L’araignée royale détruit son entourage, par digestion. Et quelle digestion se préoccupe de l’histoire et des relations personnelles du digéré ? Quelle digestion prétend garder tout ça sur des tablettes ?
Henri Michaux, « La vie de l’araignée royale », Œuvres complètes (1), Gallimard, p. 445.
Nous avons tenu, et la création avec nous, dans la paume tiède, brunie, d’une main dont l’empan n’excédait pas outre mesure le nôtre. Nous avons habité un monde dont les bords, en se relevant, nous épargnaient le vertige des grandes étendues, avec son contre-coup, l’exiguïté sentie de nos embrassements, la tragique finitude de notre condition, son goût douceâtre de néant.
La connaissance vient après, à supposer qu’elle vienne jamais. Elle n’est pas exactement un mal mais elle s’y rapporte. Elle sert à remédier à ce qui, soudain, ne va plus.
Pierre Bergounioux, Le fleuve des âges, Fata Morgana, pp. 10-11.
On ne peut jamais aller chez personne. Aussi ne peut-on aimer que la montagne, la mer et la musique.
Emil Cioran, « Personne n’existe », Solitude et destin, Gallimard, p. 409.
Le tourisme se détruit lui-même. C’est là la règle générale.
Renaud Camus, Le département de la Lozère, P.O.L., p. 32.
L’atmosphère ressemblait à une haleine, pour un peu on aurait cru voir le crépuscule, dans la même lumière inchangée depuis toujours ; ce fut la tombée de la nuit sur le rivage sans terre et les reflets sans provenance. La nuit bord à bord avec le niveau de la mer. Car tout cela finit par s’imposer sans être jamais prouvé ; le phénomène se déroule et personne ne consacre des heures de veille à l’étudier, ce qui serait bien vain — mais l’espérance d’un résultat précis, d’une preuve rongée et dissoute déjà…
François Rosset, L’archipel, Michalon, pp. 46-47.
toute cigarette finit au cendrier
toute marée se meurt sur la dent du rocher
tout spectacle s’éteint
dans le fracas des strapontins
et même ton souvenir qui s’arme dans cet écrit
finira lui aussi dans la chaleur de l’Incendie
William Cliff, « La Coruña », Marcher au charbon, Gallimard, p. 68.
Seul le chien porte l’attente au niveau de la mystique.
Jean-Pierre Georges, L’éphémère dure toujours, Tarabuste, p. 63.
Pour manger frais ton pain rassis, fais un petit effort de mémoire.
Éric Chevillard, « mercredi 17 décembre 2014 », L’autofictif. 🔗
Le fou secouait la cloche pour la débarrasser de tout ce bruit.
Éric Chevillard, « mardi 14 juin 2016 », L’autofictif. 🔗