viciait

Oh, c’était bien cela. Lagrand le savait. Tout le monde souhaitait ici la mort du garçon, de ce pauvre, vilain et ridicule enfant bêtement surnommé Titi, et peut-être même jusqu’à la petite Jade qui souhaitait innocemment que Titi meure, ce garçon aride, déprimant comme une tache irrémédiable au revers de tout plaisir possible, de quelque espèce de goût bien légitime qu’on pouvait arriver à prendre à l’existence et que lui, ce manquement tenace, viciait, lui, Titi, qui avait survécu, en les gâtant, à toutes les occasions de joie.

Marie NDiaye, Rosie Carpe, Minuit, p. 214.

David Farreny, 24 déc. 2002
vertu

Au retour, nous retrouvions notre baraque chauffée à blanc par le soleil de la journée. En poussant la porte, nous retouchions terre. Le silence, l’espace, peu d’objets et qui nous tenaient tous à cœur. La vertu d’un voyage, c’est de purger la vie avant de la garnir.

Nicolas Bouvier, L’usage du monde, Payot & Rivages, p. 30.

Cécile Carret, 30 août 2007
dyade

Je-t-aime est sans ailleurs. C’est le mot de la dyade (maternelle, amoureuse) ; en lui, nulle distance, nulle difformité ne vient cliver le signe ; il n’est métaphore de rien.

Roland Barthes, Fragments d’un discours amoureux, Seuil, p. 176.

Élisabeth Mazeron, 19 déc. 2009
accepter

C’est dès qu’on respire qu’on est sommé d’agir, exposé à pâtir. Aussi un accès infaillible, fulgurant nous est-il ménagé sur l’endroit précis où les heures d’or, les nôtres attendent notre venue pour commencer leur ronde. J’ai su où était ma place quand je n’avais pas le premier mot pour l’expliquer. Ç’aurait été sans importance si j’avais pu m’y établir. Je le cherche parce que ce qui est arrivé n’est pas ce qui aurait dû et qu’on peut toujours, à défaut, s’efforcer de comprendre, d’accepter.

Pierre Bergounioux, Le premier mot, Gallimard, p. 20.

Élisabeth Mazeron, 7 mai 2010
résonance

Tout était changé, mes résistances enfoncées. Je ne comprenais plus comment j’avais pu me refuser cette joie, cet enrichissement de mon monde intérieur. C’est sans doute Bach qui était le plus convaincant, parce que le plus surprenant et inouï. Le rythme, les mélodies et leurs variations, la composition lisible au moins dans ses grandes lignes, et très clairement, la coexistence d’une simplicité mélodique et de réserves de complexité, j’avais espéré cela. […] L’ennui, Bach révélait qu’il était riche de formes virtuelles, du goût de vivre et de la joie d’avoir un espace de résonance en soi, l’ennui était fait pour accueillir ça, Bach, « ça » en révélait la profondeur, qui jusqu’alors semblait n’être qu’une inertie mentale dans laquelle les pensées tournaient en rond.

Pierre Pachet, Sans amour, Denoël, p. 45.

Cécile Carret, 13 mars 2011
chair

Et loin pourtant d’être une jeunesse. Elle avait dépassé les trente ans, les trente-cinq même peut-être. Sa chair était d’une voluptueuse mollesse, d’une douceur patinée, on aurait dit que les nombreux lits, que les nombreux bras étrangers l’avaient comme attendrie, son visage était tendre aussi, comme la pulpe onctueuse d’une banane, et ses seins étaient comme deux menues grappes de raisin. Il y avait ce charme en elle de la grâce tout près de corrompre, cette poésie de la flétrissure imminente et de la mort. Elle aspirait l’air comme s’il lui brûlait la bouche, ou bien comme si, de sa petite bouche ardente de catin, elle léchait quelque friandise ou sirotait du champagne.

Dezsö Kosztolányi, Alouette, Viviane Hamy, p. 112.

Cécile Carret, 4 août 2012
fermoirs

Mais voici l’étincellement de l’éclaircie et du plein soleil sur toutes les flaques, sur toute l’étendue scintillante de pierres et de tuiles imbriquées : voici le vent qui reconquiert son rocher, ridant la surface de l’eau stagnante et séchant dalles, murs et arêtes, réduisant cette roche à un os poli.

Mais l’eau de l’Arno est tenue en respect. Bien qu’assagi par les méandres en amont, le fleuve torrentiel ne cesse d’être une nature sauvage et nue. Le rapport profond que la ville entretient avec lui renvoie toujours à cette domination. Le fleuve est accueilli entre les murailles et au milieu des maisons en sa qualité de fleuve, force bénéfique et insidieuse avec laquelle il est interdit de s’abandonner aux faiblesses. Ni artifices ni flatteries. Après les divagations ombrageuses et les riantes stagnations de Rovezzano, Varlungo et Bellariva, l’Arno est emprisonné par les hautes murailles et, tout en progressant vers le cœur de la ville, resserré dans sa fosse de pierre, enjambé par des ponts bien plus semblables à de puissants fermoirs pour le sertir qu’à des routes pour le franchir.

Mario Luzi, « Paragraphes florentins », Trames, Verdier, pp. 53-54.

David Farreny, 26 fév. 2013
compas

Le compas a peut-être de la compassion pour tout ce qu’il entoure, mais sa pointe est douloureusement fichée dans mon nombril.

Éric Chevillard, Le désordre azerty, Minuit, p. 164.

Cécile Carret, 9 mars 2014
but

Mon but ? Il m’atteindra tôt ou tard.

Jean-Luc Sarré, Ainsi les jours, Le Bruit du temps, p. 46.

David Farreny, 8 oct. 2014

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