suspects

Je commence à trouver suspects bon nombre de nos jeunes.

Emil Cioran, « Les limites de la mobilité intérieure », Solitude et destin, Gallimard, p. 241.

David Farreny, 24 juin 2005
nombre

Le petit nombre doit l’emporter subversivement sur la subversion elle-même et sur tous ses dispositifs de misère, de honte et d’inutilité.

Dominique de Roux, Immédiatement, La Table ronde, p. 56.

David Farreny, 1er janv. 2006
surcroît

Est-ce qu’une sonnerie de téléphone ou une mouche ne risquent pas d’arracher quelqu’un à sa lecture au moment précis où toutes les parties constituantes convergent vers l’unité d’une solution dramatique ? Et que se passera-t-il si le lecteur voit son frère, supposons, entrer dans sa chambre pour lui dire quelque chose ? La noble tâche de l’écrivain est gâchée à cause d’un frère, d’une mouche ou d’un téléphone. Pouah, vilaines mouches, pourquoi vous attaquer à une race qui n’a plus de queue pour s’en débarrasser ? Considérons ceci de surcroît : cette œuvre unique et exceptionnelle que vous avez élaborée, ne fait-elle pas partie d’un ensemble de trente mille autres, non moins uniques, qui paraissent chaque année avec régularité ? Détestables parties ! Devons-nous construire un tout pour qu’une parcelle de partie de lecteur absorbe une parcelle de partie de cette œuvre, et encore partiellement ?

Witold Gombrowicz, Ferdydurke, Gallimard, p. 105.

Cécile Carret, 13 mai 2007
vaurien

De tous mes pensionnaires, le cancrelat est le plus inoffensif et le plus irritant. Le cancrelat est un vaurien. Il n’a aucune tenue dans ce monde ni dans l’autre. Plutôt qu’une créature c’est un brouillon. Depuis le pliocène il n’a rien fait pour s’améliorer. Ne parlons pas de sa couleur de tabac chiqué pour laquelle la nature ne s’était vraiment pas mise en frais. Mais ces évolutions erratiques, sans aucun projet décelable ! ce port de casque subalterne et furtif, cette couardise au moment du trépas !

Nicolas Bouvier, Le poisson-scorpion, Payot, p. 103.

Élisabeth Mazeron, 23 avr. 2008
cris

Chacun pousse son petit cri, mais il y a des petits cris de plus en plus sophistiqués.

Jean-Pierre Georges, L’éphémère dure toujours, Tarabuste, p. 8.

David Farreny, 9 juin 2008
sublimé

D’ailleurs, si l’on était rendu instantanément à soi en vérité, qu’il faille éprouver tout d’un coup la douleur que c’est, on n’y survivrait pas. On serait désintégré, sublimé.

Pierre Bergounioux, L’orphelin, Gallimard, p. 100.

Élisabeth Mazeron, 16 juin 2010
grande

Mais ils sont partis, le soleil s’est couché rouge et énorme, et des milliers de chauve-souris sont sorties des sculptures et ont commencé à tournoyer dans le ciel où un gros volcan fumait à toute vapeur. Quelques cerfs-volants bougeaient dans le ciel. Je me suis assis sur un banc de bois d’une des gargotes qui garnissent l’entrée du temple. Des agneaux cherchaient de l’herbe entre les tables. Grande fatigue, grande paix, grand vide. J’ai senti à cet instant combien j’avais vieilli.

Nicolas Bouvier, Il faudra repartir. Voyages inédits, Payot & Rivages, p. 123.

Cécile Carret, 28 juin 2012
rêver

Il fait si froid qu’on ne peut s’arrêter nulle part, ni rêver ; la rêverie est prise dans la marche : une rêverie obstinée, de la pensée, plutôt, à l’état naissant, prête à bondir vers la joie ou la tristesse où elle se défait.

Richard Millet, Eesti. Notes sur l’Estonie, Gallimard, p. 68.

David Farreny, 4 sept. 2012
oh

Oh, dans ma jeunesse, pendant mes années de faculté à Vienne, [l’orgue de Barbarie] ronronnait exactement de la même manière, allumant dans ma jeune âme des rêveries de petites bonnes et d’abominables désirs de mourir.

Dezsö Kosztolányi, Portraits, La Baconnière, p. 137.

Cécile Carret, 22 juin 2013
saurait

Il avait eu très peur, mais sa peur essentielle avait été et était encore d’avoir pu tuer un homme. Il montrait d’une âme égale ses nombreuses blessures, au tibia, à la cuisse, à l’épaule – ne sortant de ses gonds que lorsqu’on en venait, inévitablement, à cet Italien qu’il avait, sur ordre, mis en joue. « J’ai visé au-dessus de sa tête, disait mon père, mais quand j’ai tiré il a sauté en l’air, comme ça, les bras en croix, et ensuite je ne l’ai plus vu. » C’était le seul moment qu’il racontait encore et toujours les yeux écarquillés ; car l’autre continuait toujours, trente, quarante, cinquante après, à sauter en l’air, et jamais on ne saurait avec certitude s’il se laissait retomber ensuite dans sa tranchée ou s’il y était précipité la tête la première.

Peter Handke, Le recommencement, Gallimard, p. 63.

Cécile Carret, 4 août 2013
respect

Ce respect pour des poètes que l’on ne comprend pas et que, malgré tout, l’on veut atteindre, est la source de nos méchantes littératures.

Georg Christoph Lichtenberg, Le miroir de l’âme, Corti, p. 113.

David Farreny, 23 oct. 2014

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