présent

Les promenades dans une ville souffrent de cette imperfection que Proust attribue au présent.

Michel Besnier, Cherbourg, Champ Vallon, p. 11.

David Farreny, 23 mars 2002
volumes

La peau des bêtes est douce aux dos des volumes de la pensée humaine.

Louis Calaferte, Septentrion, Denoël, p. 76.

David Farreny, 24 mars 2002
figurine

Car Anne, pour vivre en moi à l’état de blessure, n’en était pas moins morte, enterrée sous des tonnes de lucidité, définitivement perdue pour la sorte d’homme que j’étais, instruit de la fixité des choses. Anne ne reviendrait pas, elle était loin, maintenant, figée dans la solide statuaire de l’échec, ou, si l’on préfère, figurine tournoyant dans la spirale du désastre, mais, en tout état de cause, face au désistement du présent et de l’avenir, le passé faute de mieux l’aspirait, et je n’avais d’autre effort à fournir que celui, au demeurant notable, de me mouvoir dans le sens contraire.

Christian Oster, Mon grand appartement, Minuit, p. 49.

Élisabeth Mazeron, 23 avr. 2002
écart

Nous avons déjeuné à Montesquieu-Volvestre, assez médiocrement, dans une pizzeria où l’hôtesse était très aimable ; et qui me faisait penser, par son insignifiance tranquille, par son être-là buté, pétri d’absence et de défaut (février, Montesquieu-Volvestre, l’écart, le bout d’une rue secondaire, presque les confins), par sa creuse intensité d’existence, soutenue par rien (un effet de soleil pâle sur deux ou trois feuilles caoutchouteuses, peut-être, à travers le carreau, dans un minuscule jardin intérieur), à certains lieux qui sont décrits, à peine décrits, tout juste touchés en passant par le regard distrait de la phrase, dans les Conversations en Sicile — ce livre est décidément inoubliable : si le chef-d’œuvre s’éprouve au nombre de retours sur lui de la rêverie, en voilà un dont le statut ne fait aucun doute.

Renaud Camus, « mercredi 13 février 2002 », Outrepas. Journal 2002, Fayard, pp. 22-23.

David Farreny, 3 juil. 2005
tête

Jolis moments et contrariétés contribuent inexorablement à nous faire une tête de veau.

Jean-Pierre Georges, Le moi chronique, Les Carnets du Dessert de Lune, p. 78.

David Farreny, 17 juin 2009
oisiveté

Mais le stade est nommé dans l’Écriture, direz-vous ? D’accord ; mais avouez aussi avec moi qu’il est indigne de vous de regarder ce qui se passe dans le stade, les coups de pied, les coups de poing, les soufflets et les mille insolences qui dégradent la majesté de l’homme, image de Dieu. Vous ne parviendrez jamais à approuver ces courses insensées, ces efforts pour lancer le disque, et ces sauts non moins extravagants ; jamais vous ne louerez cette vigueur inutile ou fatale, encore moins cette science qui travaille à nous donner un corps nouveau, comme pour réformer l’œuvre de Dieu. Non, non, vous haïrez ces hommes que l’on n’engraisse que pour amuser l’oisiveté des Grecs.

Tertullien, Contre les spectacles, Vivès.

David Farreny, 28 mars 2011
pend

Un prénom, et parfois moins encore : le souvenir d’un profil contre le jour d’une fenêtre, d’une ombre sur le mur d’une alcôve, d’une ligne sinueuse et chaude un instant suivie du bout paresseusement des doigts, d’un corps plongé dans l’eau d’une glace ancienne, trouble et verdie comme celle de ce miroir qui reflète nos visages. L’écho d’une voix, d’un soupir, des bruits presque imperceptibles et du silence même du long éventail de satin noir que celle-ci gardait attaché à son poignet comme une arme inutile, couvrant, découvrant elle-même toute livrée aux regards, aux mains, ou qu’elle balançait, grand ouvert, au vol frais, sur nous gisant au plus obscur d’une chambre bien défendue contre l’après-midi d’été. Un buste incliné sous une chevelure dont la masse se rassemble brin à brin au contour d’une épaule, glisse avec lenteur le long d’un bras, et pend.

Valery Larbaud, « Aux couleurs de Rome », Œuvres, Gallimard, p. 998.

David Farreny, 12 avr. 2011
déplacement

C’est ainsi que mon foyer devint à cette époque le déplacement, l’attente aux stations et aux gares – le voyage. Les quatre-vingt-dix kilomètres quotidiens ou, avec les parcours à pied, les trois heures d’aller-retour entre le village et la ville formaient un espace de temps qui simultanément constituait, eu égard aux circonstances, mon espace vital. Cela me permettait chaque fois de respirer, d’être enfin à nouveau au milieu de ces personnes pour la plupart inconnues, dont aucune n’avait plus besoin d’être rangée par moi dans une catégorie et qui ne me classaient moi-même dans aucune. Pour le temps du voyage nous n’étions ni riches ni pauvres, ni bons ni mauvais, ni allemands ni slovènes, tout au plus jeunes et vieux – et le soir, lors des retours, j’avais l’impression qu’entre nous l’âge même ne comptait plus. Mais alors qu’étions-nous ? Dans le train sans classes, de simples « voyageurs » ou « passagers », et dans l’autocar – c’était encore plus beau – des « hôtes de voyage », comme dit l’allemand.

Peter Handke, Le recommencement, Gallimard, p. 54.

Cécile Carret, 4 août 2013
vérité

Si cela était vrai, que gagnerions-nous à la fin ? Rien qu’une vérité nouvelle. Nous avons déjà assez d’anciennes vérités à digérer, et même celles-là, nous ne serions tout bonnement point capables de les supporter, si nous ne les rehaussions parfois du goût des mensonges.

Georg Christoph Lichtenberg, Le miroir de l’âme, Corti, p. 252.

David Farreny, 17 déc. 2014
ressassement

Écrire : autojustification, par l’extase, du ressassement.

Richard Millet, « 31 mars 1997 », Journal (1995-1999), Léo Scheer.

David Farreny, 20 avr. 2024

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