, 30 juin 2013
plus

La littérature voulait être plus que ça. Elle voulait se substituer au monde.

Éric Chevillard, « jeudi 19 septembre 2013 », L’autofictif. 🔗

Cécile Carret, 22 sept. 2013
convenances

Dans le secret de son cabinet, Caraco laissait libre cours à ses aigreurs d’atrabilaire, mais, tel Philinte dans Molière, pour la vie en société, il se prescrivait une sagesse semblable à un stoïcisme de cour, tenant les bonnes manières pour les vertus les plus droites. Le misanthrope conséquent se montre avisé en observant – tant qu’elles durent – les convenances, ces principes civils de non-agression et de comédie amicale que les humains eurent la prudence d’établir afin de limiter leur détestation réciproque. Ayant tout à redouter de leur « fraternité », il mise, en un mot, sur la politesse, utile mascarade permettant d’exprimer son mépris sous des dehors aimables et, par là, de préserver son quant-à-soi. Barbey d’Aurevilly conseillait de même. « La politesse, disait-il, est le meilleur bâton de longueur entre soi et un sot et qui nous épargne même la peine de frapper. » À cette judicieuse politique, Caraco prêtait aussi une valeur esthétique.

Frédéric Schiffter, « Haïr la vie à en mourir (Sur Albert Caraco) », Le charme des penseurs tristes, Flammarion.

David Farreny, 4 mai 2024
catafalque

Je bois. À cause de quoi ? me demanderez-vous. Un regard trop sobre sur la réalité. Je suis vieux – j’ai les cheveux filasse et les dents jaunasses – et la vie est jeune, donc il faut me laver, comme une tache, m’effacer avec de la vodka. C’est tout.

Comment je commence mes matinées ? Levé de bonne heure, je vais au croisement et j’attends. Comme un chasseur à l’affût. Assez vite, ou parfois pas vite du tout, d’un côté ou de l’autre du carrefour apparaît une carriole remplie de caisses en bois. Dedans, bien fermé sous du verre et des bouchons, il y a de l’alcool. Je sors de mon immobilité et je suis la carriole, où qu’elle aille, jusqu’à l’arrêt et le déchargement. Voilà qui vous donne l’impression de marcher d’un pas solennel derrière un catafalque portant vos propres cendres.

Sigismund Krzyzanowski, Rue Involontaire, Verdier, p. 14.

Cécile Carret, 12 mai 2024

mot(s) :

auteur :

rechercher 🔍fermer