insaisissables

Les imbéciles font de bien plus redoutables adversaires, dans une discussion, que les gens intelligents, car n’exerçant aucun contrôle sur leurs propres arguments, ils sont insaisissables.

Renaud Camus, Buena Vista Park, Hachette/P.O.L., p. 67.

David Farreny, 14 avr. 2002
steamers

Vaisseaux des ports, steamers à l’ancre, j’ai compris

Le cri plaintif de vos sirènes dans les rades.

Sur votre proue et dans mes yeux il est écrit

Que l’ennui restera notre vieux camarade.

Vous le porterez loin sous de plus beaux soleils

Et vous le bercerez de l’équateur au pôle.

Il sera près de moi, toujours. Dès mon réveil,

Je sentirai peser sa main sur mon épaule.

Jean de La Ville de Mirmont, L’horizon chimérique, La Table Ronde, p. 22.

David Farreny, 9 sept. 2003
éternité

La régression temporelle ne peut que nous révéler une éternité antérieure dont absolument rien n’a pu être absent ; car nous ne pouvons pas concevoir que l’éternité qui nous suivra puisse réaliser quoi que ce soit de plus que la première.

Emil Cioran, « Maurice Maeterlinck », Solitude et destin, Gallimard, p. 265.

David Farreny, 24 juin 2005
comprenez

Je restais assis comme si je n’avais pas été là.

— Tri-li-li.

Le silence, de nouveau, la prairie, l’azur, le soleil, déjà plus bas, des ombres qui s’allongeaient.

— Tri-li-li !

Mais cette fois, il y allait carrément, c’était agressif comme un signal d’assaut. Et aussitôt tomba un

— Berg !

À voix très haute, très nette… je ne pouvais pas ne pas demander ce que cela signifiait.

— Comment ?

— Berg !

— Quoi, berg ?

— Berg !

— Ah oui, vous parliez de deux juifs… C’est une histoire juive.

— Quelle histoire ? Berg ! Le berguement du berg dans le berg – vous comprenez ? – le bemberguement du bemberg…

Il ajouta d’un ton rusé :

— Tri-li-li.

Witold Gombrowicz, Cosmos, Denoël, p. 158.

Cécile Carret, 11 déc. 2007
secret

L’eau fuit avec des froissements de couleuvre, tinte, dans sa hâte, contre les pierres, écume légèrement contre sa rive, profère des paroles que j’ai failli comprendre, qu’il a tenu à un imperceptible défaut d’articulation de sa part ou d’attention de la mienne, que je n’entende. Une bouche humide a formé, à trois pas, les mots qui contenaient à n’en pas douter un grand secret. J’ai surpris la voix de la terre rêvant tout haut mais notre désaccord foncier, le mauvais vouloir, l’hostilité qu’elle nous a marqués, d’emblée, à nous qui pourtant étions ses enfants, n’a pas permis que j’en recueille le dire, que je sois introduit, trop passager, périssable, sans doute, à de profondes, d’éternelles vérités.

Pierre Bergounioux, Le chevron, Verdier, p. 14.

Élisabeth Mazeron, 3 mars 2008
avant

Il reste tant de choses à faire avant d’anticiper.

Antoine Émaz, Lichen, encore, Rehauts, p. 58.

Cécile Carret, 4 mars 2010
colorées

Parce qu’il y a plein de choses partout, colorées, curieuses, intéressantes et qu’il est, qu’il serait plaisant de faire partager à quelqu’un au sort de qui l’on s’intéresse l’intérêt qu’on leur trouve. C’est mieux si l’agrément qui s’attache au temps qui passe, à ce qui arrive est partagé. De même qu’on supportera mieux le froid, le chagrin s’il y a un tiers qui trouve que ce n’est pas à rien qu’ils s’appliquent. À sa manière, il contribuera à supporter ce qui est lourd, cruel et ce le sera beaucoup moins.

Pierre Bergounioux, L’orphelin, Gallimard, p. 135.

Élisabeth Mazeron, 17 juin 2010
frappe

Plus je lis de ces livres intéressants mais pas déterminants, plus me hante cette nécessité d’une frappe verbale exacte. Gifle ou caresse, mais précise, exactement mesurée, impeccablement juste.

Antoine Émaz, Cuisine, publie.net, p. 262.

Cécile Carret, 2 fév. 2012
rêveur

Le rêveur est de ceux-là, à l’évidence. Il a du mal à se faire accepter, et il faut bien reconnaître qu’il n’y met pas du sien. Sa socialisation est chaotique, douloureuse. S’étant trop attardé dans sa tour d’ivoire, il a manqué beaucoup d’épisodes, et se retrouve éternellement en porte à faux. Son en dedans, il le connaît comme sa poche, mais son en dehors, il peine à l’ajuster à celui des autres. Ses lubies et ses élucubrations embarrassent tout le monde ; il tient des propos d’une grandiloquence déplacée. Le plaisir particulier qu’il prend au simple fait d’être en vie – même s’il donne parfois une impression illusoire de neurasthénie –, l’émerveillement inépuisable que lui procure sa propre capacité à respirer, à aimer, à s’émouvoir, à penser, à créer, et même à souffrir, peuvent facilement le rendre d’une fatuité exténuante, voire d’un effarant égocentrisme, qui peuvent finir par taper sur le système des mieux disposés. Les autres, grâce à lui, se rengorgent, confortés dans leur propre sentiment de sagesse, de rectitude et de conformité. Ils pensent être comme il faut, « dans la vie ». Les imbéciles. Ils ignorent qu’ils avancent à tâtons, que ceux qu’ils croient judicieux de suivre sont aussi perdus qu’eux ; et que le rêveur, lui, comme autrefois la pythie de Delphes, sait.

Mona Chollet, La tyrannie de la réalité, Calmann-Lévy, p. 23.

Cécile Carret, 1er mai 2012
limites

L’homme est peut-être moitié esprit et moitié matière, comme le polype qui est mi-plante, mi-bête. Les plus étranges créatures sont toujours celles se trouvant aux limites.

Georg Christoph Lichtenberg, Le miroir de l’âme, Corti, p. 210.

David Farreny, 11 déc. 2014

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