hangar

C’est assez simple : dès qu’il y a de l’homme, il y a du hangar.

Renaud Camus, « jeudi 21 février 2002 », Outrepas. Journal 2002, Fayard, p. 43.

David Farreny, 3 juil. 2005
malaise

En ce terrible septième jour, personne ne vint me voir. Le malaise posta ses gardes à l’entrée de l’hôpital, dépêcha ses émissaires aux portes de la ville, prévint les uns et les autres que toute tentative d’approche était vaine et qu’il entendait régner sans partage. Il régna donc, dictant ses conditions auxquelles je me soumis sans regimber. Je gisais au fond du lit, souhaitant qu’il s’incarnât, qu’il prît les traits de quelque vieillard cacochyme et grincheux, cassant, qui envahirait ma chambre de ses tics impatients, m’obligeant à caler ma respiration sur la sienne. Cependant c’était un jour sans incarnations, et je dus me contenter d’une grande désorganisation qui me jeta tantôt dans une veille asthénique, tantôt dans un sommeil sans repos, travail épuisant.

Mathieu Riboulet, Un sentiment océanique, Maurice Nadeau, p. 40.

Élisabeth Mazeron, 13 oct. 2007
glaires

Accepteriez-vous de nous montrer un échantillon de vos brouillons ?

— Je suis au regret de devoir refuser. Seules les nullités ambitieuses ou les médiocrités joviales exhibent leurs brouillons. C’est un peu comme si l’on distribuait des échantillons de ses propres glaires.

Vladimir Nabokov, Partis pris, Julliard, p. 12.

David Farreny, 4 mars 2008
vieilli

J’ai vieilli d’un an. Mon existence se partage, désormais, en deux moitiés, l’une, la première, obscure, immanente, sans but, l’autre déchirée par la conscience que je suis, qu’il importe d’y voir clair, de se déterminer par rapport à ce qui en vaut la peine, d’agir en conséquence. L’ennui, c’est que mille choses me touchent, me hèlent, s’offrent à ma joie. Cent vies n’y suffiraient pas. C’est pourquoi je les mène en rêve.

Pierre Bergounioux, « mercredi 25 mai 1983 », Carnet de notes (1980-1990), Verdier, p. 208.

Élisabeth Mazeron, 28 sept. 2008
espèce

Deux cerfs affrontés, leurs bois inextricablement imbriqués, secouent l’échine et tournent sur place sans parvenir à se dégager tandis qu’une espèce de daim dans le public susurre à l’oreille d’une biche des choses osées qui la font rire.

Éric Chevillard, Le vaillant petit tailleur, Minuit, p. 49.

Cécile Carret, 25 avr. 2011
entrepreneurs

Ensuite, nous avons conversé plutôt librement, eux et moi, et en fait c’étaient des entrepreneurs, un couple d’entrepreneurs. Ils travaillaient dans le plomb. À les entendre, plus personne ne voulait de plomb, avec les nouvelles normes, et pourtant, m’a dit l’homme, qui allait nettement mieux, il en faut bien, du plomb, non ? J’ai dit si, en cherchant dans ma tête qui pouvait bien avoir besoin de plomb, aujourd’hui, à part les chasseurs, puis l’homme a dit que ce n’était pas si grave, en fait, que depuis quelques temps ils s’étaient spécialisés dans la fabrication de baguettes profilées à destination des verriers, pour les vitraux d’église.

Christian Oster, Rouler, L’Olivier, p. 31.

Cécile Carret, 26 sept. 2011
frappe

Plus je lis de ces livres intéressants mais pas déterminants, plus me hante cette nécessité d’une frappe verbale exacte. Gifle ou caresse, mais précise, exactement mesurée, impeccablement juste.

Antoine Émaz, Cuisine, publie.net, p. 262.

Cécile Carret, 2 fév. 2012
jeu

Ákos a pris en main ses neuf cartes, avec des doigts experts les a rangées en un rien de temps, les saluant une à une au passage, elles qui parlaient du monde ancien, des temps heureux, le bateleur avec son luth à tête humaine et son épée, la danseuse espagnole en crinoline avec ses castagnettes, le Turc accroupi la pipe à la bouche, l’excuse avec son fou au costume de clown bariolé, au bonnet bicolore à double pointe, et le tout-puissant vingt et un, la carte qui prévaut sur toutes, avec ses soldats, auxquels de ce fait honneur est rendu. Quel familier, quel doux charivari. Assis sur un mur, des amoureux s’embrassent, un soldat d’autrefois prend congé de sa bien-aimée, un navire gagne le large. Il avait un jeu magnifique.

Dezsö Kosztolányi, Alouette, Viviane Hamy, p. 153.

Cécile Carret, 4 août 2012
sélection

Il faut s’arrêter pour faire des enfants. Chaque enfant qui naît est une interruption. Les uns après les autres, eux et elles, ils se figent en faisant des enfants. On aurait pu croire qu’ils étaient partis pour une longue course effrénée, et les voilà qui se transforment en statues de sel. Quelques-uns courent encore, s’arrêtent aussi. Et il ne restera plus, autour de moi, que ce Musée Grévin des Familles où seuls bougent encore quelques visiteurs, quelques transposeurs — quelques artistes.

Ainsi s’accomplit la vraie sélection naturelle.

Philippe Muray, « 14 septembre 1980 », Ultima necat (I), Les Belles Lettres, p. 89.

David Farreny, 2 mars 2015
goût

Séparées à la naissance, ces jumelles se retrouvèrent à l’âge de 40 ans grâce à un dossier conservé par les services sociaux. Et là, grande émotion, si elles ne se ressemblaient en rien au physique, elles se découvrirent avec stupeur un goût commun pour la musique, les voyages et le cinéma !

Éric Chevillard, « vendredi 29 avril 2016 », L’autofictif. 🔗

David Farreny, 29 avr. 2016

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