rationnelle

La sédentarité défiante, opiniâtre qu’on pratiquait était rationnelle.

Pierre Bergounioux, La puissance du souvenir dans l’écriture, Pleins Feux, p. 18.

David Farreny, 23 mars 2002
nostalgie

Nostalgie de la femme : une nouvelle crise.

Valery Larbaud, « Journal intime de A.O. Barnabooth », Œuvres, Gallimard, p. 109.

David Farreny, 24 avr. 2007
vérité

Maintenant ma conviction est faite. Ce voyage est une gaffe. Le voyage ne rend pas tant large que mondain, « au courant », gobeur de l’intéressant coté, primé, avec le stupide air de faire partie d’un jury de prix de beauté.

L’air débrouillard aussi. Ne vaut pas mieux. On trouve aussi bien sa vérité en regardant quarante-huit heures une quelconque tapisserie de mur.

Henri Michaux, « Ecuador », Œuvres complètes (1), Gallimard, p. 204.

David Farreny, 12 mars 2008
aussi

Dans une encyclopédie russe, je vois le portrait du Gaon lui-même : visage fanatique, yeux brûlants, bouche aux contours fermes, barbe flamboyante. Les visages des hommes sages accrochés au mur de la salle de lecture sont plus doux, plus chauds, mais ils pâlissent à côté de celui du Gaon. Tout comme ce qui est doux, sage, pâlit à côté de ce qui est violent. Aujourd’hui. Mais demain, ce qui est violent aussi aura disparu.

Alfred Döblin, « Voyage en Pologne », « Théodore Balmoral » n° 59-60, printemps-été 2009, pp. 31-32.

David Farreny, 17 nov. 2009
bâillante

Dieu sait quel désir avait à ce point levé la terre et les arbres sur la terre et le ciel parfait au-dessus des arbres. L’homme qui croyait savoir, d’expérience et de réflexion, l’essentiel de la vie, n’en revenait pas de la densité de joie qui fixait le temps aux marges infimes de l’éternité. De hautes fleurs bleues balançaient leurs clochettes. Il aurait fallu respirer sans bouger et que, dans les veines, le sang courût sans mouvements. Alors peut-être, proie toute pure de sa ferveur, l’homme eût-il atteint ce qu’il était venu chercher : un souvenir aboli, un mot oublié, un désir inconnu — la vérité dont son être était le fruit égaré, la plénitude de ce qui n’avait guère été jusqu’à présent, chez lui, que le vide, le creux, la vallée bâillante et sans foi.

Claude Louis-Combet, « La tombe à son plus haut point », Rapt et ravissement, Deyrolle, p. 38.

Élisabeth Mazeron, 29 mars 2010
accepter

C’est dès qu’on respire qu’on est sommé d’agir, exposé à pâtir. Aussi un accès infaillible, fulgurant nous est-il ménagé sur l’endroit précis où les heures d’or, les nôtres attendent notre venue pour commencer leur ronde. J’ai su où était ma place quand je n’avais pas le premier mot pour l’expliquer. Ç’aurait été sans importance si j’avais pu m’y établir. Je le cherche parce que ce qui est arrivé n’est pas ce qui aurait dû et qu’on peut toujours, à défaut, s’efforcer de comprendre, d’accepter.

Pierre Bergounioux, Le premier mot, Gallimard, p. 20.

Élisabeth Mazeron, 7 mai 2010
travaillant

Hier soir, pour finir l’année, la Spanische Reitschule de Vienne. En harnachement, tapis de selle brodés, Saumur n’en approche pas. Tout mon passé de cavalier réapparaît : de l’École, j’ai appris le buste droit, les coudes au corps, la main immobile sur le garrot ; mais je n’ai jamais su jouer des reins comme ces écuyers, les doigts travaillant la rêne, comme les flûtistes des trous de leur instrument. La beauté de marbre blanc des lippizans, leur œil intelligent et confiant, ce sang oriental, où on sent le Turc, si près de Vienne aux XVIIe et XVIIIe, me touche, c’est le cas de le dire, aux larmes. Je pleure comme un veau, sur ma vie de cavalier défunte ; je retrouve les appuyers, le plaisir de sentir le cheval bien passer sa jambe sur l’autre, se pencher, couler dès qu’on ouvre l’écluse, dès qu’on cesse de le maintenir sous la pression de la botte. […]

Je me suis endormi, hier soir, brisé par le chagrin, l’amour du cheval (si souvent dans mes rêves), le regret de ma déchéance, ridicule réaction, pour une vraie douleur, c’est trop.

Paul Morand, « 1er janvier 1973 », Journal inutile (2), Gallimard, pp. 9-10.

David Farreny, 7 août 2010
fulgurent

Comme c’est drôle la vie, tout de même ! Des années – quelquefois – se suivent, se succèdent bêtement sans apporter quoi que ce soit de nouveau à votre destinée, si ce n’est que de rogner chaque jour, un peu, les ailes de ce stupide et charmant volatile qu’on appelle l’Espérance et puis, d’un coup, voilà qu’en un instant tout est changé ! Le marécage de votre plate existence se transforme brusquement en tumultueux océan. Des lueurs fulgurent le gris terne de votre firmament et des ailes, croirait-on, vous poussent aux omoplates.

Alphonse Allais, L’Affaire Blaireau, FeedBooks.

Cécile Carret, 11 nov. 2011
salauds

Il y avait ce jeune aurivergiste à cheval avec sa belle blonde, descendus déjeuner sous la paillotte où se retrouvent les membres des tribus les plus illustres de Rouen. Je n’ai rien contre la réussite matérielle. Si elle a tant de succès, c’est qu’elle plaît, et j’admets très bien que d’autres trouvent leur compte dans la possession d’objets chers sans se tromper plus que moi sur le sens de la vie. Mais prenons ce cas précis : cet homme possède un cheval, et un beau. Vous déplacer à cheval est plus confortable, va plus vite et vous confère généralement une image plus valorisante que vous déplacer à pied. Avoir une belle femme à son bras, de même, est plus satisfaisant que sortir avec une laide. Peu importe, je me demande : quand il arrête de paraître et qu’il retrouve sa blonde dans l’intimité, que se disent-ils, que partagent-ils de si intéressant, de plus intéressant que la plupart des gens ? Que moi ? Leur apparence doit perdre de sa superbe. Ils échangent des propos moins brillants. La platitude les écrase jour après jour jusqu’à la nausée. Salauds. Allez crever !

Julien Péluchon, Pop et Kok, Seuil, p. 80.

Cécile Carret, 9 mars 2012
litanie

Les jours du 11 novembre, à Cour-Cheverny, tous les écoliers faisaient le tour du village à pied derrière les maîtresses et les maîtres et les anciens combattants et la fanfare. Il pleuvait tout le temps comme un mauvais miracle.

Le monument aux morts, avec la stèle et la litanie des noms, était collé à l’école, si bien que pour qu’il y ait un parcours, on s’en éloignait pour revenir ensuite.

Emmanuelle Guattari, Ciels de Loire, Mercure de France, p. 23.

Cécile Carret, 22 sept. 2013

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