pays

Ah fromage voilà la bonne madame

Voilà la bonne madame au lait

Elle est du bon lait du pays qui l’a fait

Le pays qui l’a fait était de son village

Ah village voilà la bonne madame

Voilà la bonne madame fromage

Elle est du pays du bon lait qui l’a fait

Celui qui l’a fait était de sa madame

Ah fromage voilà du bon pays

Voilà du bon pays au lait

Il est du bon lait qui l’a fait du fromage

Le lait qui l’a fait était de sa madame

Benjamin Péret, « Le grand jeu », Œuvres complètes (1), Éric Losfeld, p. 71.

Guillaume Colnot, 27 mars 2003
pléonasme

Il y eut dix Aristote : le premier est notre philosophe ; le second gouverna à Athènes, et on lui attribue d’agréables discours judiciaires ; le troisième a écrit sur l’Iliade ; le quatrième est un orateur siciliote qui fit un écrit contre le Panégyrique d’Isocrate ; le cinquième, surnommé Mythos, était un ami d’Eschine, le disciple de Socrate ; le sixième était de Cyrène et fit un art poétique ; le septième était pédotribe, et Aristoxène fait mention de lui dans sa Vie de Platon ; le huitième fut un obscur grammairien qui fit un traité sur le pléonasme.

Diogène Laërce, « Aristote », Vie, doctrines et sentences des philosophes illustres (1), Flammarion, p. 240.

David Farreny, 11 août 2005
pencher

Nous sommes juste au-dessus des Fenestrelles. Mieux vaut bien sûr ne pas trop se pencher. Pericoloso sporgersi. Curieux que personne n’ait dit cela en mourant.

Renaud Camus, Le département de l’Hérault, P.O.L., p. 232.

David Farreny, 2 mars 2006
tranchée

Comment ressusciter cet état, comment et sans adjuvant retrouver creusée la tranchée extraordinaire ?

Henri Michaux, « Face à ce qui se dérobe », Œuvres complètes (3), Gallimard, p. 900.

David Farreny, 29 juil. 2006
indérangée

Paresse : rêve sans fin qui rêve indérangée

la vie, parenthèse fluide

Alentour, projets, plans, départs,

Des édifices tombent, montent, remontent,

Paresse rêve

sur son puits qui s’approfondit

Henri Michaux, « Déplacements, dégagements », Œuvres complètes (3), Gallimard, p. 1320.

David Farreny, 7 août 2006
compter

Le réel — le tenu pour réel, qui serait réel même pour un chien — manque en ce moment, continue à manquer par vagues.

Le mur sans sa nature de mur, c’est incroyablement éprouvant. Homme ou animal, on doit pouvoir compter sur les solides.

Henri Michaux, « Déplacements, dégagements », Œuvres complètes (3), Gallimard, p. 1353.

David Farreny, 7 août 2006
aliénés

Être de rien qui, face au rien de ce monde, demeure sensible. Timidement. C’est que, même aliénés, contraints, nos sens et émotions veulent vivre ; quitte à se nourrir de ce qui les appauvrit.

Jean-Philippe Domecq, Artistes sans art ?, 10/18, p. 262.

David Farreny, 26 déc. 2006
virtualité

Les avantages d’un état d’éternelle virtualité me paraissent si considérables, que, lorsque je me mets à les dénombrer, je n’en reviens pas que le passage à l’être ait pu s’opérer jamais.

Emil Cioran, De l’inconvénient d’être né, Gallimard, p. 138.

David Farreny, 12 mars 2008
honte

Moralité : ce n’est plus le sentiment de supériorité religieuse, raciale ou nationale qui, sous nos latitudes, fait les antisémites, c’est la honte, la contrition, une mémoire en forme de casier judiciaire et le remords d’appartenir au camp des oppresseurs. Ainsi s’égare la mauvaise conscience ; ainsi bascule dans la monstruosité cette aptitude à se mettre soi-même en question qui a longtemps constitué le meilleur de l’Occident, son trait distinctif et sa principale force spirituelle.

Alain Finkielkraut, « Au pays du progressisme déconcertant », L’imparfait du présent, Gallimard, p. 235.

Élisabeth Mazeron, 9 janv. 2010
remuions

Prenons, par exemple, le cours d’expression orale. Elle nous invitait à tourner notre attention vers ce qui se déroulait à l’extérieur, puis à nous en inspirer pour parler. Il y avait rarement plus de deux ou trois élèves dans la classe. Nous marchions jusqu’à la fenêtre, nous nous penchions. Nous observions le ciel marbré de plomb et les monticules de gravats dans les rues défoncées et désertes.

— Vous avez aussi le droit de fermer les yeux, prévenait Sarah Kwong.

Je fermais les yeux, le décor changeait ou ne changeait pas, parfois nous nous retrouvions près d’un fleuve équatorial, parfois nous étions à jamais étrangers à tout, parfois nous remuions lugubrement au-delà du bord de la mort. L’exercice consistait à revenir ensuite devant Sarah Kwong et à poser des questions ou à y répondre.

— Où sommes-nous ? demandais-je.

Sarah Kwong attendait que la question finisse de résonner, puis elle répondait :

— À l’intérieur de mes rêves, Dondog, voilà où nous sommes.

Elle prononçait cela avec une dureté évidente, en me lançait un regard qui ne manquait pas de pédagogie, négateur, comme si mon existence n’avait plus la moindre importance ou comme si ma réalité n’était qu’une hypothèse très sale.

C’est cela qui me déplaisait dans l’école, cette assurance avec quoi on démolissait mes moindres certitudes sur tout.

Antoine Volodine, Des anges mineurs, Seuil, p. 104.

Cécile Carret, 14 sept. 2010
royal

La neige a de grands pieds, le petit tailleur ne peut faire autrement que de marcher dessus, mais il ne pèse rien et, parvenu au sommet de la montagne, il continue quelques temps encore sur sa lancée, dans l’azur, voilà un prodige que les frères Grimm se sont bien gardés de rapporter, soucieux seulement des ruses et des astuces de leur personnage et lui déniant les pouvoirs merveilleux ou magiques dont ils ont doté avec générosité les héros des autres contes, on se demande pourquoi ce traitement différent tandis que le petit tailleur sous nos yeux s’élève bel et bien dans les airs simplement en agitant les jambes et en secouant les épaules pour forcer l’aigle royal à lâcher prise, lequel en effet finit par le laisser choir dans un buisson qui amortit sa chute.

Éric Chevillard, Le vaillant petit tailleur, Minuit, p. 52.

Cécile Carret, 25 avr. 2011
rayonnement

Mais avant tout nous poursuivions notre travail sur le langage, car nous reconnaissions dans la parole l’épée magique dont le rayonnement fait pâlir la puissance des tyrans. Parole, esprit et liberté sont sous trois aspects une seule et même chose.

Ernst Jünger, Sur les falaises de marbre, Gallimard, p. 85.

Cécile Carret, 27 août 2013
portée

Ne pas naître est sans contredit la meilleure formule qui soit. Elle n’est malheureusement à la portée de personne.

Emil Cioran, « De l'inconvénient d'être né », Œuvres, Gallimard, p. 898.

David Farreny, 1er mars 2024

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