Je fus le vivant qui dit : « Je veux d’abord hiverner. »
Henri Michaux, « Face aux verrous », Œuvres complètes (2), Gallimard, p. 449.
Antenne télévision en rouge et blanc se détache sur ciel pâle, en haut d’une colline où les arbres ont été rasés du sommet pelé. La ceinture des paraboles de réception, six haubans, et au sommet le court cylindre de l’émetteur, une lampe blanche clignote pour prévenir d’improbables avions égarés, un bâtiment bas au pied et les éternels grillages clos.
François Bon, Paysage fer, Verdier, p. 10.
Nous avons tous assez de force pour supporter les maux d’autrui.
François de la Rochefoucauld, Maximes, Flammarion, p. 47.
Une demeure (cabane, chambre, terrier ou nid) n’est que la réalisation au-dehors de cette impression d’intérieur que l’on a de son propre corps.
Henri Michaux, « Connaissance par les gouffres », Œuvres complètes (3), Gallimard, p. 98.
Et, Pierre ne voulant ni prendre l’autoroute ni traverser Agen, nous sommes rentrés par des voies intéressantes et bizarres, dont n’apparaissaient clairement dans la nuit que les noms, de sorte qu’il faudra, pour en savoir plus, retourner à Bruch, au château de Saint-Loup, à Montagnac-sur-Auvignon ou à Moncaut, comme bien sûr à tout.
Ma mère a raison : même à cent ans nous ne faisons partout que des premières visites. Vivre, c’est reconnaître le terrain dans la nuit. Et le jour où nous pourrions enfin l’éprouver à loisir et dans la lumière, il a glissé, ou bien c’est nous.
Renaud Camus, « lundi 31 décembre 2007 », Une chance pour le temps. Journal 2007, Fayard, p. 495.
La phrase de Chateaubriand : « Je serai heureux d’être parti avant qu’une telle félicité ne soit advenue » (l’égalité des temps futurs), nous nous la répétons, Hélène et moi, tous les jours.
Paul Morand, « 10 juin 1973 », Journal inutile (2), Gallimard, p. 72.
Dans les magasins, j’aime bien quand les gens dans un rayon me glissent : c’est une bonne confiture ; je leur prête une oreille sincère. J’achète le pot, j’aime bien goûter, pour ressentir ce qu’ils ressentent. C’est le grand mystère, cette impossible lecture directe de ce que sentent les autres, comment ils ressentent. Ce qu’ils pensent.
Emmanuelle Guattari, Ciels de Loire, Mercure de France, p. 117.
Mais le souverain détachement des choses de ce monde auquel je m’efforçai de parvenir par la méditation, l’ascèse, le yoga, le jeûne, l’abstinence, la lecture des stoïciens et l’étude des grands sages de l’Orient me vint finalement comme une grâce avec la dépression consécutive à ces macérations.
Éric Chevillard, « lundi 1er juin 2020 », L’autofictif. 🔗