démantelaient

Les repas aussi me démantelaient, que je prenais avec eux.

Henri Thomas, Le précepteur, Gallimard, p. 11.

David Farreny, 20 mars 2002
sagesse

La sagesse n’est pas venue, dit Pollagoras. La parole s’étrangle davantage, mais la sagesse n’est pas venue.

Henri Michaux, « La vie dans les plis », Œuvres complètes (2), Gallimard, p. 233.

David Farreny, 14 avr. 2002
préoccupant

Certes, la durée de la vie humaine est chez nous bien augmentée mais le ralentissement des réflexes avec l’âge reste préoccupant.

Nos vieillards, nous les prolongeons aisément jusqu’à deux cents, deux cent cinquante ans, mais ils se font presque tous écraser dans la rue à cent trente ou cent quarante.

Henri Michaux, « Face aux verrous », Œuvres complètes (2), Gallimard, p. 514.

David Farreny, 30 juin 2002
comprendre

Comment viennent les mots ?

Comprendre est aussi une sensation

perdue

perdue

Henri Michaux, « Connaissance par les gouffres », Œuvres complètes (3), Gallimard, p. 53.

David Farreny, 21 oct. 2005
pencher

Nous sommes juste au-dessus des Fenestrelles. Mieux vaut bien sûr ne pas trop se pencher. Pericoloso sporgersi. Curieux que personne n’ait dit cela en mourant.

Renaud Camus, Le département de l’Hérault, P.O.L., p. 232.

David Farreny, 2 mars 2006
procès

Toute conscience, Husserl l’a montré, est conscience de quelque chose. Cela signifie qu’il n’est pas de conscience qui ne soit position d’un objet transcendant, ou, si l’on préfère, que la conscience n’a pas de « contenu ». Il faut renoncer à ces « données » neutres qui pourraient, selon le système de références choisi, se constituer en « monde » ou en « psychique ». Une table n’est pas dans la conscience, même à titre de représentation. Une table est dans l’espace, à côté de la fenêtre, etc. L’existence de la table, en effet, est un centre d’opacité pour la conscience ; il faudrait un procès infini pour inventorier le contenu total d’une chose. Introduire cette opacité dans la conscience, ce serait renvoyer à l’infini l’inventaire qu’elle peut dresser d’elle-même, faire de la conscience une chose et refuser le cogito. La première démarche d’une philosophie doit donc être pour expulser les choses de la conscience et pour rétablir le vrai rapport de celle-ci avec le monde, à savoir que la conscience est conscience positionnelle du monde. Toute conscience est positionnelle en ce qu’elle se transcende pour atteindre un objet, et elle s’épuise dans cette position même.

Jean-Paul Sartre, « Le cogito “préréflexif” et l’être du “percipere” », L’être et le néant, Gallimard, pp. 17-18.

David Farreny, 11 oct. 2008
adhérence

J’aurais voulu de la compassion, de cette sorte que j’éprouve moi-même devant certains regards, par exemple, celui des vieillards trop faibles physiquement pour voir le monde au-delà de leur environnement domestique, des enfants à qui l’on cache certaines clefs de ce monde, des animaux qui s’orientent, le museau au ras du sol, et qui tous sont dans l’impossibilité de percevoir le sens d’une souffrance qui les accable. Leur être même se confond avec cette souffrance et les regards arrêtés qu’ils lèvent vers les hommes et les femmes avertis et responsables disent leur adhérence au malheur. Je crois sincèrement avoir eu cette crédulité quand je souffrais moi-même sans pouvoir donner d’autre explication que celles que la langue transporte sans plus aller puiser dans le tréfonds des sentiments personnels.

Catherine Millet, Jour de souffrance, Flammarion, pp. 181-182.

