plein

Les Cétonidés aiment le plein midi.

Pierre Bergounioux, Le Grand Sylvain, Verdier, p. 26.

David Farreny, 22 mars 2002
reposer

Il faut choisir : se reposer ou être libre.

Thucydide.

David Farreny, 23 mars 2002
placide

Enfin, je me rappelle la satisfaction et la quiétude, je dirais presque le placide bonheur, que procure au milieu de la nuit la perception assourdie de la trépidation des machines et du froissement de l’eau par la coque ; comme si le mouvement faisait accéder à une sorte de stabilité d’une essence plus parfaite que l’immobilité ; laquelle, par contre, réveillant brusquement le dormeur à l’occasion d’une escale nocturne, suscite un sentiment d’insécurité et de malaise : impatience que le cours devenu naturel des choses ait été soudain compromis.

Claude Lévi-Strauss, Tristes tropiques, Plon, p. 65.

David Farreny, 29 nov. 2003
rien

Il ne se passe rien, même quand il se passe quelque chose.

Henri Michaux, « En marge d’En rêvant à des peintures énigmatiques », Œuvres complètes (3), Gallimard, p. 718.

David Farreny, 15 juin 2006
veille

L’atmosphère ressemblait à une haleine, pour un peu on aurait cru voir le crépuscule, dans la même lumière inchangée depuis toujours ; ce fut la tombée de la nuit sur le rivage sans terre et les reflets sans provenance. La nuit bord à bord avec le niveau de la mer. Car tout cela finit par s’imposer sans être jamais prouvé ; le phénomène se déroule et personne ne consacre des heures de veille à l’étudier, ce qui serait bien vain — mais l’espérance d’un résultat précis, d’une preuve rongée et dissoute déjà…

François Rosset, L’archipel, Michalon, pp. 46-47.

David Farreny, 12 mars 2008
nuit

Jamais vache n’a bu la couleur du sang frais. Mais a toujours su quel genre d’arbre c’était. Un châtaignier par exemple.

La mémoire des vaches n’a pas de profondeur. Elle est plate et douce et répétitive comme un très vieux chant. Elle contient des choses inoubliables et semblables à jamais.

Une vache a facilement le mal d’un pays qui n’existe pas. Elle fait un doux repas dans les fougères mais la nuit est immense.

Frédéric Boyer, Vaches, P.O.L., pp. 20-21.

David Farreny, 6 mai 2008
destructibles

La contradiction c’est que le monde est perpétuellement nécessaire comme obstacle à anéantir. Le violent est donc de mauvaise foi parce que, si loin qu’il pousse les destructions, il compte sur la richesse du monde pour les supporter et fournir perpétuellement de nouveaux destructibles.

Jean-Paul Sartre, Cahiers pour une morale, Gallimard, p. 183.

David Farreny, 3 déc. 2008
instituteur

L’histoire de la tragédie de la demi-instruction n’est pas encore écrite. Il me semble que la biographie d’un instituteur de village peut de nos jours devenir un livre de chevet, comme autrefois Werther.

Ossip Mandelstam, « Achtarak », Voyage en Arménie, L’Âge d’Homme, p. 77.

Guillaume Colnot, 2 juin 2009
pivot

Selon la traduction de l’Odyssée proposée par Victor Bérard, Homère évoque avec la même régularité « l’aurore aux doigts de rose » et les « vagues vineuses ». La qualification retenue pour la mer rappelle la couleur des vagues où le mauve se mêle au violacé, suivant l’inclinaison du plateau marin, et l’état du ciel. Également, l’enivrement que procure le battement obstiné de la mer contre les rivages, sans le déroulement honorable que serait l’engloutissement du globe. Pour peu que le vent se lève et que la mer devienne houleuse, celui qui navigue est saisi, parfois même jusqu’à en avoir un haut-le-cœur, par l’instabilité du pont ; il suffit même de contempler, depuis le haut d’une falaise, le flux et le reflux, pour percevoir dans son corps, jusqu’à la nausée, la fragilité du sol. Et dans sa conscience, la certitude affligeante que, de ce monde, la créature humaine n’est pas le pivot.

De toute sa hauteur, chacun mesure le sol.

Jean Roudaut, « Ce qu’il reste des livres », « Théodore Balmoral » n° 58, automne-hiver 2008, p. 202.

David Farreny, 10 nov. 2009
baroques

Louise ne sourit pas. Elle se lasse. Le va-et-vient, les couleurs agitées, les éclairages multicolores à toutes hauteurs, les allumages en transe, les néons qui s’éteignent, se répondent, clignent, clignotent, se réverbèrent, miroitent, se reflètent sur la chaussée qui les reçoit, les renvoie. Lumières en courses folles. Inintelligibles signaux sans ordres déclenchés. Fusées baroques d’une guerre inconnue. De bas en haut. De haut en bas. Mécanique régulière, verticale, mouvement, pluie perpendiculaire. Sur la foule hâtive en tous sens horizontale et déformée.

— Vertigineux, murmure Louise, allons donc nous asseoir, je n’en peux plus. Regarde donc ces mouvements perpétuels entrecroisés.

Hélène Bessette, La tour, Léo Scheer, p. 45.

Cécile Carret, 18 mars 2010
nom

150. Choses magnifiques

[…]

Le paravent dont les peintures représentent les paysages de la « Description originale de la terre ». Il a un nom auquel j’aime à penser.

Sei Shônagon, Notes de chevet, Gallimard, p. 293.

David Farreny, 4 juin 2011
mousse

Dans les montagnes du Centre, ces gros hôtels aux façades austères, leurs portes discrètement haussées d’insignes de clubs, derrière lesquelles on trouve une poignée de voyageurs de commerce groupés là dans la fumée des gauloises comme des cloportes sous une même mousse.

Nicolas Bouvier, Il faudra repartir. Voyages inédits, Payot & Rivages, p. 65.

Cécile Carret, 18 juin 2012
histoire

Chemin faisant, l’Histoire, avec ses grands et ses petits récits, ses simples bulles de sens et son grand vent, m’a rattrapé, prenant une importance que je n’avais pas prévue tout d’abord. Mais ce qui est venu ainsi à ma rencontre, ce n’est ni l’histoire des manuels ni celle des guides, c’est ce qu’il faudrait appeler une histoire des traces, dont le présent serait l’affleurement. Le présent, en effet, pour peu qu’on le considère avec un peu d’insistance, finit presque toujours par apparaître comme l’espace infini et pourtant sans épaisseur où remontent lentement, comme par le fait d’une résurgence invisible, les traces parfois très lointaines de sa formation. Tandis qu’inversement commencent à descendre et s’enfoncer en lui, puis au-delà de lui, les signaux par lesquels lui parvient ce qui le dissout et le renouvelle. Se tenir aux aguets de ce double mouvement, dans l’étendue d’un paysage qui tantôt l’apaise et tantôt l’accélère, c’est ce que j’aurai essayé de faire, en cherchant à fixer au passage ce que l’on devrait pouvoir appeler l’instantané mobile d’un pays.

Jean-Christophe Bailly, Le dépaysement. Voyages en France, Seuil, p. 14.

Cécile Carret, 15 déc. 2012

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