courage

Et malgré tout ce bonheur qui nous entoure, qui nous fait signe, quelqu’un, un jour, a osé parler du courage de vivre. Quelqu’un, un jour, s’est suicidé. […] Tous les charmes que dispensent l’écoulement des jours, et les jeux proposés ici-bas, rien ne résiste à l’ennui, à la fatigue, à l’usure de notre sensibilité. Le temps d’aménager en hâte notre intérieur, et déjà la cloche sonne. Il faut partir. Tout laisser, tout perdre, cette femme que l’on a aimée, cette nature qui nous a bouleversé. Comment ne pas comprendre les milliers d’à quoi bon qui éclatent et s’évaporent dans l’indifférence de l’espace.

Georges Perros, Papiers collés (1), Gallimard, p. 28.

David Farreny, 13 avr. 2002
sagesse

La sagesse n’est pas venue, dit Pollagoras. La parole s’étrangle davantage, mais la sagesse n’est pas venue.

Henri Michaux, « La vie dans les plis », Œuvres complètes (2), Gallimard, p. 233.

David Farreny, 14 avr. 2002
performatif

Je-t-aime est sans nuances. Il supprime les explications, les aménagements, les degrés, les scrupules. D’une certaine manière — paradoxe exorbitant du langage —, dire je-t-aime, c’est faire comme s’il n’y avait aucun théâtre de la parole, et ce mot est toujours vrai (il n’a d’autre référent qua sa profération : c’est un performatif).

Roland Barthes, Fragments d’un discours amoureux, Seuil, p. 176.

Élisabeth Mazeron, 19 déc. 2009
gazon

35. Sujets de poésies

La capitale. La puéraire. La bardane d’eau. Le poulain. La grêle. Le bambou nain. La violette à feuilles rondes. Le lycopode. L’avoine d’eau. La sarcelle. Le canard mandarin. Les massettes poussées çà et là, en automne. Le gazon. La liane verte. Le poirier. Le jujubier. Le « visage du matin ».

Sei Shônagon, Notes de chevet, Gallimard, p. 92.

David Farreny, 12 avr. 2011
déférence

Souvent, le soir, j’allais passer quelques heures agréables chez [mes petites élèves] ; leurs parents (le fermier et sa femme) me comblaient d’attentions. C’était une joie pour moi d’accepter leur simple hospitalité et de la payer par une considération et un respect scrupuleux pour leurs sentiments, respect auquel on ne les avait peut-être pas toujours accoutumés, et qui les charmait et leur faisait du bien, parce qu’étant ainsi élevés à leurs propres yeux, ils voulaient se rendre dignes de la déférence qu’on leur témoignait.

Charlotte Brontë, Jane Eyre ou les mémoires d’une institutrice, FeedBooks.

Cécile Carret, 11 nov. 2011
approche

Des lapins mystérieux qui filent en fusée dans les taillis brumeux annoncent l’approche du soir et la forêt allemande.

Nicolas Bouvier, Il faudra repartir. Voyages inédits, Payot & Rivages, p. 41.

Cécile Carret, 18 juin 2012
comme

Perdre la parole, c’était comment ? C’était comme parfois dans les rêves où on doit courir, fuir, ou, mieux encore, sauver quelqu’un, quelqu’un de très proche, le sortir de l’eau, du feu, de l’abîme, l’arracher à la bête, aux griffes du démon, et on ne bouge pas de place, lourd comme un sac de pierre.

Peter Handke, Par une nuit obscure je sortis de ma maison tranquille, Gallimard, p. 68.

Cécile Carret, 21 juil. 2013
courir

Dans les rues, cette manie de courir, importée d’Amérique. Pour rester en forme, prétend-on. Mais il n’y a que les enfants qui courent naturellement. Ou les voleurs que l’on poursuit. Un adulte qui court, court après son enfance, ou, pire encore, se sent poursuivi par elle.

Jean Clair, Lait noir de l’aube, Gallimard, p. 97.

Guillaume Colnot, 25 sept. 2013
chevillard

CHEVILLARD : Boucher d’abattoir qui vend sa viande en gros ou demi-gros, prétend le dictionnaire, c’est mal me connaître : je vends très peu, toujours au détail. Vraiment, on se demande parfois quels historiographes incultes ou négligents se chargent de rédiger les notices consacrées aux grands hommes.

Éric Chevillard, Le désordre azerty, Minuit, p. 167.

Cécile Carret, 9 mars 2014
dissous

Ce qui coule, avec les larmes, ce sont les nerfs dissous par la pitié de soi.

Jérôme Vallet, « Il se dit que si la porte était fermée, il aurait plus chaud », Georges de la Fuly. 🔗

David Farreny, 18 mars 2024
manège

Quelle que soit la cause du choc violent qu’il a enduré, le mélancolique souffre d’un ralentissement de son être, infirmité handicapante pour participer pleinement au manège social, sans doute, mais propice à en contempler avec clarté et distinction les rouages, les péripéties, les ridicules, le tragique, et, parfois, à le décrire. Le joyeux, dont la conscience s’oublie dans le présent, ne peut mettre la réalité à distance de son regard alors qu’elle s’offre aux yeux du mélancolique, en proie aux instants qui s’éternisent, comme un spectacle étrange et, néanmoins, jamais surprenant.

Frédéric Schiffter, « préface », Le charme des penseurs tristes, Flammarion.

David Farreny, 4 mai 2024

mot(s) :

auteur :

rechercher 🔍fermer