oxydation

— Pourriture, décomposition, dit Hans Castorp, n’est-ce pas là combustion, combinaison avec l’oxygène, autant que je sache ?

— Très juste. Oxydation.

— Et la Vie ?

— Aussi. Aussi, jeune homme. Aussi de l’oxydation.

Thomas Mann, La montagne magique, Fayard, p. 306.

David Farreny, 3 juin 2007
rapport

Jules Renard et Fernando Pessoa sont morts à l’âge que j’ai aujourd’hui. Vous ne voyez pas le rapport.

Jean-Pierre Georges, Le moi chronique, Les Carnets du Dessert de Lune, p. 54.

David Farreny, 17 juin 2009
même

Lire est terrible !

Quand j’entends d’un héros qui se dispose à penser : « … il plissa son front, et pressa ses lèvres avec gravité… » – je sens aussitôt mon visage, devant, se déformer de cette même grimace cogitative ! Ou : « … un sourire altier joua avec le coin droit de sa bouche… » – mon Dieu, je passe alors pour un sot ; car je serais bien incapable de produire tel ineffable sourire altier, et encore moins avec le seul coin de ma bouche ; encore un don que le destin m’a refusé.

Arno Schmidt, « Que dois-je faire ? », Histoires, Tristram, p. 75.

Cécile Carret, 22 nov. 2009
incréée

Une figure pédantesque, incréée, marchait parmi les ombres qui environnaient mon père et qui s’ingénièrent à lui dérober, presque, le monde des vivants, la lumière du soleil. Il ne s’est pas soucié de me les présenter. La contrariété, l’ennui consubstantiels à mes jeunes années en auraient été éclaircis. Le grès embouti, les schistes pliés, l’espèce de sinistre où je me trouvais pris n’auraient pas été moins fâcheux. Mais ç’aurait été normal, me sachant autre, en pays étranger.

Pierre Bergounioux, Le premier mot, Gallimard, p. 23.

Élisabeth Mazeron, 5 mai 2010
ordinaireté

Je tourne en vain autour d’un souvenir très flou, peut-être imaginaire, d’une terrasse en Périgord, un jour d’hiver — mais c’était peut-être au printemps : il suffit que ce ne soit pas pendant la saison. Ici, dans le parc, les jardiniers taillent les haies. Il fait assez frais, mais très beau. Marcher sur la terrasse, au-dessus du viale, entre la villa et ma maison, leurs travaux d’un côté, donc, et de l’autre la ville… Il n’y a pas dans l’année d’époque moins touristique, à Rome. On n’aperçoit pour ainsi dire pas d’étrangers, le long des rues. Ce silence, cette lenteur, cette tranquillité, cette merveilleuse ordinaireté de la beauté, ce pourrait donc être la vraie vie ? Un jour si beau être cette chose si rare, un jour comme un autre ?

Renaud Camus, « mardi 3 février 1987 », Vigiles. Journal 1987, P.O.L., p. 42.

David Farreny, 9 oct. 2010
meubles

J’habite à Blège, m’a-t-il dit, à quinze kilomètres d’ici. Je suis en vacances mais je ne pars pas. Je viens d’apprendre que je suis recalé au bac. (Il a fait un geste de la main.) Je sais. J’ai une vieille histoire avec ça.

Il ne l’avait visiblement pas dit à tout le monde. J’appréhende de rentrer chez moi, a-t-il enchaîné. Je me sens nul, vous voyez ? Oui, ai-je dit, je vois, mais ça n’a rien de honteux. Je l’ai raté aussi, à l’époque.

Il avait l’air extrêmement songeur. Comme s’il revoyait passer devant ses yeux l’entièreté d’une matière. J’ai pensé à la géographie, qui n’a jamais été mon fort. Je lui ai demandé s’il vivait seul. Oui. Pas d’enfants ? Non. Il avait tout de même peur de rentrer chez lui. C’était presque pire. Une sorte d’effet de miroir, ou de mise en relief. Il m’a parlé de ses meubles. Il craignait de retrouver ses meubles. Je lui ai demandé, un peu pour causer, si ses meubles avaient quelque chose de spécial. Je ne crois pas, a-t-il dit. Mais il faudrait que j’en change. Il s’est fait un silence, ici, et je lui ai dit que je comprenais.

Christian Oster, Rouler, L’Olivier, pp. 15-16.

David Farreny, 22 sept. 2011
clarté

En rentrant chez moi, nuit claire, conscience nette de ce qui est pure insensibilité en moi et qui, dans cette même mesure, est doué d’une grande clarté qui se répand entièrement sans rencontrer d’obstacles.

Franz Kafka, « Journaux », Œuvres complètes (3), Gallimard, p. 331.

David Farreny, 28 oct. 2012
ajourne

Ajourne toute chose. On ne doit jamais faire aujourd’hui ce qu’on peut aussi bien négliger de faire demain.

Fernando Pessoa, « 147. De l'art de bien rêver », Le livre de l’intranquillité (1), Christian Bourgois.

David Farreny, 10 mai 2024
éclat

Et c’est un vrai printemps qui est venu, terriblement jeune. Il resplendit avec trop d’éclat pour nos yeux.

Sigismund Krzyzanowski, Rue Involontaire, Verdier, p. 22.

Cécile Carret, 12 mai 2024

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