fraise

Ada était un rêve de beauté blanc et noir avec une touche de fraise à quatre endroits, une reine de cœur symétrique…

Vladimir Nabokov, Ada ou l’ardeur, Fayard, p. 447.

David Farreny, 21 mars 2002
moitiés

Par toutes les fibres de son être, bouillant d’une ardeur prête à déborder, Van éprouvait, avec délices, la pression de ce jeune corps qui répondait à chaque cahot du chemin en s’entrouvrant en deux tendres moitiés et en écrasant de son poids le gonflement d’une envie que Van croyait devoir contenir, de crainte que le suintement accidentel d’une sève assouvie n’alertât l’innocence perplexe.

Vladimir Nabokov, Ada ou l’ardeur, Fayard, p. 116.

David Farreny, 22 mars 2002
déplie

Et depuis, chaque jour, ou presque, je me suis découvert de nouveaux sens. Ma vie m’intéresse prodigieusement. Je me relève, je me déplie, je m’étends dans beaucoup de directions. On a été si longtemps assis sur moi…

Valery Larbaud, « Journal intime de A.O. Barnabooth », Œuvres, Gallimard, p. 204.

Élisabeth Mazeron, 14 juin 2006
troussait

Ce bâton en travers d’épaules me parut propre à d’autres proies : j’y crus voir garrotté sous des nylons froids que la posture troussait, au lieu du poil roux celui, tout noir et cru, moussant aux cuisses épaisses de cette garce. Je courais tout à fait, j’en avais le prétexte ; des joncs se brisaient sous mes pieds ; l’air à mes oreilles m’étourdissait ; sortie du bois par une sente infime, toute droite et peut-être effrayante comme Ysengrin le connétable, âpre comme sa louve, elle était là à deux pas de moi debout, telle qu’en courant j’aurais pu la heurter. Elle me parut géante. Je m’arrêtai court.

Pierre Michon, La Grande Beune, Verdier.

Cécile Carret, 21 fév. 2009
tirer

J’ai un tas d’idées pour mon travail et en continuant la figure très assidûment, je trouverai possiblement du neuf.

Mais que veux-tu, parfois, je me sens trop faible contre les circonstances données, et il faudrait être et plus sage et plus riche et plus jeune pour vaincre.

Heureusement pour moi, je ne tiens plus aucunement à une victoire, et dans la peinture, je ne cherche que le moyen de me tirer de la vie.

Vincent van Gogh, « Arles, août 1888 », Lettres à son frère Théo, Gallimard, p. 400.

David Farreny, 2 juil. 2009
poupon

D’où il termine en affirmant que les livres, oui, tous, dit-il, tous les romans qui marchent, toutes les histoires à bons sentiments filmables d’aujourd’hui, excellentes intentions, irréprochable morale, synopsis philanthropes, pourraient se résumer, se traduire, se transcrire sur écran sous la forme, au fond, d’une sorte d’énorme poupon.

Philippe Muray, Postérité, Grasset, p. 91.

David Farreny, 5 déc. 2012
cent

En vérité, c’est une chose peu commune, qu’une forêt de trente lieues de longueur, dont les arbres plantés sur une glace couleur de céladon s’élèvent orgueilleusement jusques aux nues, et conservent malgré la rigueur des hivers leur première verdure. Cette forêt de toutes parts est fermée de roches et de montagnes, qui n’ont rien d’affreux que le nom, chargées de neiges jusqu’à la cime, et de pins, qui dans la diversité de leurs couleurs font le plus doux mélange du monde. Du flanc de ces rochers vous voyez des torrents que la nature a glacés, et tient en l’air suspendus, pour s’être voulu précipiter sans son aveu. Ô la belle chose ! Une forêt se voit en cent endroits ; cent roches se voient sur un torrent ; cent torrents, cent roches et cent montagnes se mirent dans une glace ; et toutes, par une réflexion continuelle des unes aux autres, font voir un paysage et des perspectives, dont la beauté et la naïveté surpassent nos idées.

Antoine François Payen, « Le voyage de Suède », Les voyages de Monsieur Payen dédiés à Monseigneur de Lionne, Étienne Loyson.

David Farreny, 21 avr. 2013
équidistant

L’œil équidistant de la lune quand on se déplace.

Emmanuelle Guattari, Ciels de Loire, Mercure de France, p. 103.

Cécile Carret, 23 sept. 2013
nous

c’est la notion de parler qui fait défaut. c’est la notion d’avoir des relations. c’est la notion d’être. c’est la notion d’en vouloir et d’être. alors qu’on nous a posés là et qu’on n’en bouge pas. c’est tout dedans que ça remue. c’est quelque chose en dedans qui fait son remue-ménage. c’est même pas nous. nous on sait pas qui on est, on serait des nôtres. mais on n’est déjà pas là avec le personnage qui est moi. on n’a rien à voir avec un moi qui écrirait. ni un nous. l’époque est au nous. mais l’époque n’est pas à un nous scientifique. ni à un nous microbien. c’est le nous-nous noué à l’humain. c’est dégueulasse. l’époque dégueule du nous à travers nous. nous ne sommes pas du même bois que ce nous. nous sommes toujours avec le métal. nous sommes avec les vitres et les poutrelles. et nous sommes toujours d’accord avec les microbes et l’électricité. nous sommes profondément envieux du nucléaire. quoi qu’il arrive.

Charles Pennequin, « On n’est pas des écrivains », Pamphlet contre la mort, P.O.L., pp. 130-131.

David Farreny, 11 fév. 2014

mot(s) :

auteur :

rechercher 🔍fermer