feuilleton

Montépin ourdissait pour un même feuilleton tant d’intrigues si compliquées que sa plume s’y emberlificotait. Le Trombinoscope de Touchatout (1875, 4e volume, numéro 187) révèle — mais est-ce vrai ? — que pendant la publication des Tragédies de Paris dans le Figaro, « il envoya à M. de Villemessant un télégramme de détresse ainsi conçu : “Suis complètement embourbé, sais plus qu’ai fait de Sarriol ; ai mêlé enfants du prologue, me rappelle plus avec qui ai marié comte de Tréjean mois dernier. Envoyez secours.” »

Roland de Chaudenay, Les plagiaires, Perrin, p. 209.

David Farreny, 24 août 2003
algèbre

Il en est de la musique comme des autres arts, y compris la littérature : la forme la plus haute de l’expression artistique est du côté de la littéralité, c’est-à-dire en définitive d’une certaine algèbre : il faut que toute forme tende à l’abstraction, ce qui, on le sait, n’est nullement contraire à la sensualité.

Roland Barthes, « Mythologies », Œuvres complètes (1), Seuil, p. 803.

David Farreny, 5 déc. 2004
vie

Pour moi, une vie heureuse est un bien, sans doute, mais seulement parce qu’elle est heureuse, non parce que c’est la vie.

Giacomo Leopardi, « Dialogue d’un physicien et d’un métaphysicien », Petites œuvres morales, Allia, p. 72.

David Farreny, 9 nov. 2005
constate

Je me suis levé à huit heures pour aller chez la radiologue. Elle a l’air d’une pute de la rue Saint-Denis, sympathique et drôle, avec un accent étonnant. Pendant que j’attendais, je l’entendais discuter avec une amie à qui elle faisait toute sorte de reproches :

« Je ne te fais pas de reproches, je constate, c’est tout. Tu es comme ça tu es comme ça : tu n’y peux rien, peut-être, et moi non plus. Je ne te fais pas de reproches : JE CONSTATE. »

Rien d’extra : ordinaire, comme dirait Aragon. On se serait cru à la maison.

Renaud Camus, « mercredi 3 novembre 1976 », Journal de « Travers » (2), Fayard, p. 1219.

David Farreny, 22 fév. 2008
conclure

Oui, la bêtise consiste à vouloir conclure. Nous sommes un fil et nous voulons savoir la trame. […] Maintenant on passe son temps à se dire : nous sommes complètement finis, nous voilà arrivés au dernier terme, etc., etc. Quel est l’esprit un peu fort qui ait conclu, à commencer par Homère ? Contentons-nous du tableau ; c’est aussi bon.

Gustave Flaubert, « lettre à Louis Bouilhet (4 septembre 1850) », Correspondance (2), Gallimard, p. 680.

David Farreny, 7 janv. 2010
annihilation

Et le temps durait. Ce n’était pas l’affaire d’une heure ou d’un jour, mais, comme dans les contes d’endormissement, une extension pour ainsi dire infinie d’une temporalité homogène, identique à elle-même, au sein de laquelle nul instant ne se différenciait.

À l’infinitude d’une durée dont le seul avenir ne pouvait être qu’une vacance toujours plus vaste, répondait mon entière passivité, plus pleine d’elle-même, dans sa disponibilité vidée de projets, plus paisible et plus grave à mesure que l’angoisse en moi se desserrait. Ce fut comme une immense maturation du cœur dans l’absorption d’une constante contemplation du vide et de sa blancheur. Je ne formulais pas de théorie. Je ne cherchais pas à penser mon expérience à la lumière d’un système. Simplement, je coïncidais avec un état que la lente et irrésistible annihilation de mon univers entretenait en moi d’une façon continue.

Claude Louis-Combet, Blanc, Fata Morgana, pp. 68-69.

Élisabeth Mazeron, 19 mars 2010
calao

On est parce qu’on porte un brin de paille. Quelqu’un nous l’a laissé quand ce fut l’heure de le porter. Et la réciproque est vraie : on porte un brin de paille, un étui pénien, l’ordre du grand calao parce qu’on est.

Pierre Bergounioux, L’orphelin, Gallimard, p. 46.

Élisabeth Mazeron, 7 juin 2010
œuvres

Mais nous ne pouvons ici-bas espérer de rien parachever, et bienheureux l’homme chez qui la volonté ne passe point tout entière dans le douloureux effort. Nulle maison n’est bâtie, nul plan n’est tracé, où la perte future ne soit la pierre de base, et ce n’est point dans nos œuvres que vit la part impérissable de nous-mêmes.

Ernst Jünger, Sur les falaises de marbre, Gallimard, p. 164.

Cécile Carret, 27 août 2013
panneau

Monsieur Songe qui est coquet mais pas malin ajoute un dit-il à tel propos très personnel qui tombe de sa plume, croyant ainsi donner le change, faire accroire que ledit propos n’est pas de lui s’il lui paraît faible ou contestable. Il tombe dans le panneau, prenant ses distances par rapport à un monsieur Songe narrateur alors qu’il sait fort bien que c’est lui qui parle, dans ce cas-là du moins.

Robert Pinget, Monsieur Songe, Minuit, p. 72.

Cécile Carret, 8 déc. 2013
intéresse

Un égotiste qui ne s’intéresse pas, comble de l’amour déçu.

Jean-Pierre Georges, Le moi chronique, Les Carnets du Dessert de Lune, p. 68.

David Farreny, 11 sept. 2014
inéluctable

Si inéluctable est une épée au-dessus de la tête, inéluctabilité n’en finit pas de se vider de son contenu.

Jean-Luc Sarré, Ainsi les jours, Le Bruit du temps, p. 159.

David Farreny, 16 oct. 2014

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