slow

Le slow qui tue est une machine logique à décollage vertical.

Pascal Comelade, Écrits monophoniques submergés.

David Farreny, 24 mars 2002
professeurs

La collectivité s’est maintenant, d’un consentement à peu près unanime, donné pour maîtres à penser des professeurs.

Jean Dubuffet, Asphyxiante culture, Minuit, p. 13.

David Farreny, 14 avr. 2002
tel

Tardivement, les platanes du boulevard MacDonald ont perdu toutes leurs feuilles, lesquelles se sont amoncelées ici et là en couches épaisses : ainsi le long de la grille qui sépare le trottoir nord du boulevard des voies de la gare de l’Est, près de l’entrée de la déchetterie, autour de cet objet couché de travers sur le bitume, grossièrement cylindrique, de couleur grise, de texture granuleuse, tel un pied d’éléphant au terme d’un long séjour dans le permafrost.

Jean Rolin, La clôture, P.O.L., p. 194.

Guillaume Colnot, 14 avr. 2002
aboie

Désir qui aboie dans le noir est la forme multiforme de cet être

Henri Michaux, « Face aux verrous », Œuvres complètes (2), Gallimard, p. 437.

David Farreny, 22 juin 2002
réglable

C’est à croire que nous ne pénétrerons jamais jusqu’au cœur du mystère, que les forces occultes nous déroberont jusqu’au bout l’ultime secret. De grands pans de notre sens se dressent inaccessibles, demeurent enténébrés.

Il m’arrive de me transporter, en pensée, sur le lit en métal chromé, réglable, de l’agonie, à partir duquel on envisagera une dernière fois ce qui s’est passé.

Pierre Bergounioux, L’héritage. Pierre et Gabriel Bergounioux, rencontres, les Flohic, p. 183.

David Farreny, 6 août 2003
hangar

C’est assez simple : dès qu’il y a de l’homme, il y a du hangar.

Renaud Camus, « jeudi 21 février 2002 », Outrepas. Journal 2002, Fayard, p. 43.

David Farreny, 3 juil. 2005
achever

Nous avons beau veiller, tout est impossible à achever, minés que nous sommes par nos exigences de rupture.

Dominique de Roux, Immédiatement, La Table ronde, p. 206.

David Farreny, 5 janv. 2006
vérité

Maintenant ma conviction est faite. Ce voyage est une gaffe. Le voyage ne rend pas tant large que mondain, « au courant », gobeur de l’intéressant coté, primé, avec le stupide air de faire partie d’un jury de prix de beauté.

L’air débrouillard aussi. Ne vaut pas mieux. On trouve aussi bien sa vérité en regardant quarante-huit heures une quelconque tapisserie de mur.

Henri Michaux, « Ecuador », Œuvres complètes (1), Gallimard, p. 204.

David Farreny, 12 mars 2008
locataire

Un père m’eût lesté de quelques obstinations durables ; faisant de ses humeurs mes principes, de son ignorance mon savoir, de ses rancœurs mon orgueil, de ses manies ma loi, il m’eût habité ; ce respectable locataire m’eût donné du respect pour moi-même. Sur le respect j’eusse fondé mon droit de vivre. Mon géniteur eût décidé de mon avenir : polytechnicien de naissance, j’eusse été rassuré pour toujours. Mais si jamais Jean-Baptiste Sartre avait connu ma destination, il en avait emporté le secret ; ma mère se rappelait seulement qu’il avait dit : « Mon fils n’entrera pas dans la Marine. » Faute de renseignements plus précis, personne, à commencer par moi, ne savait ce que j’étais venu foutre sur terre.

Jean-Paul Sartre, Les mots, Gallimard, p. 75.

David Farreny, 31 déc. 2008
contrée

Ah ! voilà les chevaux qui se mettent à hennir ; ce bruit doit être prescrit par un ordre supérieur pour faciliter l’auscultation, et maintenant, je le vois bien : oui, le jeune homme est malade. Dans le flanc droit, à hauteur de la hanche, une plaie grande comme une soucoupe s’est ouverte. Rose, nuancée de mille tons, sombre au fond, puis de plus en plus claire à mesure qu’on se rapproche des bords, fine de grain, avec du sang qui s’accumule irrégulièrement, ouverte comme un puits de mine à ciel ouvert. C’est ainsi qu’elle se présente à distance. De près, elle paraît encore pire. Qui peut regarder cela sans un léger sifflement ? Des vers, de la grosseur et de la longueur de mon petit doigt, roses et barbouillés de sang, se tordent au fond de la plaie qui les retient, pointent de petites têtes blanches et agitent à la lumière une foule de pattes minuscules. Pauvre garçon, on ne peut plus rien pour toi. J’ai découvert ta grande plaie ; tu péris de cette fleur dans ton flanc. La famille est contente, elle me voit à l’œuvre ; la sœur le dit à la mère, la mère au père, le père à quelques visiteurs qui entrent sur la pointe des pieds par le clair de lune de la porte ouverte, en étendant leurs bras pour faire balancier. « Me sauveras-tu ? » souffle entre deux sanglots le garçon complètement hypnotisé par la vie qui grouille dans sa blessure. Tels sont les gens de ma contrée. Ils exigent toujours l’impossible du médecin. Ils ont perdu l’ancienne foi ; le prêtre reste chez lui et transforme en charpie les ornements sacerdotaux l’un après l’autre ; mais le médecin doit tout faire de sa main légère de chirurgien.

Franz Kafka, « Un médecin de campagne », Œuvres complètes (2), Gallimard, pp. 443-444.

David Farreny, 3 déc. 2011
simples

La photographie au Japon est extraordinaire. Il pose devant moi un paquet de photos japonaises. Regardez comme elles sont modestes, simples et ingénieuses. Ici, vous avez un arbre tout seul.

Dezsö Kosztolányi, Portraits, La Baconnière, p. 98.

Cécile Carret, 22 juin 2013
bascule

J’ai toujours eu cette fantaisie de vouloir descendre à pied de la gare un jour, plus tard.

À l’époque, à Blois, ça ne se faisait pas. C’était un truc de pauvre, de désargenté, de moins que rien, disons. Seuls les misérables, les Fous oubliés par la Chauffe, descendaient à pied de la gare. C’était une indignité.

Pourtant, ça me plaisait beaucoup, ce trajet vers le centre-ville. C’est une longue et vraie descente, avec un sentiment physique ; une bascule quasiment ; ça me faisait penser au monde qui pencherait, plat, comme dans l’idée des Anciens, où on pouvait atteindre le rebord et dont on pouvait tomber.

La bascule perpétuelle de la ville vers son centre, comme la fourmi au bord du cône du fourmilion.

[…]

À l’inverse, la montée vers la gare – chargée du même opprobre – est assez pénible, peut-être même une épreuve. Comme toutes les montées, évidemment, mais celle-ci particulièrement.

Comme un certain calvaire. Et moins joli, au fond – ce qui est explicable – bien qu’on y passât dans l’inverse des mêmes beautés ; sans doute quelque chose de subtilement décalé dans la vision.

La fermeture, la clôture de l’horizon, dans la montée que l’on faisait plutôt à droite tandis qu’on descendait à gauche. Le repliement, le feuilletage différent des perspectives. La pente ardue qui tire sur les mollets.

Emmanuelle Guattari, Ciels de Loire, Mercure de France, p. 132.

Cécile Carret, 30 sept. 2013

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