descendants

Mes descendants marchent au-dessus de moi.

Nathalie Quintane, Chaussure, P.O.L., p. 107.

David Farreny, 20 mars 2002
intrigue

Moi, je ne sais pas ce qui se passe, je n’ai jamais su ce qui se passait. Certaines personnes, certains livres semblent le savoir, mais ces livres ne m’intéressent pas. Ils ont l’intérêt de la fiction, ils ont une intrigue. Mais je ne crois pas qu’il y ait d’intrigue.

Leonard Cohen, interview.

David Farreny, 22 mars 2002
et

Mon bonheur serait parfait, n’était la fugitive angoisse d’en fouiller le secret pour le retrouver demain et toujours.

Cesare Pavese, Le métier de vivre, Gallimard, p. 83.

David Farreny, 24 mai 2003
entre-deux

La vie : vous croyez n’être pas encore tout à fait, et tout d’un coup vous vous apercevez que vous n’êtes plus entièrement, déjà. Le seul moyen d’habiter cet entre-deux s’appelle sans doute la poésie.

Renaud Camus, « dimanche 14 mars 1993 », Graal-Plieux. Journal 1993, P.O.L., p. 76.

Élisabeth Mazeron, 8 août 2003
discothèque

Aller jusqu’au fond du gouffre de l’absence d’amour. Cultiver la haine de soi. Haine de soi, mépris des autres. Haine des autres, mépris de soi. Tout mélanger. Faire la synthèse. Dans le tumulte de la vie, être toujours perdant. L’univers comme une discothèque. Accumuler des frustrations en grand nombre. Apprendre à devenir poète, c’est désapprendre à vivre.

Michel Houellebecq, Rester vivant, La Différence, p. 14.

Élisabeth Mazeron, 24 sept. 2004
esprit

Et comme la vie et le travail se trouvaient dissociés, on a tiré au cordeau des voies rapides remparées de glissières en acier zingué, connectées au moyen d’échangeurs et de rocades où il vaut mieux éviter de se tromper parce qu’il n’est plus question de faire demi-tour et de recommencer. Le droit à l’hésitation, le goût ténu de liberté ont disparu de la circulation. Elle a pris la fixité d’un destin où il me semble reconnaître, lorsque je me hasarde sur les autoroutes de ceinture, l’esprit désastreux du présent.

Pierre Bergounioux, La fin du monde en avançant, Fata Morgana, pp. 33-34.

David Farreny, 17 oct. 2006
diminués

Les divers insectes carnivores, vus au microscope, sont des animaux formidables, ils étaient peut-être ces dragons ailés dont on retrouve les anatomies : diminués de taille à mesure que la matière diminuait d’énergie, ces hydres, griffons et autres, se trouvaient aujourd’hui à l’état d’insectes. Les géants antédiluviens sont les petits hommes d’aujourd’hui.

François-René, vicomte de Chateaubriand, Mémoires d’outre-tombe (1), Le livre de poche, p. 248.

Guillaume Colnot, 17 mai 2007
ruine

Et même la façon du serveur lui aussi pour le soleil de se tenir en avant de la porte, qu’on s’est dit au revoir quand probablement on ne se reverra pas. Rien d’effrayant, rien.

Ce qui menace vraiment reste invisible. On cherche les signes de la ruine : rien d’autre que nous-même, qui traversons.

François Bon, « Dimanche après-midi, un instant », Tumulte, Fayard, p. 182.

David Farreny, 1er mai 2008
obstacle

Aller à la fenêtre. (Ne pas presser le front contre la vitre ; ça se fait à la rigueur dans ces romans de pacotille où l’on s’agite beaucoup ; en vérité le radiateur y fait obstacle, ou aussi la longue et étroite tablette carrelée ; et d’ailleurs la susdite partie de votre anatomie rougit sous la pression et se salit, c’est tout ce qu’on obtient).

Arno Schmidt, « Sortie scolaire », Histoires, Tristram, p. 131.

Cécile Carret, 2 déc. 2009
scandales

La morale elle-même engendre la Terreur quand, dépeuplant l’univers de tout ce qui n’est pas l’Autre et son ennemi, elle ne rencontre jamais de problèmes ou de dilemmes mais seulement des scandales. « Je ne sais point discuter longuement où je suis convaincu que c’est un scandale de délibérer », disait encore Robespierre dans son discours sur le parti à prendre à l’égard du roi.

Alain Finkielkraut, « La gauche de gauche et les virgules noires », L’imparfait du présent, Gallimard, p. 238.

Élisabeth Mazeron, 9 janv. 2010
allonger

Bien qu’une lettre n’ait rien que l’on puisse qualifier d’étrange, c’est pourtant une chose magnifique. Alors qu’on pense avec anxiété à une personne qui se trouve dans une province éloignée, en se demandant comment elle peut aller, on reçoit d’elle un billet ; à le lire, on éprouve la même impression que si l’on se voyait, tout à coup, en face de son amie. C’est merveilleux.

Quand on a expédié une lettre à laquelle on a confié ses pensées, on se sent l’esprit satisfait, même si l’on songe qu’elle pourrait bien ne jamais arriver à destination. Comme j’aurais le cœur triste, et comme je me sentirais oppressée, si les lettres n’existaient pas !

Lorsque, dans une lettre qu’on veut envoyer à quelque personne, on a écrit en détail toutes les choses que l’on avait en tête, c’est déjà une consolation, bien que l’arrivée de la missive puisse être incertaine. Mais à plus forte raison, quand on reçoit une réponse, la joie que l’on goûte semble capable d’allonger la vie ; en vérité, il est sans doute raisonnable de le croire.

Sei Shônagon, Notes de chevet, Gallimard, p. 245.

David Farreny, 2 juin 2011
panorama

Puis on me mit au lit dans une grande chambre au sommet de la maison, dans un dortoir de douze lits, aux murs revêtus de planches vernies. C’était si haut – on ne voyait, de toutes parts, que le ciel descendre jusqu’en bas des grandes fenêtres – qu’on se serait cru en pleine mer, dans le poste de commandement d’un navire. La neige tourbillonnait dans le vide.

Pour découvrir l’immense panorama il fallait aller sur le balcon, et toute la vallée se déployait alors. Un seul coup d’œil permettait d’être partout à la fois, de savoir bien avant les habitants du village qu’un camion rouge était en train d’arriver ou qu’on faisait traverser la route à un troupeau de vaches dont on entendait de loin les clarines.

Ce fut, dès lors, tous les jours, la même aventure du regard. Pendant les huit ans que je passais dans ce pensionnat appelé Collège Florimontane, je ne m’en lassais pas. Toute la vallée, avec ses pentes, ses maisons, ses habitants, était à la disposition du regard. Tout à la fois, on pouvait voir les gens traverser la place du village et sur la pente, à une demi-heure de marche de là, le fermier en train de rajuster sa barrière autour du potager carré.

Georges-Arthur Goldschmidt, La traversée des fleuves. Autobiographie, Seuil, p. 173.

Cécile Carret, 10 juil. 2011
bord

Sept heures du matin. L’eau vert clair de la piscine frémit comme si des sirènes s’y étaient baignées pendant la nuit. Comme un mystère flotte au-dessus de chaque bassin. Près du bord de la piscine, un Hongrois moustachu, c’est le maître nageur.

Dezsö Kosztolányi, Portraits, La Baconnière, p. 52.

Cécile Carret, 12 juin 2013
malgré

Malgré tout, les cages fournissent, à peu près, un rayon de soleil par barreau.

Baldomero Fernández Moreno, « Air aphoristique », Le papillon et la poutre.

David Farreny, 7 juil. 2015

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