rien

Tout peut arriver dans la vie, et surtout rien.

Michel Houellebecq, Plateforme, Flammarion, p. 216.

David Farreny, 14 avr. 2002
oublié

Lazare, plus tard, dirait à Rosie qu’il avait le regret profond, douloureux, de l’énorme magnolia de Brive, qui chaque printemps ouvrait dans leur jardin ses fleurs blanches, épaisses, aux durs pétales empesés et duveteux, il lui dirait encore que le bonheur à Brive avait pour lui les couleurs de ce magnolia inodore et un peu raide sur leur bout de pelouse maigre. Rosie, elle, ne se souviendrait d’aucun magnolia, de nulle splendeur douteuse. Pour répondre à Lazare, elle évoquerait vaillamment la longue rue droite et jaune, leur maison jaune, le soleil permanent qui nimbait Brive d’une lumière chaude. Mais Lazare ne se rappellerait rien de jaune à Brive, il aurait même oublié Rose-Marie (c’est Lazare qui, à Paris, avait entrepris de l’appeler Rosie) et Rosie, solitaire, encombrée de réminiscences jaunes flottantes, cesserait de parler de Brive à Lazare, écoutant simplement en prenant garde de n’en rien absorber, de ne pas s’en laisser pénétrer, l’histoire de ce magnolia qui ne lui était rien.

Marie NDiaye, Rosie Carpe, Minuit, p. 53.

David Farreny, 14 déc. 2002
consent

Par quel miracle l’homme consent-il à faire ce qu’il fait sur cette terre, lui qui doit mourir ?

François-René, vicomte de Chateaubriand, Mémoires d’outre-tombe (1), Le livre de poche, p. 472.

Guillaume Colnot, 17 mai 2007
loi

Ce que nous tentâmes de faire, en quittant notamment la cafétéria pour déboucher, au-dessus, dans le restaurant, où nous circulâmes entre des sièges violets recouverts de bagages, de gens lisant les mêmes magazines, d’enfants que leurs parents tentaient d’y maintenir à l’état de repos, avant de déboucher sur le pont numéro sept, où nous découvrîmes une minuscule piscine circulaire, bâchée, au bord de laquelle, en lui tournant le dos, d’aucuns avaient trouvé là encore le moyen de s’asseoir, nouvelle scène, donc, de suroccupation de l’espace, se déroulant en anneau cette fois, mais toujours immobile, c’était la loi du genre.

Christian Oster, Trois hommes seuls, Minuit, p. 90.

Cécile Carret, 21 sept. 2008
aussi

Dans une encyclopédie russe, je vois le portrait du Gaon lui-même : visage fanatique, yeux brûlants, bouche aux contours fermes, barbe flamboyante. Les visages des hommes sages accrochés au mur de la salle de lecture sont plus doux, plus chauds, mais ils pâlissent à côté de celui du Gaon. Tout comme ce qui est doux, sage, pâlit à côté de ce qui est violent. Aujourd’hui. Mais demain, ce qui est violent aussi aura disparu.

Alfred Döblin, « Voyage en Pologne », « Théodore Balmoral » n° 59-60, printemps-été 2009, pp. 31-32.

David Farreny, 17 nov. 2009
carabes

Quant aux insectes, leurs formes, couleurs, contact, mouvements sont ceux de petits jouets très perfectionnés, amoureusement peints, de menus automates. Lorsqu’on les tire, l’hiver, des troncs d’arbres abattus, plus ou moins vermoulus où ils ont cherché refuge, ils sont engourdis au point de rester sans mouvement lorsque la lumière, subitement, les atteint. On n’a pas tant l’impression de traquer des êtres vivants, des carabes, surtout, que de voler des gemmes, des pièces d’or dans les coffres fracturés du bois.

Pierre Bergounioux, Chasseur à la manque, Gallimard, p. 39.

Cécile Carret, 14 avr. 2010
air

Il tenait en main un plat d’œufs mimosa qu’il a posé sur la table en me saluant. Je l’ai trouvé plus petit que d’habitude avec son plat. Comme il ne disait rien de spécial, et qu’il avait l’air de considérer que je faisais partie des meubles, j’ai dit que j’aimais bien les œufs mimosa. Attends, a-t-il dit, tu vas voir le lapin, et il est retourné vers la cuisine. J’ai cru un instant qu’il allait m’apporter le lapin pour me le montrer, mais ce n’était évidemment pas ça. Je suis resté encore un moment dans la salle à manger, les mains dans les poches, de l’air du promeneur tranquille, mais qui se trouve face à une bifurcation.

Christian Oster, Rouler, L’Olivier, p. 138.

Cécile Carret, 30 sept. 2011
étendue

Il faut en France beaucoup de fermeté et une grande étendue d’esprit pour se passer des charges et des emplois, et consentir ainsi à demeurer chez soi, et à ne rien faire. Personne presque n’a assez de mérite pour jouer ce rôle avec dignité, ni assez de fonds pour remplir le vide du temps, sans ce que le vulgaire appelle des affaires. Il ne manque cependant à l’oisiveté du sage qu’un meilleur nom ; et que méditer, parler, lire, et être tranquille, s’appelât travailler.

Jean de La Bruyère, « Les caractères ou les mœurs de ce siècle », Œuvres complètes (1), Henri Plon, p. 242.

Guillaume Colnot, 28 fév. 2013
utilise

J’aurais pu m’acheter un nouveau style-bille, cela ne m’aurait pas coûté plus cher que cette recharge, mais je tenais à celui-ci, je m’y étais attaché, j’aimais bien son profil de torpille ou de roquette, son agrafe ingénieuse, son matériau joliment composite (métal brossé, métal brillant, matière plastique), on le tenait agréablement en main et la mention I (cœur) NY laissait penser qu’il venait du même endroit que mon carnet beige, il n’était pas très beau mais j’y tenais. De plus, il était pratique pour prendre des notes tout en marchant car à bille rétractable, donc plus pratique que le feutre V5 Hi-Tecpoint 0,5 Pilot que j’utilise ordinairement mais dont le capuchon, qu’il faut ôter puis remettre (et qu’on ne sait pas où mettre dans l’intervalle), retarde le mouvement.

Jean Echenoz, « Trois sandwich au Bourget », Caprice de la reine, Minuit, p. 110.

Cécile Carret, 26 avr. 2014

mot(s) :

auteur :

rechercher 🔍fermer