Parfois je me dis ça. Je me dis que je veux vivre. Je suis vivant. On a parfois la forte sensation d’être en vie. Parfois on se dit qu’on veut vivre. C’est ça qu’on veut. On sent que la vie nous pousse à le dire. À dire qu’on est vivant. Car on sent la poussée de la vie dans la phrase.
Charles Pennequin, Bibi, P.O.L., p. 40.
Nous avons beau veiller, tout est impossible à achever, minés que nous sommes par nos exigences de rupture.
Dominique de Roux, Immédiatement, La Table ronde, p. 206.
Reste la possibilité d’aller faire un tour dans le jardin qui est un espace à trois côtés, herbu, pentu, bombé comme un triangle de fille.
Jean Echenoz, Ravel, Minuit, p. 65.
[…] la musique s’enflant à présent comme nous pénétrions dans une pièce où une femme et deux autres hommes dansaient, dont l’un tenait en main un verre vide et qui nous ayant aperçus cessèrent de danser et s’approchèrent de nous, sauf l’homme au verre vide qui tout en prenant notre direction s’efforçait de trouver une transition douce entre la danse et le déplacement normal, et qui parvint à notre hauteur légèrement déhanché encore, puis se stabilisa, bonsoir, dit-il, bonsoir, dîmes-nous l’un après l’autre en énonçant nos prénoms, parfois suivis de nos patronymes, tandis que l’homme au verre vide repartait en se déhanchant modérément […].
Christian Oster, Trois hommes seuls, Minuit, p. 104.
Je ne savais plus si j’étais Will Scheidmann ou Maria Clementi, je disais je au hasard, j’ignorais qui parlait en moi et quelles intelligences m’avaient conçue ou m’examinaient. Je ne savais pas si j’étais mort ou si j’étais morte ou si j’allais mourir. Je pensais à tous les animaux décédés avant moi et aux humains disparus et je me demandais devant qui je pourrais un jour réciter Des anges mineurs. Pour ajouter à la confusion, je ne voyais pas ce qui s’ouvrirait derrière le titre : un romånce étrange ou simplement une liasse de quarante-neuf narrats étranges.
Et soudain, j’étais comme les vieilles, ahurie par l’interminable. Je ne savais pas comment mourir et, au lieu de parler, je bougeais les doigts dans les ténèbres. Je n’entendais plus rien. Et j’écoutais.
Antoine Volodine, Des anges mineurs, Seuil, p. 201.
tout ce métal tout ce granit tous ces étais
pour que tienne le pariétal
quand tu ne craindras plus les eaux
tu t’appuieras au fond du crâne
comme à ce mur chaud
qui fait oublier le glaucome du soleil
et regarderas devant
Michel Besnier, Humeur vitrée, Folle Avoine, p. 39.
Encore une journée qui s’en va, une journée carnivore
et l’ai-je retenue ? J’ai dormi. Et pendant mon sommeil, j’ai vieilli.
Ma paresse, ce vieux serpent qui me conseille
m’a dit, comme toujours : « Attendons à demain.
Ces changements sont lents, si lents, on a le temps —
les forces sont inégales,
bouger, c’est dépenser cette énergie exacte
dont tu auras besoin, demain, pour te lever
et rayonnant, forcer les anges du néant.
Demain, il est encore temps, allons dormir :
cette journée qui s’en va fera place à une autre,
à une autre qui point, qui vient, qui sera là,
et qui, dans sa beauté explosive, sera
ta journée de réveil, terrible et décisive
Benjamin Fondane, Poèmes retrouvés, Parole et Silence, p. 44.
Les crochets aux volets de fenêtres ne se contentaient plus de pendre, ils indiquaient des directions.
Peter Handke, Le recommencement, Gallimard, p. 44.
Je plains beaucoup les gens qui n’ont pas fainéanté jusqu’à vingt-cinq ans, au moins périodiquement, car je suis convaincu qu’on n’emporte pas l’argent gagné dans la tombe, le temps gaspillé, si.
Franz Kafka, « lettre à Hedwig Weiler (novembre 1907) », Œuvres complètes (3), Gallimard, p. 607.
100 millions d’Américains ont pris 40 kilos pour le rôle.
Éric Chevillard, « vendredi 2 mai 2014 », L’autofictif. 🔗
Les raisons de vivre commençaient à manquer. Il se confia à son meilleur ami qui lui démontra avec flamme que les deux ou trois auxquelles il s’accrochait encore étaient de purs sophismes.
Éric Chevillard, « lundi 7 juin 2021 », L’autofictif. 🔗