Poser de nouveaux problèmes, c’est le meilleur moyen de résoudre les anciens.
Witold Gombrowicz, Journal (2), Gallimard, p. 34.
L’idée, qu’on rencontre aujourd’hui souvent, que la culture digère tout, s’approprie les productions subversives qu’elle ainsi désamorce et qui deviennent après cela un nouveau chaînon d’elle, cette idée est fausse.
Jean Dubuffet, Asphyxiante culture, Minuit, p. 23.
Les Ématrus sont lichinés ou bien ils sont bohanés. C’est l’un ou l’autre. Ils cousent les rats qu’ils prennent avec des arzettes, et sans les tuer, les relâchent ainsi cousus, voués aux mouvements d’ensemble, à la misère, et à la faim qui en résulte.
Les Ématrus s’enivrent avec de la clouille. Mais d’abord ils se terrent dans un tonneau ou dans un fossé, où ils sont trois et quatre jours avant de reprendre connaissance.
Naturellement imbéciles, amateurs de grosses plaisanteries, ils finissent parfaits narcindons.
Henri Michaux, « Voyage en Grande Garabagne », Œuvres complètes (2), Gallimard, p. 42.
Je comprends qu’adoptant une bonne mienne habitude, renverse-monde, mais très stabilisatrice, vous passez la moitié de votre vie au lit.
Henri Michaux, « lettre à Claude Cahun (avril 1952) », Œuvres complètes (2), Gallimard, p. XXIX.
Ce qu’on était sans y songer se mue en obstacle.
Pierre Bergounioux, Écrire, pourquoi ?, Argol, p. 15.
Nous sommes d’entre les morts, Marie-Louise et moi, à ceci près que je suis encore vivant et elle déjà morte — à moins que ce ne soit le contraire ; un épisode m’aurait alors échappé, mais ce ne serait pas le premier. Le couvercle est bien refermé. Nous sommes absolument seuls. Et je goûte, pour la première fois de ma vie, la désolation d’un vrai silence de mort.
Mathieu Riboulet, Mère Biscuit, Maurice Nadeau, p. 13.
Melvin était loin d’être le premier à avoir besoin d’exister pour moi et à sentir qu’avec moi tout était possible. Néanmoins, il était rare que cela me soit dit si simplement et clairement.
Quand je reçois ce genre de propos, je ne sais pas très bien quel effet cela me fait : un mélange d’émotion et d’inquiétude. Pour comparer de tels mots à un cadeau, c’est comme offrir un chien. On est touché par l’animal, mais on pense qu’il va falloir s’en occuper et qu’on n’a rien demandé de pareil. D’autre part, le chien est là avec ses bons yeux, on se dit qu’il n’y est pour rien, qu’on lui donnera les restes du repas à manger, que ce sera facile. Tragique erreur, inévitable pourtant. […] Il y a des phrases-chiens. C’est traître.
Amélie Nothomb, Une forme de vie, Albin Michel, pp. 59-60.
Souvenir récurrent. Mon ami A. en phase palliative alors que nous buvons un verre sur sa terrasse à la campagne : « On aimerait bien que ça dure encore un peu ! » Le jardin immobile baignait dans une paisible lumière.
Jean-Luc Sarré, Ainsi les jours, Le Bruit du temps, p. 27.
C’est bien pourtant quand nous sommes en vie que nous aurions souvent l’usage d’une cachette sous la terre fermée par une porte de marbre.
Éric Chevillard, « mercredi 25 mai 2016 », L’autofictif. 🔗