Aucun sacrifice ne modifiera les formes naturelles du mal.
Dominique de Roux, Immédiatement, La Table ronde, p. 220.
Défaire
détourner
ramener à soi
rejeter d’auprès de soi
froisser
Insignifier par des traits
Percer
pousser
cherchant
cherchant toujours LA SORTIE DU TERRIER
Henri Michaux, « Par des traits », Œuvres complètes (3), Gallimard, p. 1250.
Les vaches vivent à l’horizon dans l’immanence des champs. Loin de nous. Loin de tous.
Frédéric Boyer, Vaches, P.O.L., p. 15.
Je sais bien : La fatigue, la nuit, le repos, le silence… Éluard, le passé, l’alexandrin, le nombre. Nous ne pouvons même pas prétendre, à l’instar de Pascal, que le disposition des matières est nouvelle. Dirons-nous que la nouveauté serait un sens encore trop fort, pour aujourd’hui du moins ? Ce n’est pas de nouveauté que nous avons soif, tous les deux, mais de retour en arrière, au contraire, de régression, d’arrêt sur des images heureuses, qui pourtant nous ravagent. Pas d’issue. Le téléphone n’a pas sonné du tout, cette fois. C’est de nouveau la nuit. Deuxième nuit blanche. Continuer, continuer, surtout ne pas laisser la réalité de la douleur s’échapper de ce lacis de mots où nous essayons de l’enserrer, le regret subvertir ce glacis de phrases que nous tâchons d’opposer à son avance, l’humeur noire submerger les paragraphes qui s’éreintent et s’érigent à la contenir. Il suffit de ne pas relâcher un seul instant la maniaque emprise de la ligne, des caractères qu’elle met en bon ordre, de la main qui les accouche. Rester coûte que coûte à la table, puisque le lit ne voudrait de nous, de toute façon, que pour nous tordre et nous tourner et retourner, et nous torturer de questions, lui aussi, de suggestions impraticables, de reconstitutions hallucinées et de ressassements impuissants. Si ce remède de cheval allait être pire que le mal, pourtant ?
Renaud Camus, Le lac de Caresse, P.O.L., pp. 36-37.
On vise la réalité, et puis finalement on tire n’importe où.
Jean-Pierre Georges, L’éphémère dure toujours, Tarabuste, p. 65.
La maison ? Lumière avare, vacillante. Couleurs mortes. Ombres vertes. Sur toute surface, toujours une mouche en auscultation. Troupeaux de chaises de multiples espèces, du formica au Renaissance. Abondance d’objets, rares ou banals, sur grande variété de meubles. Leurs corps aveugles embarrassent les déplacements. Livres, vieux journaux enrobés de poussière, paquets de photographies, boîtes et pots, médicaments. Murs intranquilles, portant le poids d’images si enfoncées dans leurs cadres proliférants qu’on a l’impression de ne jamais parvenir à les atteindre.
Pierre Jourde, Festins secrets, L’Esprit des péninsules, p. 48.
Combien de pères malpropres il y a, combien de mères délabrées ! Comme les hommes qui se croient aimés sentent souvent la crasse, et comme les coiffures des femmes qui se fient à leur amant sont souvent aplaties ! Les pantalons d’un conjoint sont souvent tachés et déformés, alors qu’un célibataire vivant seul débute presque toujours sa journée étincelant et bien rasé. C’est la certitude des gens liés de ne plus avoir à plaire qui fait cela, puisqu’ils ont déjà plu une fois et que celui ou celle à qui ils ont plu saura bien s’en souvenir. À cela s’ajoute leur peur panique de plaire une nouvelle fois et d’être entraînés dans les abîmes d’une nouvelle passion. Souvent, retenu par la crainte de plaire, on oublie d’être aimable.
Matthias Zschokke, Maurice à la poule, Zoé, p. 79.
Je me souviens aussi de ce slogan : « Seul un enfant qui vient de naître est pur. » Qui donc est pur ? Le nourrisson qui cherche le sein de sa mère ? Le petit garçon au visage flou, à sa droite, qui regarde le photographe ? Ou le jeune homme qui entre dans la salle de banquet ? Ce jeune homme souriant marche vers nous. Son nom de guerre est Duch. Nous étions tous impurs et nous l’avons payé.
Rithy Panh, L’élimination, Grasset, p. 89.
Si quelqu’un vous dit ah la poésie ! vous êtes prêt à lui faire écho. Mais s’il vous en débite c’est une autre affaire.
Robert Pinget, Monsieur Songe, Minuit, p. 86.
Nous marchions depuis un quart d’heure, en silence, dans le centre-ville de Brive. La plupart des rues étaient piétonnes. Les pavés de la chaussée dessinaient des motifs fleuris. Les façades étaient toutes rénovées. Chaque pierre était jointée à la perfection. À espacements réguliers, des vasques de géraniums alternaient avec des containers d’œillets d’Inde. Des haut-parleurs diffusaient une musique d’ambiance relaxante. Il y avait des boutiques sympas et des haltes gourmandes. Une signalisation spécifique pour les piétons proposait des itinéraires malins. Nous commencions à nous faire chier.
Pierre Lamalattie, 121 curriculum vitæ pour un tombeau, L’Éditeur, pp. 251-252.
Comme si le précieux secret enfoui dans l’obscur pouvait être autre chose qu’une lampe éteinte.
Éric Chevillard, « mardi 28 mars 2023 », L’autofictif. 🔗