circonstances

C’est que nous nous ressemblons un peu tous, mais jamais dans les mêmes circonstances.

Georges Perros, Papiers collés (2), Gallimard, p. 10.

David Farreny, 20 mars 2002
courage

Et malgré tout ce bonheur qui nous entoure, qui nous fait signe, quelqu’un, un jour, a osé parler du courage de vivre. Quelqu’un, un jour, s’est suicidé. […] Tous les charmes que dispensent l’écoulement des jours, et les jeux proposés ici-bas, rien ne résiste à l’ennui, à la fatigue, à l’usure de notre sensibilité. Le temps d’aménager en hâte notre intérieur, et déjà la cloche sonne. Il faut partir. Tout laisser, tout perdre, cette femme que l’on a aimée, cette nature qui nous a bouleversé. Comment ne pas comprendre les milliers d’à quoi bon qui éclatent et s’évaporent dans l’indifférence de l’espace.

Georges Perros, Papiers collés (1), Gallimard, p. 28.

David Farreny, 13 avr. 2002
fautes

Le vieux Rousseau, notre voisin, dit « Les médecins, la terre cache leurs fautes. »

Henri Thomas, Londres, 1955, Fata Morgana, p. 27.

David Farreny, 13 avr. 2002
possibilité

Reste la possibilité d’aller faire un tour dans le jardin qui est un espace à trois côtés, herbu, pentu, bombé comme un triangle de fille.

Jean Echenoz, Ravel, Minuit, p. 65.

Guillaume Colnot, 26 avr. 2006
solipsiste

Il y a dans l’amoureux un solipsiste dépité.

Richard Millet, L’amour mendiant, La Table ronde, p. 43.

David Farreny, 5 déc. 2007
pigeon

Le pigeon, pourtant.

Le pigeon couard, fourbe, sale, fade, sot, veule, vide, vil, vain.

Jamais émouvant, profondément inaffectif, le pigeon minable et sa voix stupide. Son vol de crécelle. Son regard sourd. Son picotage absurde. Son occiput décérébré qu’agite un navrant va-et-vient. Sa honteuse indécision, sa sexualité désolante. Sa vocation parasitique, son absence d’ambition, son inutilité crasse.

Jean Echenoz, Des éclairs, Minuit, p. 142.

Guillaume Colnot, 19 oct. 2010
airs

Le géant charge donc l’arbre sur son épaule, tandis que le rusé petit tailleur dans son dos s’assoit à califourchon sur une branche. Puis il se met à plaisanter, à parler de choses et d’autres, à chantonner. Il sifflote des airs du métier, Trois Tailleurs s’en vont chevauchant, La Femme du drapier, J’ai raté mon ourlet, Une boutonnière hop là ! deux boutonnières, L’Aiguille et la bobine, Rapièce, mon gars, Pauvre tailleur, Suzon, t’assieds pas sur mes épingles, Fil blanc fil noir, comme s’il se jouait de l’effort et que ce fardeau ne pesait rien.

— On pose ? demande parfois le géant d’une voix qui s’altère.

— Poser quoi ? Continuons !

Et d’entonner La Complainte du dé à coudre.

— On pose ?

— Pourquoi donc ? Continuons !

Et d’entonner Rien n’est beau comme un col en loutre.

— On pose ?

— Nous n’y sommes pas encore, continuons !

Et d’entonner Mon velours et ta flanelle.

Éric Chevillard, Le vaillant petit tailleur, Minuit, p. 68.

Cécile Carret, 25 avr. 2011
pointe

À dix-huit, dix-neuf ans, l’espace d’une seconde, Musil aperçoit sa mère nue. Ça lui reste. Il nous reste ainsi des fentes d’existence, longues à mourir, à vivre, c’est la même chose, que nous portons, dont nous portons le négatif en nous, sans le savoir, puis, grâce à une répétition — mais sans aucun rapport avec la vision initiale, sinon de rappel —, nous voilà comme en écho direct avec ce qu’on ne savait pas avoir vu à ce point.

Georges Perros, « Notes de résistance », Papiers collés (3), Gallimard, p. 174.

David Farreny, 27 mars 2012
simples

La photographie au Japon est extraordinaire. Il pose devant moi un paquet de photos japonaises. Regardez comme elles sont modestes, simples et ingénieuses. Ici, vous avez un arbre tout seul.

Dezsö Kosztolányi, Portraits, La Baconnière, p. 98.

Cécile Carret, 22 juin 2013
élu

Mais cela n’était possible qu’avec de la distance, et nous dilapidâmes cette distance si nécessaire, moi peut-être dans l’exubérance du réveil, et lui peut-être dans l’exubérance d’une découverte dont il n’avait pas osé rêver jusque-là. Mais peut-être était-ce aussi que je ne supportais pas, à la longue, de me croire élu. J’étais littéralement contraint à détruire l’image qu’il s’était faite de moi, aussi conforme qu’elle fût à mon intériorité la plus profonde. Je voulais sortir de son champ de vision. J’avais la nostalgie de la vie cachée que j’avais menée les seize années précédentes, dissimulé dans la lointaine cavité bleue de mon pupitre où personne ne pouvait avoir aucune opinion de moi, aussi haute qu’elle fût – et justement mieux et plus agréablement cachée que jamais, maintenant que quelqu’un m’avait de si près connu. Passer, au-delà d’un instant précis, pour un modèle ou même une merveille, et non pas aux yeux des autres, mais à ses propres yeux, c’est ce qui était insupportable ; j’étais emporté par le désir de disparaître dans les contradictions.

Peter Handke, Le recommencement, Gallimard, p. 33.

Cécile Carret, 3 août 2013
idée

Toute idée féconde tourne en pseudo-idée, dégénère en croyance. Il n’est guère qu’une idée stérile qui conserve son statut d’idée.

Emil Cioran, « Le mauvais démiurge », Œuvres, Gallimard, p. 711.

David Farreny, 28 fév. 2024

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