personne

Car tous les éléments ont trouvé leur défenseur, à l’exception de la terre : celle-ci, personne ne l’a adoptée.

Aristote, De l’âme, Vrin, p. 24.

David Farreny, 22 mars 2002
préférez

Parfois on rencontre un immense précipice, mais au-dessus il y a un peu de terre, sur quoi même on bâtit. À Quito, il y a ainsi deux longues quebradas, six mètres de terre superficielle et trente mètres de précipice. Quand il pleut on arrête les tramways et on regarde la terre qui plie. Ça tiendra peut-être encore quelque temps.

Parfois dans une rue, vous entendez un bruit lointain mais net d’eau furieuse ! Vous ne voyez d’abord rien. Vous êtes près d’un petit trou. Machinalement vous prenez un petit caillou et vous le lancez. Il faut, pour entendre le bruit, tellement de secondes que vous préférez partir. Vous vous sentez pris par le dessous, tous vos pas auscultent, vous murmurez en vous d’un ton terne et bête :

Le plancher des vaches… le plancher des vaches…

Henri Michaux, « Ecuador », Œuvres complètes (1), Gallimard, p. 186.

David Farreny, 23 mars 2002
s’ennuyer

De retour chez lui, il monte dans sa chambre, tire les rideaux, se glisse dans son lit, éteint la lumière. Cette nuit encore, ses rêves seront fabuleux. Assez des vieilles histoires de famille et de leurs pauvres variantes œdipiennes, de la nostalgie rancunière, des visites répétées du grand-père défunt et autres apparitions nocturnes du boulanger quotidien. Il n’y a vraiment aucune raison de s’ennuyer en dormant.

Éric Chevillard, Un fantôme, Minuit, p. 105.

David Farreny, 24 mars 2002
simples

Je me souviens qu’à l’âge de dix-sept ans, alors que j’exprimais des opinions contradictoires et perturbées sur le monde, une femme d’une cinquantaine d’années rencontrée dans un bar Corail m’avait dit : « Vous verrez, en vieillissant, les choses deviennent très simples. » Comme elle avait raison !

Michel Houellebecq, Extension du domaine de la lutte, Maurice Nadeau, pp. 109-110.

David Farreny, 24 mars 2002
problème

Tout est réalisable ici, tout tend à être réifié, à être présent. Patrie de la foi. Le danger de la mescaline est la foi, la foi insensée, immédiate, totale qu’elle donne, la foi qui surprend tellement les visiteurs lorsqu’ils entendent des aliénés « ce n’est pas possible qu’ils aient la foi dans leurs absurdités », la foi, mais c’est précisément le problème le moins problème. Qu’est-ce qui après l’expérience de la mescaline paraît plus naturel que la foi ? La folie est un département de la foi.

Henri Michaux, « L’infini turbulent », Œuvres complètes (2), Gallimard, p. 893.

David Farreny, 15 fév. 2004
flambée

Le mariage n’est qu’une soudaine flambée de vieillesse.

Dominique de Roux, Immédiatement, La Table ronde, p. 45.

David Farreny, 1er janv. 2006
déborde

Tout va très vite. Nous ne pouvons compter ni sur les choses, ni sur les paysages, ni même sur nos attentes et nos pensées. Nous ne goûterons pas la douceur des permanences, la quiétude qui sourd de ce qui déborde et conforte notre brève saison. À peine commençait-on à se familiariser avec le visage du monde qu’il s’altère et s’évanouit. Un autre le remplace qui ne lui ressemble pas et dont on pressent, déjà, l’abolition prochaine.

Pierre Bergounioux, La fin du monde en avançant, Fata Morgana, p. 15.

David Farreny, 17 oct. 2006
malgré

Je suis persuadé qu’à un niveau profond de vérité, tous ceux qui écrivent fantasment selon les mythes du “grand écrivain” — c’est inévitable. Mais parce que cela est vrai en profondeur, vaguement, inconsciemment, ce ne l’est pas pour autant à la surface, clairement, intellectuellement — pas plus que le « On écrit pour être aimé » de R.B. : phrase que les idiots, à juste titre, trouvent idiote, et dont ils estiment qu’elle ne peut concerner que les imbéciles, alors qu’en fait elle est très vraie, mais vraie seulement au troisième ou quatrième niveau de profondeur, et fausse comme vérité de surface (sauf pour quelques imbéciles, justement ; moi j’écris pour n’être pas aimé, superficiellement, et, plus profondément (ou moins superficiellement), pour être aimé malgré toutes les raisons qu’il y a (que je donne) de ne pas m’aimer (le seul amour qui vaille est l’amour malgré (l’autre, c’est trop facile))).

Renaud Camus, « jeudi 24 juin 1976 », Journal de « Travers » (1), Fayard, p. 604.

David Farreny, 11 oct. 2007
détache

Le plus intéressant dans cette histoire, c’étaient les lieux. La campagne est magnifique, en ce moment ; et même cette terrasse de Mauvezin, dans sa paisible insignifiance, son Dasein insinuant, tout de vacance, un dimanche fait espace, du rien fait air… J’imagine que la perversion commence quand les balustrades se mettent à produire plus d’effet sur vous que les corps, les ciels que les visages, les feuillages que les queues… À moins que ce ne soit le grand âge ? Ou bien encore la sagesse, le détachement ? Programme d’une vie : je me détache. Programme d’une mort ?

Renaud Camus, « dimanche 23 août 1998 », Hommage au carré. Journal 1998, Fayard, p. 244.

Élisabeth Mazeron, 28 avr. 2010
or

Tu peux épingler huit cent sept papillons ; mais pas le vol d’un seul.

Or j’ai deux paupières.

Éric Chevillard, Le désordre azerty, Minuit, p. 73.

Cécile Carret, 10 fév. 2014

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