bord

Ce n’est point qu’elle fût laide, madame Puta, non, elle aurait même pu être assez jolie, comme tant d’autres, seulement elle était si prudente, si méfiante qu’elle s’arrêtait au bord de la beauté, comme au bord de la vie, avec ses cheveux un peu trop peignés, son sourire un peu trop facile et soudain des gestes un peu trop rapides, ou un peu trop furtifs.

Louis-Ferdinand Céline, Voyage au bout de la nuit, Gallimard, p. 136.

Bilitis Farreny, 12 oct. 2003
guise

Que chacun pense et agisse à sa guise, la mort ne manquera pas d’en faire autant.

Giacomo Leopardi, « Dialogue d’un physicien et d’un métaphysicien », Petites œuvres morales, Allia, p. 76.

David Farreny, 9 nov. 2005
naturelles

Aucun sacrifice ne modifiera les formes naturelles du mal.

Dominique de Roux, Immédiatement, La Table ronde, p. 220.

David Farreny, 6 janv. 2006
pardi

Que ferait-on si l’on ne devait

exister qu’à ses propres yeux

rien pardi

Jean-Pierre Georges, Je m’ennuie sur terre, Le Dé bleu, p. 35.

David Farreny, 16 juin 2006
macération

Exténuée, au bout de la table, la force demandait réparation, en silence, comme une évidence. Il mangeait sans un mot, telle une mécanique. Je sentais dans ma propre chair, sa fatigue, son épuisement, sa carcasse fourbue. Parfois, me découvrant tétanisé, blessé, j’imaginai pouvoir prendre en charge un peu de sa douleur et de sa peine. C’est à cette époque que j’ai mesuré l’impossible communication entre les chairs. Dans les meilleurs hypothèses, seules les âmes s’effleurent, car le solipsisme est la règle. On n’a jamais supprimé un gramme de souffrance à qui que ce soit en se couvrant de douleur : avec ce mauvais calcul, on ne parvient qu’à la macération, à l’ajout de négatif au négatif.

Michel Onfray, « Le désir d’être un volcan », Esthétique du pôle Nord, Grasset, p. 145.

Élisabeth Mazeron, 1er mai 2007
hauteur

Il faut se fixer des idéaux atteignables quand on ne saute pas deux mètres cinquante en hauteur de vue.

Jean-Pierre Georges, L’éphémère dure toujours, Tarabuste, p. 10.

David Farreny, 9 juin 2008
enfoncé

J’ai préféré la solitude aux entraînements de la bavarderie, de la chasse, de la pavane, de tous les bruits à deux ou en bande. Au fond de mes maisons, au soir de journées devenues denses et lentes, je me suis enfoncé au plus profond et au plus sourd de moi, dans une sorte d’alerte ou de pétrification dont je ne supporte plus qu’on me tire à l’improviste.

Il existe dans ces tuyauteries auxquelles mes araignées normandes me font songer des détours, des dérivations que l’on dirait inutiles, bras morts des rivières obscures, parenthèses dans le discours muet. Il suffit de se pencher derrière un lavabo ou d’ouvrir la «  plaque de visite  » des baignoires pour découvrir ces cols de cygne en plomb, ces S majuscules où j’imagine que mes noiraudes espèrent trouver, à l’écart du grand collecteur, un refuge sûr. L’image me poursuit parce qu’elle contient tout ce qu’il faut pour exprimer ma sensation, qui est de m’enfoncer dans du noir, de l’humide, et de chercher ce coude étréci de mon souterrain où personne, jamais, n’aura l’idée de venir me traquer.

François Nourissier, Le musée de l’homme, Grasset, p. 214.

David Farreny, 26 avr. 2009
alors

Et je l’accompagnai jusqu’à la prochaine cabine téléphonique.

(Bizarre, d’être comme ça à l’extérieur : le squelette de fer jaune, rempli de plaques de verre ; dedans, la longue qui s’affaire, le combiné noir contre l’oreille ; se tourne comme si elle parlait de moi ; se tait pendant dix secondes ; à l’autre bout se trouve sans doute une villa, vingt pièces, une mère distinguée hausse les sourcils, à l’arrière-plan un père gros & courtaud qui grogne) : « Alors ? ! » Et elle me fit un sourire cruel : « Tout va bien ! ».

Arno Schmidt, « Sortie scolaire », Histoires, Tristram, p. 137.

Cécile Carret, 2 déc. 2009
répéter

Du fond de ma fatigue, j’ai senti poindre en moi le dégoût que m’avait inspiré en plusieurs occasions la conscience que ma vie s’était mise à bégayer et que je n’avais fait que me répéter quand je croyais commencer quelque chose.

Marc Augé, Journal d’un S.D.F. Ethnofiction, Seuil, p. 120.

Cécile Carret, 27 fév. 2011
assez

Vers onze heures des gens commencent à sortir, avec des enfants et des chiens. J’oblique dans la direction opposée.

À l’extrémité de la plage des Sables-d’Olonne, dans le prolongement de la jetée qui ferme le port, il y a quelques vieilles maisons et une église romane. Rien de bien spectaculaire : ce sont des constructions en pierres robustes, grossières, faites pour résister aux tempêtes, et qui résistent aux tempêtes, depuis des centaines d’années. On imagine très bien l’ancienne vie des pêcheurs sablais, avec les messes du dimanche dans la petite église, la communion des fidèles, quand le vent souffle au-dehors et que l’océan s’écrase contre les rochers de la côte. C’était une vie sans distractions et sans histoires, dominée par un labeur difficile et dangereux. Une vie simple et rustique, avec beaucoup de noblesse. Une vie assez stupide, également.

Michel Houellebecq, Extension du domaine de la lutte, Maurice Nadeau, p. 122.

David Farreny, 26 fév. 2013
loi

Il avait coutume de nommer ses vertus et ses défauts, Chambre des communes et Chambre des Lords et, très souvent, la première promulguait une loi que la seconde refusait d’adopter.

Georg Christoph Lichtenberg, Le miroir de l’âme, Corti, p. 135.

David Farreny, 23 oct. 2014
fatigue

Je ne lutte pas contre le monde, je lutte contre une force plus grande, contre ma fatigue du monde.

Emil Cioran, « Écartèlement », Œuvres, Gallimard, p. 967.

David Farreny, 7 mars 2024

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