grassouillette

Il souffrait. Il souffrait ? Bien sûr qu’il souffrait, mais c’était une souffrance grassouillette — fatiguée — un peu chauve…

Witold Gombrowicz, La pornographie, Gallimard, p. 179.

David Farreny, 21 mars 2002
encouragement

Ce que je veux dire, c’est… enfin… gardez-vous d’ignorer que nous ne sommes que des créatures issues de la poussière. Oui, c’est peu comme encouragement, il faut bien se mettre ça dans la tête. Mais cela dit et compte tenu somme toute d’un mauvais départ, les choses pourraient être pires. Aussi je suis persuadé en ce qui me concerne que même dans une situation aussi pourrie, nous saurons nous en tirer. Vous me saisissez ?

Philip K. Dick, Le Dieu venu du Centaure, Omnibus, p. 341.

Guillaume Colnot, 24 avr. 2002
reliable

Parmi les mots anglais dont je ne vois en français aucune rigoureuse traduction, figure en première ligne reliable dont ni fiable, ni digne de foi ou de confiance ne rendent exactement le sens ; non plus que respectueux de ses engagements. C’est pourtant, d’être reliable, la reliability, la qualité que j’apprécie le plus, peut-être, chez mes amis, et l’une de celles que je trouve le moins répandues dans la société aujourd’hui. Je ne cesse d’être stupéfait par la lâcheté du rapport qu’entretiennent les contemporains avec leur propre discours, et la trouve aussi embarrassante pour eux-mêmes que pour leurs victimes.

Renaud Camus, « jeudi 29 mai 1980 », Journal d’un voyage en France, Hachette/P.O.L., pp. 350-351.

Élisabeth Mazeron, 17 déc. 2005
entière

Tout avait vieilli en même temps qu’elle : tout mourrait avec elle ; et ce qui lui survivrait n’était qu’un monde décoloré, aussi imprécis que celui qu’elle n’avait pas connu. Elle ne croyait pas à une résurrection après la mort : et pas davantage à celle du passé dans le souvenir. Ce qui était disparu l’était sans retour, son image pâlissait, puis s’éteignait à son tour définitivement, au point qu’on en arrivait même à douter que cela eût existé vraiment. Elle était tout entière au temps qui passe, et n’y pensait jamais.

Danièle Sallenave, Un printemps froid, P.O.L., p. 249.

Élisabeth Mazeron, 26 fév. 2007
vanité

C’était de grands hommes robustes, incapables de mesurer les conséquences de leurs actes, doués de courage et même de force, bien que leur peau eût cessé d’être luisante et leurs muscles d’être durs. Force m’était de constater qu’une obscure influence, l’un de ces mystères humains qui jettent un défi au plausible, avait dû entrer en jeu. Je les considérai avec un vif regain d’intérêt. L’idée qu’avant peu je pouvais fort bien être mangé par eux ne m’entra pas dans la tête. Et pourtant, il faut avouer qu’à ce moment, je m’aperçus — à la faveur de ce jour nouveau — de l’aspect malsain des pèlerins, et j’espérai, oui, positivement, j’espérai que ma personne n’avait pas un air aussi — comment dirai-je — aussi peu appétissant, — touche de vanité fantastique qui s’accordait à merveille avec la sensation de rêve qui pénétrait mon existence à cette époque. Peut-être avais-je aussi un peu de fièvre.

Joseph Conrad, Le cœur des ténèbres, Gallimard, pp. 169-170.

David Farreny, 2 oct. 2008
structurel

Puissance à rebours de l’écriture du manque.

Écrire l’absence relève du thématique, écrire le manque, cela devient structurel. D’où le non-développement.

Gérard Pesson, « mardi 26 novembre 1991 », Cran d’arrêt du beau temps. Journal 1991-1998, Van Dieren, p. 41.

David Farreny, 22 mars 2010
forme

J’étais fatigué. Je ne répliquais rien, la lassitude m’empêchait de desserrer les lèvres. En dépit des démangeaisons qui m’accablaient atrocement, je ne remuais pas la masse de peau guenilleuse qui me recouvrait et que l’attraction lunaire faisait croître, je le sentais. Un éclair de chaleur zébra le ciel et, pendant une seconde, j’eus la folle certitude que les vieilles allaient redéclencher la fusillade et en finir, puis je me rendis compte qu’hélas il n’en serait rien. L’attente reprit. J’avais envie de répondre à Nayadja Aghatourane, de hurler à travers la nuit chaude que l’étrange est la forme que prend le beau quand le beau est sans espérance, mais je restais bouche close et j’attendais.

Antoine Volodine, Des anges mineurs, Seuil, p. 96.

Cécile Carret, 11 sept. 2010
techniques

Elles ont songé à écrire un livre sur les techniques de rencontre : Julie avait parlé à un type devant la balance des fruits et légumes dans un Sainsbury’s. Elle cherchait l’icône des carottes. Un type l’avait aidée ; tout de suite, ça avait été des galanteries. La scène n’avait pas duré, cependant elle gardait l’idée de rencontrer un type à la balance, de faire semblant de chercher l’image d’un fruit.

Elles auraient classé les rencontres par lieux. Que faire dans tel lieu ? Par âges. Par saisons.

Évidemment, Julie avait raconté sa pratique du croche-patte.

Alain Sevestre, Poupée, Gallimard, p. 289.

Cécile Carret, 19 mars 2014
sûr

Les enfants sont là pour empêcher qu’arrive un événement sexuel. Les femmes les font pour mettre fin à la série de corvées d’événements sexuels auxquels les obligent les hommes. Grandissant, les enfants interdisent peu à peu le rêve lui-même de l’événement sexuel. S’ils sont présents, c’est la possibilité même, flottante, de l’événement sexuel qui est arrêtée. L’enfant vient boucher les virtualités. L’enfant est décidé pour que le monde soit sûr.

Philippe Muray, « 5 août 1986 », Ultima necat (II), Les Belles Lettres, p. 132.

David Farreny, 4 mars 2016
devenir

Tiens ? Il y a longtemps que je n’ai pas vu dans le quartier cette très vieille femme incroyablement maigre et boiteuse qui toussait tout le temps. Qu’a-t-elle bien pu devenir ?

Éric Chevillard, « mardi 13 décembre 2016 », L’autofictif. 🔗

David Farreny, 24 fév. 2024

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