creusent

Je n’ai pas de nom. Je m’appelle Personne.

Les riches ont l’or,

mes maigres mains creusent le rio.

Mes maigres mains creusent un sillon de mort.

J’ai enterré tant d’enfants que ma mémoire

est une encre sauvage.

Je n’ai plus de mains. Je n’ai plus d’âge.

J’ai la sagesse des grands arbres brisés par les Américains.

Je suis un Peau-Rouge. Jamais je ne marcherai

dans une file indienne.

J’ai très mal au cœur, au sexe, aux entrailles.

Je prie. Je suis Sioux.

Je prie. Je crois à la revanche.

Je suis celui qu’on ne peut pas tuer au cœur de la bataille.

André Laude, « Je m’appelle Personne », poèmes posthumes publiés par la revue « Points de fuite », 1995.

David Farreny, 19 fév. 2004
solution

Solution provisoire : se coucher.

Jean-Pierre Georges, Le moi chronique, Les Carnets du Dessert de Lune, p. 33.

David Farreny, 19 nov. 2006
virtualité

Les avantages d’un état d’éternelle virtualité me paraissent si considérables, que, lorsque je me mets à les dénombrer, je n’en reviens pas que le passage à l’être ait pu s’opérer jamais.

Emil Cioran, De l’inconvénient d’être né, Gallimard, p. 138.

David Farreny, 12 mars 2008
face

J’avance pour serrer la main de Madame B. quand mon visage se fige : ce n’est pas elle, seulement une vague remplaçante de ce même nom. Je vois, de plus, que sa face se crispe autant. N’est-ce donc pas moi non plus ?

Petr Král, Cahiers de Paris, Flammarion, p. 115.

David Farreny, 29 mars 2013
détours

Puis la femme cria à l’adresse des enfants qui se tenaient détournés l’un de l’autre comme devenus ennemis – le gros garçon plutôt triste : « Hé, les enfants, faites la paix ! »

Le gros garçon sourit, délivré, et tous deux, tête baissée, il est vrai, se dirigèrent par des détours, l’un vers l’autre.

Peter Handke, La femme gauchère, Gallimard, p. 75.

Cécile Carret, 30 juin 2013
crépuscule

J’ai cru bien entendu

qu’il fallait partir à la chasse, poursuivre

le temps comme une biche rapide, arracher

ses cornes, jouir

de l’hémorragie des heures

tombées dans le crépuscule la face couchée dans l’étang.

Je ne voulais pas, bien sûr,

m’éloigner de moi-même, me perdre,

et ne plus retrouver

ces heures tranquilles et longues

que j’avais laissées en arrière,

ces heures à côté du temps

que je sais encore là, douces et immobiles,

et qui n’ont point encore compris

ce que j’espère du voyage

dans un temps qui ne peut même pas se passer

du temps.

Benjamin Fondane, « Au temps du poème », Le mal des fantômes, Verdier, p. 248.

David Farreny, 3 juil. 2013
oeil

L’œil creux, la lèvre mince, violacée, trois dents grises.

Éric Chevillard, Le désordre azerty, Minuit, p. 110.

Cécile Carret, 24 fév. 2014
exemple

Prenons par exemple, assise dans une cellule vide et cubique d’apparence carcérale, une jeune femme nommée Céleste Oppenheim.

Jean Echenoz, « Nitrox », Caprice de la reine, Minuit, p. 87.

Cécile Carret, 26 avr. 2014

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