exaspération

Plus tard nous est venue cette susceptibilité d’épiderme qui rend blessantes la pierre, l’avoine et la pluie et dont l’esprit, l’âme, la chose pensante — peu importe le nom — pourrait n’être après tout que l’exaspération hypostasiée.

Pierre Bergounioux, Points cardinaux, Fata Morgana, p. 40.

David Farreny, 13 avr. 2002
macération

Exténuée, au bout de la table, la force demandait réparation, en silence, comme une évidence. Il mangeait sans un mot, telle une mécanique. Je sentais dans ma propre chair, sa fatigue, son épuisement, sa carcasse fourbue. Parfois, me découvrant tétanisé, blessé, j’imaginai pouvoir prendre en charge un peu de sa douleur et de sa peine. C’est à cette époque que j’ai mesuré l’impossible communication entre les chairs. Dans les meilleurs hypothèses, seules les âmes s’effleurent, car le solipsisme est la règle. On n’a jamais supprimé un gramme de souffrance à qui que ce soit en se couvrant de douleur : avec ce mauvais calcul, on ne parvient qu’à la macération, à l’ajout de négatif au négatif.

Michel Onfray, « Le désir d’être un volcan », Esthétique du pôle Nord, Grasset, p. 145.

Élisabeth Mazeron, 1er mai 2007
immensément

Le temps coulait fondu par le feu des fatigues.

Je paressais immensément,

épelant d’A à Z le Larousse prodigue

en faciles enchantements.

Raymond Queneau, Chêne et chien, p. 42.

David Farreny, 4 mars 2008
hauteur

Il faut se fixer des idéaux atteignables quand on ne saute pas deux mètres cinquante en hauteur de vue.

Jean-Pierre Georges, L’éphémère dure toujours, Tarabuste, p. 10.

David Farreny, 9 juin 2008
dégoût

Donc, tu ne dois pas penser que je renie ceci ou cela, je suis un espèce de fidèle dans mon infidélité, et quoique étant changé, je suis le même, et mon tourment n’est autre que ceci : à quoi pourrais-je être bon, ne pourrais-je pas servir et être utile en quelque sorte, comment pourrais-je en savoir plus long et approfondir tel et tel sujet ? Vois-tu, cela me tourmente continuellement, et puis on se sent prisonnier dans la gêne, exclu de participer à telle ou telle œuvre, et telles et telles choses nécessaires sont hors de la portée. À cause de cela on n’est pas sans mélancolie, puis on sent des vides là où pourraient être amitié et hautes et sérieuses affections, et on sent le terrible découragement ronger l’énergie morale même, et la fatalité semble pouvoir mettre barrière aux instincts d’affection, et une marée de dégoût qui vous monte. Et puis on dit : «  Jusqu’à quand, mon Dieu !  »

Vincent van Gogh, « Le Borinage, juillet 1880 », Lettres à son frère Théo, Gallimard, p. 99.

David Farreny, 15 juin 2009
villes

Dans les mêmes villes à travers les années nous avons marché, la nuit, avec tant de compagnons différents : le soupçon nous en vient qu’il n’est d’autre permanence à espérer qu’en nous-mêmes ; de quelle précaire qualité n’est dès lors que trop évident.

Renaud Camus, « dimanche 21 septembre 1986 », Journal romain (1985-1986), P.O.L., p. 416.

David Farreny, 24 juin 2009
nain

Buter sur une limite, de tête, de cœur, de main, de temps… Toujours revenir à ce constat simple : la vie devrait être un continuel élan libre, et elle est perpétuellement restreinte, tenue à l’étroit par le réel, brimée, voire interdite. Tout rabattre à ras, dès lors, revient à maintenir possible un bonheur nain.

Antoine Émaz, Cuisine, publie.net, p. 32.

Cécile Carret, 2 fév. 2012
seul

Oui, à quel point on se retrouve vite seul à ouvrir une porte de chambre, à ouvrir une fenêtre, à s’engager sur un chemin latéral !

Peter Handke, Par une nuit obscure je sortis de ma maison tranquille, Gallimard, p. 75.

Cécile Carret, 21 juil. 2013
non-chaloir

Tout comme la couche d’air qui nous entoure protège les Terriens contre la continuelle agression cosmique, il existait, il a longtemps existé autour d’eux une couche de non-savoir, de non-chaloir, de non-lire, de non-voyager, qui protégeait leur quiétude d’esprit contre le bombardement tellurique continu des Nouvelles, et qui l’a protégée plus longtemps encore contre celui, plus corrosif encore, des Images. On commence à s’apercevoir, maintenant que notre civilisation la dissipe, que cette couche isolante était vitale. Physiquement, l’homme ne vit pas nu, spirituellement aussi c’est un animal à coquille. Et les effets de ce mortel décapage sont devant nous : érosion continue et intense de toutes arêtes vives, de toute originalité — réduction progressive du refuge central, du for intérieur — contraction frileuse de l’esprit tout entier exposé sur toute sa surface, comme une pellicule fragile, aux bourrasques cinglantes qui soufflent sur lui de partout, irritation à fleur de peau, état de prurit et de gerçure.

Julien Gracq, Lettrines (II), José Corti, p. 66.

David Farreny, 8 juil. 2014
post-it

Puis nous levons le nez et il nous apparaît que tout notre avenir tient sur quelques post-it collés sur un mur.

Éric Chevillard, « lundi 26 mai 2014 », L’autofictif. 🔗

Cécile Carret, 13 sept. 2014
durer

L’enfant est une inhibition active. Il empêche le réveil complet, c’est-à-dire la mort de l’espèce. Les théologiens n’osent pas le dire, mais ils voudraient ce réveil total, entraînant le Jugement logique. L’enfant fait durer. Il n’y a pas plus antithéologique que l’enfant. Il est là aussi pour cacher qu’il n’y a pas eu de rapport sexuel. Tout cela est très clair : si je suis avec une femme et que je n’ai pas eu d’enfants, c’est qu’il y a ou qu’il y a eu rapport sexuel. Si j’ai avec elle des enfants, on peut en douter. On peut se dire en tout cas qu’à un certain moment elle a estimé que ça suffisait comme ça. Elle a déclenché le processus de séparation par l’enfant. L’enfant est le divorce in vivo des parents.

Philippe Muray, « 10 avril 1986 », Ultima necat (II), Les Belles Lettres, p. 46.

David Farreny, 28 fév. 2016
impression

C’est le seul moyen de fuir la société tout en faisant bonne impression, aussi je ne la laisse à personne : la vaisselle.

Éric Chevillard, « mercredi 2 mars 2016 », L’autofictif. 🔗

David Farreny, 3 mars 2016
assaut

L’engagement n’est rien, l’assaut, quotidien, solitaire contre les normes changeantes de toute société est tout.

Philippe Louche, « 18 mai 2020 », Rien (ou presque). 🔗

David Farreny, 26 fév. 2024

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