dilemme

Dilemme : le fusil ou le travail.

Jean-Pierre Georges, Le moi chronique, Les Carnets du Dessert de Lune, p. 24.

David Farreny, 19 nov. 2006
vertu

Au retour, nous retrouvions notre baraque chauffée à blanc par le soleil de la journée. En poussant la porte, nous retouchions terre. Le silence, l’espace, peu d’objets et qui nous tenaient tous à cœur. La vertu d’un voyage, c’est de purger la vie avant de la garnir.

Nicolas Bouvier, L’usage du monde, Payot & Rivages, p. 30.

Cécile Carret, 30 août 2007
cour

Tu es la cave fermée

au sol de terre battue,

où l’enfant est entré

une fois, les pieds nus,

et sans cesse il y pense.

Tu es la chambre sombre

qu’on évoque sans cesse,

comme l’ancienne cour

où l’aube se levait.

Cesare Pavese, La mort viendra et elle aura tes yeux, Gallimard, pp. 194-195.

David Farreny, 2 sept. 2008
alors

Et je l’accompagnai jusqu’à la prochaine cabine téléphonique.

(Bizarre, d’être comme ça à l’extérieur : le squelette de fer jaune, rempli de plaques de verre ; dedans, la longue qui s’affaire, le combiné noir contre l’oreille ; se tourne comme si elle parlait de moi ; se tait pendant dix secondes ; à l’autre bout se trouve sans doute une villa, vingt pièces, une mère distinguée hausse les sourcils, à l’arrière-plan un père gros & courtaud qui grogne) : « Alors ? ! » Et elle me fit un sourire cruel : « Tout va bien ! ».

Arno Schmidt, « Sortie scolaire », Histoires, Tristram, p. 137.

Cécile Carret, 2 déc. 2009
extra-souple

Essayer de voir comme démodée cette phrase même : « Essayer de tout voir comme démodé. »

Phrase invertébrée, lâche, extra-souple, avec son départ très moderne, très démodé, sur un infinitif qu’on pourrait nommer « suggestif », ou « invitatif », et aussi « collectif », qui n’est franchement ni un ordre, ni un souhait, ni un conseil, et qui s’adresse, infinitivement vague, à tout le monde, à personne, et reste en même temps ouvert et fermé et nous entraîne, comme les portes tournantes des hôtels et des grands magasins, — un infinitif analogue au substantif non précédé de l’article (Commutateurs) et qui se trouve chez la plupart des auteurs de ce temps.

Mais, à le considérer attentivement, c’est aussi un départ, une mise en marche, sans heurt et sans à-coup, qui ne manque pas de grâce, d’une grâce durable : départ infinitif, sans limites temporelles ni appuis personnels, nuée qui passe et se dissout dans la lumière intérieure, parole en l’air, semence errante et transportée.

Mais la phrase qui a été pensée et construite sur lui est encore incomplète : il y avait deux points, et non pas un point final, après « démodé et périmé ». Il convient à présent de la reprendre et de la terminer :

Essayer de tout voir comme démodé et périmé est d’abord une souffrance, mais ensuite un réconfort, pour l’esprit.

Valery Larbaud, « Aux couleurs de Rome », Œuvres, Gallimard, p. 1052.

David Farreny, 19 nov. 2010
fragiles

Le monde se contractant autour d’un noyau brut d’entités sécables. Le nom des choses suivant lentement ces choses dans l’oubli. Les couleurs. Les noms des oiseaux. Les choses à manger. Finalement les noms des choses que l’on croyait être vraies. Plus fragiles qu’il ne l’aurait pensé. Combien avaient déjà disparu ? L’idiome sacré coupé de ses référents et par conséquent de sa réalité. Se repliant comme une chose qui tente de préserver la chaleur. Pour disparaître à jamais le moment venu.

Cormac McCarthy, La route, L’Olivier, pp. 134-135.

David Farreny, 18 mai 2011
chevreuil

Par ce brouillard je dois te parler. Toutes les Buttes-Chaumont meurent, toutes les rues avoisinantes, les escaliers, les impasses… Ô ténèbre, ô maisons ! ce qui fut notre sang.

Dans mes songes tu es victime.

Le chevreuil était tombé à genoux. Il tremblait excessivement. À la racine de son cœur la flèche écarlate buvait. Je criai : pardon, pardon ! Je prononçai en sanglotant le nom si doux de l’animal. Il tourna vers moi ses gros yeux, où je crus lire plus de pitié pour mes remords que d’horreur pour sa propre torture. Il mourut. Quel silence !

Gilbert Lely, « Ma civilisation », Poésies complètes (1), Mercure de France, p. 43.

Guillaume Colnot, 7 déc. 2013
île

Seul comme Franz Kafka ? Seul comme Philippe Muray ?

Seul comme ? Seul comme ce qui n’a pas de comme.

Sens du soupir de Kafka…

J’ai été seul, et ma solitude je vous l’ai rendue inoubliable.

Solitude la plus basse, la plus noire, la moins romantique, pittoresque, littéraire qui soit. Solitude sexuelle. Tous les sexes ensemble d’un côté et moi de l’autre côté. Ma solitude repose sur leur mime sexuel commis en commun.

Même sur une île déserte, j’aurais toute l’île déserte contre moi.

Philippe Muray, « 6 février 1983 », Ultima necat (I), Les Belles Lettres, p. 243.

David Farreny, 27 mai 2015
moins

Comment démontrer à une femme qu’elle perd moins en n’ayant pas d’enfant, que l’homme en s’en faisant faire ?

Philippe Muray, « 22 juin 1986 », Ultima necat (II), Les Belles Lettres, p. 101.

David Farreny, 2 mars 2016
perspective

Aimer, c’est se placer toujours dans la perspective de la mort de l’autre.

Richard Millet, « 22 novembre 1998 », Journal (1995-1999), Léo Scheer.

David Farreny, 24 avr. 2024

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