Le port sécrète de l’avenir, réconforte avec ses quintaux métriques d’éléments vitaux et premiers.
Michel Besnier, Cherbourg, Champ Vallon, pp. 64-65.
On ne peut jamais aller chez personne. Aussi ne peut-on aimer que la montagne, la mer et la musique.
Emil Cioran, « Personne n’existe », Solitude et destin, Gallimard, p. 409.
Chaque fois que cela ne va pas et que j’ai pitié de mon cerveau, je suis emporté par une irrésistible envie de proclamer. C’est alors que je devine de quels piètres abîmes surgissent réformateurs, prophètes et sauveurs.
Emil Cioran, De l’inconvénient d’être né, Gallimard, p. 16.
Je connaissais enfin une nouvelle espèce d’amitié, qui n’est point basée sur des goûts communs, et une espèce de passion de laquelle le désir n’est qu’un des éléments. Un sentiment non explicable en mots humains, et que je m’apprêtais en vain à traduire en un poème. Je commençais :
Tais-toi. N’explique rien : Tais-toi…
J’ai suivi le conseil… J’ai connu l’irrésistible puissance de la douceur… Et j’ai appris à manger les oranges d’une certaine façon…
Valery Larbaud, « Journal intime de A.O. Barnabooth », Œuvres, Gallimard, p. 295.
La drogue est bonne. Drogué sait le lien. Drogué sait la bonne est drogue. Il l’aime. La drogue est bonne. La drogue donne. Drogué sait, va vers la bonne drogue. La drogue bonne donne du bonheur. Drogué a vu le lien. La drogue est bonne à Drogué. Drogué sait aller au bon. La vie va vers le bon. L’aime. Connaît le lien entre Drogué et le bon de la bonne drogue. Drogué donne de la bonne drogue. Drogué va vers la bonne drogue. La drogue sait donner. Drogué a un lien avec la drogue. La drogue donne. Drogué connaît. La drogue est bonne à donner à Drogué. La drogue est bonne, la drogue est vraiment bonne, est un bonheur.
Christophe Tarkos, « Oui », Écrits poétiques, P.O.L., p. 220.
De plus il y a toujours sa haine absolue des bijoux dont le tintement l’agace, la brillance l’aveugle et le coût le consterne. L’horrifient spécialement les boucles d’oreilles, dont l’hameçon planté dans la chair le glace, et plus encore les perles qui, par leur origine huîtrière et leur consistance lactée, lui répugnent sans mélange. Mais les personnes du sexe, n’y entendant rien et rivalisant de parures pour le séduire, jouent ainsi chaque fois un peu plus contre elles-mêmes avant de repartir bredouilles, cachant leur désarroi sous des œillades complices bien qu’éteintes, des rires pailletés mais détimbrés.
Jean Echenoz, Des éclairs, Minuit, p. 89.
Cependant, les jeunes abandonnent ces forêts nourricières à cause des filles qui ne veulent plus vivre dans la solitude ; qui veulent être « sapées » en citadines – vont crever la faim à Clermont-Ferrand et reviennent bluffer le dimanche au pays.
Nicolas Bouvier, Il faudra repartir. Voyages inédits, Payot & Rivages, p. 61.
Je ne sais pas ce que me réserve demain ; mais pour après-demain, il n’y a vraiment aucun suspense.
Éric Chevillard, « lundi 23 mai 2022 », L’autofictif. 🔗