fonds

Est-ce moi, tous ces visages ? Sont-ce d’autres ? De quels fonds venus ?

Henri Michaux, « Passages », Œuvres complètes (2), Gallimard, p. 320.

David Farreny, 13 avr. 2002
avant

Tout se mélange. Il n’y a pas la vie d’un côté, la mort de l’autre. Il n’y a pas ici la raison, et la folie sur cette autre rive, en face, bien séparée. Il n’y a même pas la santé, qui un beau jour s’arrêterait d’un coup, pour faire place à la maladie. Très avant dans le territoire du chagrin, le bonheur a encore ses enclaves, ses bons moments, ses rémissions.

Renaud Camus, Vie du chien Horla, P.O.L., p. 111.

David Farreny, 28 juin 2003
carabes

Quant aux insectes, leurs formes, couleurs, contact, mouvements sont ceux de petits jouets très perfectionnés, amoureusement peints, de menus automates. Lorsqu’on les tire, l’hiver, des troncs d’arbres abattus, plus ou moins vermoulus où ils ont cherché refuge, ils sont engourdis au point de rester sans mouvement lorsque la lumière, subitement, les atteint. On n’a pas tant l’impression de traquer des êtres vivants, des carabes, surtout, que de voler des gemmes, des pièces d’or dans les coffres fracturés du bois.

Pierre Bergounioux, Chasseur à la manque, Gallimard, p. 39.

Cécile Carret, 14 avr. 2010
incréée

Une figure pédantesque, incréée, marchait parmi les ombres qui environnaient mon père et qui s’ingénièrent à lui dérober, presque, le monde des vivants, la lumière du soleil. Il ne s’est pas soucié de me les présenter. La contrariété, l’ennui consubstantiels à mes jeunes années en auraient été éclaircis. Le grès embouti, les schistes pliés, l’espèce de sinistre où je me trouvais pris n’auraient pas été moins fâcheux. Mais ç’aurait été normal, me sachant autre, en pays étranger.

Pierre Bergounioux, Le premier mot, Gallimard, p. 23.

Élisabeth Mazeron, 5 mai 2010
afflux

Car il y avait un si long temps que j’avais goût de ce poème, et ce fut tel sourire en moi de lui garder ma prévenance : tout envahi, tout investi, tout menacé du grand poème, comme d’un lait de madrépore ; à son afflux, docile, comme à la quête de minuit, dans un soulèvement très lent des grandes eaux du songe, quand les pulsations du large tirent avec douceur sur les aussières et sur les câbles.

Saint-John Perse, « Amers », Œuvres complètes, Gallimard, p. 263.

Guillaume Colnot, 3 avr. 2013
plein

AGATHE – Mais y en a plein qui sont jamais nés !

MOI – Qui ? Quoi… ?

AGATHE – Des gens.

Éric Chevillard, « mercredi 19 mars », L’autofictif. 🔗

Cécile Carret, 19 mars 2014
lire

On vous reproche de lire trop, les femmes en particulier. On ne vous reproche jamais, si vous êtes par exemple danseur, de trop vous entraîner (douze heures par jour). La lecture doit être une occupation furtive, secondaire, quelques pages le soir. Sinon c’est de l’arrogance. Tout le monde peut (croit qu’il peut) lire. Donc ceux qui lisent plus que la moyenne insultent la majorité qui ne lit que dans les ultimes titubations préparatoires au sommeil. Le reproche de lire trop est une plainte de l’égalitarisme. Un cri de ressentiment de la créature indifférenciée blessée.

Philippe Muray, « 10 avril 1984 », Ultima necat (I), Les Belles Lettres, pp. 443-444.

David Farreny, 23 août 2015
convenu

C’était convenu entre eux, l’hôte accueillerait l’hôte. Ils se rencontrèrent à mi-chemin avec leurs valises.

Éric Chevillard, « vendredi 23 novembre 2018 », L’autofictif. 🔗

David Farreny, 28 fév. 2024
intersection

Tous deux mentent allègrement ; à l’intersection de ce qu’ils ne se disent pas sur leurs désirs incompatibles, l’enfant paraît.

Philippe Muray, « 24 février 1990 », Ultima necat (III), Les Belles Lettres, p. 299.

David Farreny, 29 fév. 2024
sûr

Le plus sûr garde-fou contre le suicide, c’est la haine du changement.

Olivier Pivert, « Misonéisme et homicide de soi-même », Encyclopédie du Rien. 🔗

David Farreny, 18 mars 2024

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