résistance

Or rien de tout cela, j’en suis maintenant persuadé, n’est l’effet d’accidents, de malveillance ou de malchances ponctuelles. Non, c’est écrit. C’est écrit dans mon tempérament, dans ce qui fait mes rapports avec la réalité, dans les limites de mes talents ; comme sont écrites aussi, heureusement, une curieuse obstination, qui fait mon infortune, sans doute, mais qui fait aussi ma résistance à ses piques : une inlassable curiosité du monde ; une splendide obsession sexuelle ; et une paradoxale joie de vivre.

Renaud Camus, Aguets. Journal 1988, P.O.L., p. 351.

Élisabeth Mazeron, 19 août 2005
coffre

Quand le coffre s’ouvre, il emporte ma main avec lui.

Nathalie Quintane, Remarques, Cheyne, p. 11.

David Farreny, 27 août 2006
reflètent

Mardi – Les vitres teintées de l’immeuble de bureaux A reflètent les vitres teintées de l’immeuble de bureaux B. Les employés de l’immeuble A se regardent-ils travailler dans le reflet tendu ? Le métro aérien trouble-t-il les sosies qu’il sépare ? Subtil décalage des passagers inattentifs, bientôt assis et attablés de même.

Anne Savelli, Fenêtres. Open space, Le mot et le reste, p. 13.

Cécile Carret, 21 juil. 2008
égaré

Égaré dans ces images de maisons basses et d’étoiles, j’aperçus tout à coup un avion – un garçon, les bras tendus en ailes, vrombissant comme un supersonique, qui tournait, virevoltait, atteignit une petite place, devint automobile, gronda, actionna ses leviers, saisit son volant, fit, d’une grosse voix muée, rugir son moteur et, les poings en pare-choc, freina brusquement devant une autre voiture pour pisser contre.

Tony Duvert, Journal d’un innocent, Minuit, p. 22.

Cécile Carret, 6 déc. 2008
donnez

Il en est qui trouvent ça beau ; moi, la seule réaction que m’inspirait la majesté répugnante de la ligne des Alpes était un haussement d’épaules : trop de Stifter ! Même les fines étincelles jetées de loin en loin par les parois bleu vert n’arrivaient pas à me convaincre : donnez-moi un paysage plat, avec de vastes horizons (ici on est coincé comme dans un sac en papier !).

Arno Schmidt, « Continents déplacés », Histoires, Tristram, p. 65.

Cécile Carret, 22 nov. 2009
travaille

— Mais moi monsieur, je travaille !

— Bien sûr, que pourriez-vous faire d’autre…

Jean-Pierre Georges, L’éphémère dure toujours, Tarabuste, p. 73.

David Farreny, 27 juin 2010
illimitation

Il est étrange de penser que ce qui fut, durant deux siècles, la souffrance de l’ère industrielle, la vibration puissante et grave des machines, ébranlant jusqu’à le ruiner le corps des travailleurs, est devenue la réjouissance des oisifs. Le pire est peut-être la cadence invariable des coups portés, l’égalité de la hauteur de la vibration, le bruit sourd et toujours identique, sans modulation, comme un symbole de l’illimitation du mal, ce qui se répète et qui ne change pas, comme un glas infernal et infini.

Jean Clair, « Agressions », Journal atrabilaire, Gallimard, p. 26.

David Farreny, 21 mars 2011
infiltrer

Il se blottissait contre elle le soir sur la natte. Ils regardaient la lune par la fenêtre. Elle restait froide, le dos tourné. Lui éprouvait un sentiment cotonneux, d’une mollesse épouvantable. Alors ils ne prononçaient plus un mot, et c’était comme si quelque chose de la mort, quelque chose du moins relevant de notre misère à tous, était venu rôder là sur leur natte et s’infiltrer dans l’interstice suave, trop suave, de leurs corps enlacés.

Julien Péluchon, Pop et Kok, Seuil, p. 37.

Cécile Carret, 9 mars 2012
réponses

car personne ne sait vraiment le savoir. tout le monde a la science à chacun. mais que savoir du savoir et pour quoi faire ? pourquoi ne pas se suicider tout de suite, après tout ? je n’ai aucune réponse à la vie. toutes les vies sont des réponses, mais il n’y en a aucune de bonne. car il n’y a pas de question.

Charles Pennequin, « Il n’y a jamais eu d’avancée… », Pamphlet contre la mort, P.O.L., pp. 124-125.

David Farreny, 11 fév. 2014
seuil

Au seuil d’une belle journée et ainsi jusqu’au soir sans même la voir décliner, demeurant sur son seuil infranchissable. Constatation familière.

Jean-Luc Sarré, Ainsi les jours, Le Bruit du temps, p. 179.

David Farreny, 30 juin 2014
épilogues

À vrai dire, ma vie était criblée d’amis et de femmes perdus de vue. Certains avaient, sans doute, des choses réelles à me reprocher. D’autres s’étaient éloignés, tout simplement, sans même y penser, comme une planète s’éloigne d’une autre, emportée par d’imperceptibles gravitations. Dans la plupart des cas, ce n’est pas tant le manque de tel ou telle qui me troublait que tous ces vécus dévalués par leurs épilogues. J’aurais souhaité, dans mes relations, plus d’invariants. Certes, l’amitié et l’amour impliquent, je le sais, un échange entre deux êtres. Mais l’idée d’échanger a quelque chose de décevant. C’est une idée qui s’apparente trop à l’économie, pas assez à la foi. J’aurais sincèrement aimé connaître des liens sous un mode désintéressé et unilatéral. Mais la vie en société m’apparaissait rétrospectivement sous un jour atrocement contractuel.

Pierre Lamalattie, 121 curriculum vitæ pour un tombeau, L’Éditeur, pp. 65-66.

David Farreny, 20 fév. 2015
tréfonds

Il y a pourtant tout ce qui piaffe au tréfonds d’une cellule bétonnée connue-inconnue de soi seul.

Jean-Pierre Georges, « Bonheur à suivre », Aucun rôle dans l’espèce, Tarabuste, p. 59.

David Farreny, 29 juil. 2016

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