clinophilie

À propos de la « clinophilie » des dépressifs (ou goût de se coucher, d’être étendu), dont parle Lucien Israël dans son Introduction à la psychiatrie, je me rappelle avoir lu, dans le dernier Gogol fou (Passages choisis de ma correspondance avec mes amis, III), ceci qui m’avait frappé : « Je me sens souvent si mal, si mal, je ressens dans toute ma carcasse une fatigue si terrible, que j’en viens à être heureux à un point inimaginable quand enfin se termine la journée et que je peux me traîner jusqu’à mon lit. »

Je rappelle que « clinique » (du grec kleinô, être étendu) désigne à l’origine un établissement où les malades disposent d’un lit où pouvoir s’étendre.

Clément Rosset, Route de nuit, Gallimard, p. 68.

David Farreny, 19 juil. 2005
charmer

Vous voulez demain faire cette démarche. Mais qui vous garantit contre vous-même ? Demain votre volonté d’aujourd’hui aura chu dans le passé, hors de la conscience, elle se sera ossifiée et vous serez entièrement libre par rapport à elle : libre de la reprendre à votre compte ou de vous engager contre elle. On ne peut jurer contre soi ni contre le temps. Le serment à soi, prototype de tous les serments, est une incantation vaine par quoi l’homme essaie de charmer sa liberté future.

Jean-Paul Sartre, « jeudi 23 novembre 1939 », Carnets de la drôle de guerre, Gallimard, p. 220.

David Farreny, 26 déc. 2006
mais

Pour avoir un peu lapidé les gendarmes, trois dames pieuses d’Hérissart sont mises à l’amende par les juges de Doullens. (Dép. part.)

Le sombre rôdeur aperçu par le mécanicien Gicquel près de la gare d’Herblay, est retrouvé : Jules Ménard, ramasseur d’escargots.

Au Mans, le soldat Hervé Aurèle, du 117e, a frénétiquement rossé passants et agents. On l’a capturé à grand’peine. (Dép. part.)

Le chanteur Luigi Ognibene a blessé de deux balles, à Caen, Madelon Deveaux, qui ne voulait pas laisser monopoliser sa beauté. (Dép. part.)

Dans le lac d’Annecy, trois jeunes gens nageaient. L’un, Janinetti, disparut. Plongeons des autres. Ils le ramenèrent, mais mort. (Dép. part.)

Des trains ont tué Cosson, à l’Étang-la-Ville ; Gaudon, près de Coulommiers, et l’employé des hypothèques Molle, à Compiègne.

Une dame de Nogent-sur-Seine disparut (1905) en pyrénéant. On la retrouve, dans un ravin, près Luchon, bague au doigt. (Dép. part.)

Ribas marchait à reculons devant le rouleau qui cylindrait une route du Gard. Le rouleau pressa le pied et écrasa l’homme. (Havas.)

Trente-cinq canonniers brestois, qui sous empire de funestes charcuteries, fluaient de toutes parts, ont été drogués hier. (Dép. part.)

Une fois assommé, Bonnafoux, de Jonquières (Vaucluse), a été posé sur un rail, où un train l’écrasa. (Dép. part.)

Pour un parquet belge, on arrête à Vagney (Vosges) Félicie De Doncker, qui excella à mater la fécondité des Brabançonnes. (Dép. part.)

Un bœuf furieux traînait par la longe vers Poissy le cow-boy Bouyoux. Elle cassa. Alors ce bœuf démonta le cycliste Gervet.

Mme S…, de Jaulnay (Vienne), accuse son père de lui avoir détérioré ses trois filles. Le vieillard s’indigne. (Havas.)

Rue Myrrha, le fumiste Guinet tirait au petit bonheur des balles sur les passants. Un inconnu lui planta un stylet dans le dos.

Près de Villebon, Fromond, qui disait à d’autres pauvres sa détresse, s’engouffra soudain dans un four à plâtre en combustion.

Félix Fénéon, Nouvelles en trois lignes (2), Mercure de France, pp. 16-87.

David Farreny, 4 fév. 2009
méditer

Il faut de moins en moins écrire et bientôt ne plus écrire du tout. L’écriture est contraire à la méditation. Ta paresse à méditer s’appuie sur ce que tu comptes te délivrer à demi en écrivant.

Pierre Drieu La Rochelle, « Journal 1944-1945 : 8 janvier », Récit secret. Journal 1944-1945. Exorde, Gallimard, p. 74.

Élisabeth Mazeron, 20 juin 2009
heure

Ô heure merveilleuse, sérénité parfaite, jardin sauvage. Tu tournes le coin de la maison et, dans l’allée, la déesse du bonheur se hâte à ta rencontre.

Franz Kafka, « Journaux », Œuvres complètes (3), Gallimard, p. 432.

David Farreny, 8 nov. 2012
première

C’était la première fois, a-t-elle livré, qu’elle était avec quelqu’un qui n’avait pas déjà une vie derrière lui, quelqu’un qui n’était pas avec quelqu’un d’autre en même temps.

Alain Sevestre, Poupée, Gallimard, p. 117.

Cécile Carret, 19 mars 2014
chauve-souris

La chauve-souris dort d’un sommeil de fil à plomb.

Éric Chevillard, « mardi 18 mars 2014 », L’autofictif. 🔗

Cécile Carret, 19 mars 2014
vérité

Si cela était vrai, que gagnerions-nous à la fin ? Rien qu’une vérité nouvelle. Nous avons déjà assez d’anciennes vérités à digérer, et même celles-là, nous ne serions tout bonnement point capables de les supporter, si nous ne les rehaussions parfois du goût des mensonges.

Georg Christoph Lichtenberg, Le miroir de l’âme, Corti, p. 252.

David Farreny, 17 déc. 2014
gis

Je gis pauvrement, tu gis misérablement, il gît pitoyablement, nous gisons lamentablement, tandis que vous Gizeh, ô grands pharaons !

Éric Chevillard, « jeudi 23 août 2018 », L’autofictif. 🔗

David Farreny, 27 fév. 2024

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