diffère

Quelque chose, quelque part diffère.

Henri Michaux, « Les grandes épreuves de l’esprit et les innombrables petites », Œuvres complètes (3), Gallimard, p. 362.

David Farreny, 8 déc. 2005
livre

En revanche, il offre beaucoup à lire. C’est à se demander s’il ne convient pas de ranger parmi les indices de la grande déculturation en cours ces musées qui mettent un point d’honneur à relever, sur le mode plus ou moins ludique — force tiroirs à explorer, en l’occurrence —, et dûment spatialisée, la fonction désertée du livre. Quand personne ne fréquentera plus les millions de volumes des bibliothèques, on ira au musée pour lire : la lecture sera devenue une activité rare, curieuse et protégée, qui se pratiquera uniquement dans des conservatoires des activités culturelles, dans des zones réservées aux traditions savantes ; et, tout s’étant décalé d’un ou de plusieurs crans, on se rendra à Las Vegas ou dans des parcs d’attractions pour y contempler les œuvres d’art.

Renaud Camus, « 29, rue Descartes, Descartes, Indre-et-Loire. René Descartes », Demeures de l’esprit. France II. Nord-Ouest, Fayard, p. 191.

David Farreny, 26 fév. 2010
frime

Quand on a écrit La Comédie humaine, on sait que ce n’était rien, la littérature : seulement cette frime nocturne, ces larmes qu’on s’arrache, ce putsch de l’incipit et ce vouloir qui vous tire en avant, vers la fin, ce corps qu’on troue de caféine, cette espérance mortelle.

Pierre Michon, « Le temps est un grand maigre », Trois auteurs, Verdier, p. 30.

Élisabeth Mazeron, 2 juil. 2010
métamorphoses

Scheidman ne profitait pas de la situation. Son organisme avait subi des métamorphoses qui auraient compliqué une course éperdue. Sous l’influence des brumes radioactives de l’hiver, ses longues squames de peau malade étaient devenues d’imposants goémons. Vu de loin, Scheidman s’apparentait à une meule d’algues sur quoi on eût fait sécher une tête.

Antoine Volodine, Des anges mineurs, Seuil, p. 148.

Cécile Carret, 19 sept. 2010
repos

Je commençai par admirer ; puis savez-vous l’effet que cela me produisit ? je m’endormis. Étendue sur la pierre humide, couverte par la froide vapeur de l’eau, bercée par ce tonnerre, je goûtai là quatre heures du repos le plus profond, et j’y dormirais je crois encore, si, les chevaux étant arrivés, on ne m’avait enfin découverte dans la retraite que j’osais partager avec une énorme grenouille aux yeux calmes, naïade de la cascade, tout étonnée de recevoir une mortelle.

Léonie d'Aunet, « Lettre III. Drontheim », Voyage d’une femme au Spitzberg, Hachette, p. 87.

David Farreny, 8 sept. 2011
secret

Il y a… notre corps, pile, usine, dont nous ne pouvons prévoir ni les décisions ni les choix. Nous transbahutons un secret absolu, et qui s’en croit maître mourra par intérim. J’entends, vivra de même.

Georges Perros, Papiers collés (3), Gallimard, p. 104.

David Farreny, 24 mars 2012
illusions

Au cours de la route mon compagnon B. me prône une décevante philosophie de l’immobilité, de l’indifférence et de l’échec ; il est intéressant et je le crois absolument sincère. Il prétend que j’ai des illusions, c’est bien le cas. J’en ai beaucoup qui n’attendent que moi pour les rendre réelles ; je crains pour lui qu’il n’ait renoncé aux siennes un peu trop tôt. Il prétend que la joie n’existe pas. Je lui accorde qu’elle est disparue quand on croit la tenir, mais comme la contrebasse d’un orchestre on la devine quand elle nous manque.

Nicolas Bouvier, Il faudra repartir. Voyages inédits, Payot & Rivages, p. 35.

Cécile Carret, 17 juin 2012
relatives

Monsieur Songe est né méditatif. Il intervertit les images ou les confond suivant les yeux qu’il ouvre, ceux du dehors ou ceux du dedans. D’où les invraisemblances relatives aux paysages qui lui sont familiers.

Une aquarelle très fluide pour suggérer les illusions de la mémoire.

Cette minute présente.

Robert Pinget, Monsieur Songe, Minuit, p. 27.

Cécile Carret, 7 déc. 2013
effroi

Wittgenstein appartient à la même famille spirituelle — et Cioran, bien sûr, aussi. Il n’y a pour eux ni abri métaphysique, ni consolation religieuse : tout juste la pensée du suicide comme béquille, de l’exil comme ligne d’horizon, du dénuement comme appel à la grandeur, ainsi qu’une forme sournoise d’expiation pour avoir rompu le pacte qui les liait à la communauté. On peut les qualifier au choix de mystiques, de nihilistes ou de farceurs. Mais leur style est à la mesure de leur effroi et, pour paraphraser Karl Kraus, nous dirions qu’ils ont creusé plus profondément que quiconque — sans jamais remonter à la surface. Seuls peuvent les entendre ceux qui vivent à l’ombre de leur tombe.

Roland Jaccard, « Le génie ou le néant », L’enquête de Wittgenstein, P.U.F., pp. 29-30.

David Farreny, 6 déc. 2014
descente

Depuis le hublot de l’avion, les choses de ce monde te paraissent minuscules, dérisoires. Puis l’appareil amorce sa descente et tu redeviens peu à peu un gros con mesquin.

Éric Chevillard, « jeudi 7 mai 2015 », L’autofictif. 🔗

David Farreny, 1er juin 2015
échelle

Même à l’échelle d’une vie, on tombe de haut.

Éric Chevillard, « jeudi 12 mars 2020 », L’autofictif. 🔗

David Farreny, 17 mars 2024

mot(s) :

auteur :

rechercher 🔍fermer