Ces géantes sans doute sont débonnaires, mais leur humeur est changeante, leurs nerfs faibles. Facilement vexées, voyant rouge, sûres d’ailleurs de l’impunité, elles vous arrachent dans un moment de cafard, elles vous arrachent la tête sans barguigner comme à un jeune hareng… et adieu longue vie.
Henri Michaux, « Ailleurs », Œuvres complètes (2), Gallimard, p. 102.
Il n’y a pas d’endroit agréable, puisque notre corps nous empêche de sortir.
Georges Perros, Papiers collés (2), Gallimard, p. 30.
Entre l’exigence d’être clair et la tentation d’être obscur, impossible de décider laquelle mérite le plus d’égards.
Emil Cioran, « Aveux et anathèmes », Œuvres, Gallimard, p. 1720.
Il y eut dix Aristote : le premier est notre philosophe ; le second gouverna à Athènes, et on lui attribue d’agréables discours judiciaires ; le troisième a écrit sur l’Iliade ; le quatrième est un orateur siciliote qui fit un écrit contre le Panégyrique d’Isocrate ; le cinquième, surnommé Mythos, était un ami d’Eschine, le disciple de Socrate ; le sixième était de Cyrène et fit un art poétique ; le septième était pédotribe, et Aristoxène fait mention de lui dans sa Vie de Platon ; le huitième fut un obscur grammairien qui fit un traité sur le pléonasme.
Diogène Laërce, « Aristote », Vie, doctrines et sentences des philosophes illustres (1), Flammarion, p. 240.
Voilà qui est excellent ! Allons voir Sicelli ! Allons voir Bismarck ou l’Archimandrite de Noskokentovo pendant que j’y suis ! Car, comme l’écrivait le jeune Fédor à son frère Michel : « Dans l’ensemble, la situation n’est pas favorable. » Pourquoi donc hésiter, mon goloubtchik ? Allons voir Dieu s’il le faut avec sa gueule d’escargot ! Très certainement Il résoudra ce menu problème comme tant d’autres, et nous n’en parlerons plus.
Louis Calaferte, Septentrion, Denoël, p. 344.
À une table sortie
sur le trottoir par le beau temps
tardif d’un midi d’octobre
déguster une souris d’agneau
consentant à sa chair moelleuse
tout comme à l’arrivée d’une vieille Américaine bien marinée
à la table voisine
Reconnaissant des étincelles dans mon verre des flottements d’anges
absents qui entre deux bouchées
rident l’air rayonnant
(autant que des bouts d’ailes en bois que les serveuses repêchent de l’ombre
derrière la porte du bistro pour caler notre table branlante)
D’avance jubilant de pouvoir demain au retour
à Prague dire à ses proches « hier encore sur le trottoir
inondé de soleil tardif je goûtais une souris fondante »
Petr Král, « Bonheur », « Théodore Balmoral » n° 61, hiver 2009-2010, p. 126.
L’histoire, sur laquelle notre début de siècle s’est tellement appuyé pour vivre et penser, ne servira bientôt plus de rien, tant ce qu’on va voir (basé sur la technique et non plus sur l’horreur) aura de moins en moins de précédents.
Paul Morand, « 15 février 1976 », Journal inutile (2), Gallimard, p. 731.
Petit exercice de sociabilisation. Aborder des inconnus dans la rue par ces mots – Allez, on fait connaissance ?
Éric Chevillard, « jeudi 26 septembre 2013 », L’autofictif. 🔗
Très vite, le premier tour est bouclé et, dès lors, on ne fera plus que suivre ses propres traces.
Éric Chevillard, « dimanche 17 septembre 2023 », L’autofictif. 🔗