Élisabeth Mazeron, 18 mars 2009
heureux

Combien de temps ces pays resteront-ils proposés au regard dans leur presque intacte, tranquille et discrète splendeur, au rêve et au pas ? Il n’y a qu’en Espagne, dans les solitudes de la Haute-Castille, qu’on échappe à ce sentiment constant que la beauté du paysage est forcément un crépuscule, un mirage qui va se dissoudre, un dernier instant de bonheur. Comme nous étions heureux, R. et moi, dans Gormaz, courant d’une brèche à l’autre des murailles, pour voir le Duero s’enrouler au pied de la forteresse ! Mais le savions-nous bien ?

Renaud Camus, « vendredi 6 juin 1986 », Journal romain (1985-1986), P.O.L..

David Farreny, 8 juin 2009
calao

On est parce qu’on porte un brin de paille. Quelqu’un nous l’a laissé quand ce fut l’heure de le porter. Et la réciproque est vraie : on porte un brin de paille, un étui pénien, l’ordre du grand calao parce qu’on est.

Pierre Bergounioux, L’orphelin, Gallimard, p. 46.

Élisabeth Mazeron, 7 juin 2010
pâture

Buée de buée       a dit le Sage       buée de buée       tout

est buée

Tous les fleuves   vont vers la mer   et la mer

n’est pas pleine       vers le lieu       où vont les fleuves

                            là ils vont toujours

Toutes choses sont d’une lassitude   nul ne saura   le dire

                     l’œil n’en aura pas assez                     de voir

              et l’oreille ne se remplira pas d’entendre

                            et tenez tout est buée et pâture

de vent.

Georges Perros, « La pointe du Raz », Papiers collés (3), Gallimard, p. 138.

David Farreny, 26 mars 2012
faire

Je ne vois pas ce que je pourrais faire de moins.

Jean-Pierre Georges, « Jamais mieux (4) », «  Théodore Balmoral  » n° 74, printemps-été 2014, p. 77.

David Farreny, 8 juil. 2014
moyens

Ma paresse frise la monstruosité ; je suis trop raisonneur pour faire un visionnaire ; aucun dieu n’a jamais daigné me ventriloquer. Autant dire que l’évocation de ces formes de génie, toutes au-dessus de mes moyens, me déprime. Plus démoralisant encore est Aristote. « Les hommes qui furent exceptionnels en philosophie, en politique, en poésie, dans les arts, étaient mélancoliques, dit-il, certains au point de contracter des maladies causées par la bile noire, comme le mythique Héraclès – dont les anciens disaient qu’il souffrait de la “maladie sacrée”, nom donné au mal des épileptiques. » Je partage les maux d’Héraclès. Une sombre toxine circule dans mes artères et, parfois, le haut mal me terrasse. Mais je n’ai pas sa carrure. Mon seul héroïsme consiste à assommer mes démons intérieurs avec la massue de la chimie. C’est entre deux crises, pendant une éclaircie euphorique, que je tente d’écrire. […] Grâce à Montaigne, j’ai perdu tout complexe d’humilité à l’égard des grands auteurs dont, étudiant, je me gardais de relever et de commenter les obscurités, sinon les absurdités. Puisque, disait-il, les maîtres ne font que s’« entregloser », pourquoi s’interdire de reprendre les pages de l’un d’entre eux, ancien ou contemporain, et de griffonner remarques ou objections qui, même éparses et décousues, pourraient devenir à leur tour les éléments d’un essai personnel ? Montaigne confessait aussi que, quand il se hasardait à une méditation, il ne se sentait pas tenu de traiter à fond son sujet ni de n’en pas changer si cela lui plaisait. C’est devenu ma méthode. Du dialogue avec un philosophe, je passe à une conversation avec moi-même. Mon propos me barbe ? Je brise là. Il me tient à cœur ? Je le lâcherai plus tard, dès qu’il me rasera. Montaigne disait : « Je ne suis pas philosophe », ou, à la rigueur, « imprémédité et fortuit ». Sur mes cartes de visite, j’ai fait graver : « Philosophe sans qualités ».

Frédéric Schiffter, « Génie et pharmacie », Le philosophe sans qualités, Flammarion.

David Farreny, 26 mai 2024

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